Chez la plupart des espèces, les télomères, ces structures protectrices de l’ADN que l’on retrouve à l’extrémité des chromosomes, raccourcissent avec l’âge. Cette sorte d’horloge programmée pourrait même déterminer la durée de vie des individus. Mais chez les tamias rayés sauvages du sud du Québec, les télomères s’allongent avec le vieillissement. Cette découverte étonnante fait l’objet d’un article publié dans la revue Molecular Ecology par une équipe de recherche dont font partie le professeur du Département des sciences biologiques Denis Réale et la postdoctorante Mathilde Tissier (première auteure). Avec leurs collaborateurs québécois et français, la chercheuse et le chercheur ont montré que, contrairement à l’hypothèse généralement admise, avoir de longs télomères est associé chez le tamia rayé à une vie courte et à une reproduction précoce.
La compréhension du vieillissement et de la diversité des stratégies de vie et de reproduction est une pierre angulaire de la biologie. On sait que les télomères raccourcissent lors des divisions cellulaires, et donc avec l’âge, chez la plupart des espèces. Cependant, on sait peu de choses sur la dynamique des télomères chez les vertébrés sauvages de petite taille et à courte durée de vie. C’est cet aspect qui a été exploré par l’équipe de recherche sur la base d’un suivi à long terme de plus de 15 ans des tamias rayés du sud du Québec. Chez cette espèce, les télomères, particulièrement longs, s’allongent avec l’âge, révèlent les résultats de l’étude.
De longs télomères sont associés, chez les vertébrés, à un risque accru de développer des cancers. Ainsi, des télomères longs en début de vie pourraient conduire les tamias à adopter une stratégie «vivre vite et se reproduire tôt». Les résultats de l’étude révèlