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Défis et enjeux internationaux avec Magda Fusaro au CORIM

La rectrice a entretenu l’assistance du thème des universités face à la tourmente.

Par Marie-Claude Bourdon

25 novembre 2022 à 12 h 31

La rectrice Magda Fusaro a discuté de plusieurs enjeux internationaux qui interpellent les universités lors d’une conférence au Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM) placée sous le thème «Défis et enjeux planétaires: les universités face à la tourmente!», qui a eu lieu le 24 novembre dernier. Plus de 400 personnes ont assisté à l’événement, la plus importante assistance au CORIM cet automne. La conférence a pris la forme d’un entretien avec la journaliste de Radio-Canada Catherine François (M.A. science politique, 1993), correspondante au Canada de TV5 Monde.

La ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration Christine Fréchette, députée de Sanguinet, a fait une présentation élogieuse de la rectrice, soulignant, entre autres, «son mandat où beaucoup a été accompli sur le plan du rayonnement international».

Magda Fusaro a d’abord pris la parole pour présenter le thème de la tourmente qui secoue le monde actuel, avec ses crises et ses enjeux, qu’ils soient politiques, économiques, sociaux ou climatiques. Elle a souligné le paradoxe de la position des universités face à cette tourmente. «On attend de nous des réponses d’une complexité multifactorielle et le tout avec ouverture!, a-t-elle commenté. L’une des solutions réside certainement dans les partenariats et les collaborations entre universités, mais aussi avec les gouvernements, les entreprises et la société civile. Mais voilà le paradoxe: les tourmentes, crises et conflits ont pour effet de malmener ces collaborations internationales pourtant essentielles à leur résolution pacifique.»

On n’a jamais autant sollicité les universités, pour ensuite les critiquer, a observé la rectrice: «Elles ne vont pas assez vite, elles vont trop loin, elles sont trop silencieuses, elles sont trop mouvementées.» Heureusement, cette institution millénaire est résiliente, a rappelé Magda Fusaro. Malgré le contrôle qu’on a voulu exercer sur elles, les universités se sont battues, à travers l’histoire, pour préserver leur liberté et leur autonomie. En temps de crise et de transformations rapides, cette résilience leur permet de conserver leur pertinence. «Qu’elles soient face aux tourmentes ou prises dans une tourmente, nos universités œuvrent constamment à la recherche de solutions et créent des ancrages pour nos sociétés», a déclaré la rectrice.


Une contribution essentielle

Les premières questions de Catherine François portaient sur les principaux éléments de tourmente auxquels sont confrontées les universités comme l’UQAM – crise climatique, crise démocratique, crise géopolitique, crise des droits et libertés, crise humanitaire et crise sanitaire – et au rôle que les universités peuvent jouer par rapport à ces enjeux. La rectrice a illustré par divers exemples la contribution essentielle des universités face aux défis de l’heure. Elle a ainsi rappelé le rôle qu’ont joué les chercheurs du Groupe d’experts intergouvernemental sur le climat (GIEC) depuis sa création en 1988. «À quoi servent les universités? À l’éveil des consciences, a-t-elle fait remarquer. Prenons les conférences de l’ONU sur les changements climatiques ou la biodiversité auxquelles les experts et chercheurs universitaires contribuent de multiples façons. L’UQAM comptera 62 délégués à la COP 15 qui se tiendra dans quelques jours à Montréal. Certes, ces événements ne permettent pas de renverser totalement la vapeur, mais il en ressort des conventions internationales, des mesures de protection des écosystèmes et une diversité d’actions et de solutions pour réduire les gaz à effet de serre.»

La rectrice a également cité la participation de l’UQAM à un projet de 200 M$ impliquant la NASA et l’Agence spatiale canadienne, qui vise à améliorer les prévisions des phénomènes météorologiques extrêmes et la surveillance des catastrophes grâce à une mission multisatellitaire.

Parmi d’autres exemples, Magda Fusaro a aussi évoqué le rôle des universités en ce qui a trait aux droits de la personne, aux crises humanitaires et au déplacement des populations. «Notre Clinique internationale des droits humains est devenue une référence au niveau mondial, a-t-elle soutenu. Les interventions de ses juristes et stagiaires participent à l’évolution du droit international. Cela est de la plus haute importance dans le contexte où les droits humains, dont ceux des femmes, des communautés LGBTQ2+, des personnes autochtones et des migrants sont mis à mal dans plusieurs pays.»

À une question de la journaliste sur la crise démocratique, la rectrice a répondu en dénonçant la désinformation dont nous sommes tous témoins en tant que citoyens et citoyennes. «Avec toutes ces fausses nouvelles, la vérité objective disparaît pour laisser place aux théories du complot, aux propos haineux et à la diffamation. Ces dynamiques ébranlent les fondements mêmes de nos démocraties», a-t-elle mentionné.

La conférence de Magda Fusaro a pris la forme d'un entretien avec la journaliste de Radio-Canada Catherine François (M.A. science politique, 1993), correspondante au Canada de TV5 Monde. Photo: Nathalie St-Pierre

Les médias jouent un rôle important face à cette désinformation, mais cela ne suffit pas, croit Magda Fusaro. «Faut-il réguler l’internet? Les États membres de l’UNESCO vont se poser la question lors d’une conférence mondiale intitulée «Internet pour la démocratie» qui aura lieu en février prochain. Comment changer les modèles économiques des réseaux sociaux? Si l’on intervient, quels mécanismes de régulation devrait-on privilégier? Voilà des questions auxquelles les universités ont été conviées à réfléchir.»

Sur le thème de la crise sanitaire, la rectrice a souligné la multiplicité des enjeux que celle-ci a révélés. «Cette crise a bouleversé nos façons d’enseigner, de travailler, de se déplacer. Elle a aussi mis en lumière des fragilités sur le plan économique, social, psychologique, et ce, à l’échelle locale et internationale. Les universités sont à l’œuvre pour trouver des solutions, et pas seulement en biochimie et en virologie.»


Qui influence qui?

La rectrice a échangé avec la journaliste sur l’influence réciproque entre les universités et les mouvements qui agitent la société. Qui influence qui? Parfois c’est l’université qui initie un mouvement, parfois elle est appelée à y réagir, à l’étudier, à le décortiquer. Les échanges sont constants entre les mouvements sociaux et les chercheurs et chercheuses en sciences sociales, a relevé Magda Fusaro. Parfois, les universités sont aux premières loges de ces mouvements. «Un mouvement comme #MoiAussi peut être difficile à gérer à l’intérieur de l’université, mais cela amène des réflexions  qui transforment la société.»

La rectrice a donné en exemple les recherches du professeur émérite du Département des sciences économiques Pierre Fortin, qui vient de recevoir la médaille de l’UQAM. «Les gens ne s’en souviennent peut-être pas, mais les bases de la politique familiale du Québec, notamment la mise en place du réseau des CPE à tarif réduit, constituent l’une des nombreuses retombées du rapport Fortin-Séguin (rédigé par Pierre Fortin avec la professeure Francine Séguin, de HEC). Les CPE inspirent aujourd’hui non seulement le reste du Canada, mais nombre de pays dans le monde.»

De même, la participation des universités à une initiative comme Partenariat climat Montréal est un élément de transformation sociale qui vise à mobiliser les acteurs clés de la collectivité pour contribuer à réduire les émissions de gaz à effet de serre, a noté la rectrice, qui a aussi insisté sur le rôle joué par l’UQAM dans la mise en place de différentes mesures visant à réduire son empreinte carbone.


Transformer le monde

«Nous ne faisons pas que former les citoyens et professionnels de demain, a rappelé Magda Fusaro. Nous transformons aussi le monde par nos recherches, nos données, nos services aux collectivités et nos nombreux partenariats à l’échelle locale et internationale.» Elle a aussi insisté à de multiples reprises sur les liens étroits qui unissent les universités, les gouvernements, la société civile. «L’université n’est plus dans une tour d’ivoire, a-t-elle dit. Elle s’est mise au service de la société.»

De nombreux autres sujets ont été abordés au cours de l’échange entre la rectrice et la journaliste Catherine François. Magda Fusaro a notamment abordé la question délicate des partenariats internationaux avec des établissements universitaires dans des pays dont les valeurs n’épousent pas toujours celles de nos universités. Elle a parlé de la défense de la langue française à travers le monde et du rôle joué dans ce domaine par l’Agence Universitaire de la Francophonie. Elle a mentionné l’importance des échanges étudiants avec différents pays à travers la planète et de l’accueil, à l’UQAM, de chercheurs étrangers, notamment de pays en guerre.

La dernière question de Catherine François portait sur le mot, qui, selon Magda Fusaro, définit l’UQAM à l’international. «La diversité», a répondu la rectrice. Selon elle, c’est l’image qui convient le mieux pour représenter le vaste panorama des recherches, des personnes et des idées qui sont véhiculées à l’UQAM.

En conclusion, le président-directeur général du CORIM, Pierre Lemonde, a tenu lui aussi à féliciter Magda Fusaro pour l’importance qu’elle a accordée aux enjeux internationaux tout au long de son mandat. Saluant l’engagement de la rectrice, il a souligné le rôle des universités dans la recherche de solutions aux enjeux d’aujourd’hui. «Ce qui ne doit pas changer, a-t-il déclaré, c’est l’importance que l’on doit accorder aux institutions d’enseignement supérieur comme pôles intellectuels et scientifiques au bénéfice de toute la communauté. Si nous devons trouver des réponses innovantes face aux défis d’aujourd’hui, l’UQAM fait clairement partie de cet écosystème nécessaire à la formation, à la recherche et au développement des idées de demain.»

On peut visionner la conférence en ligne sur le site du CORIM.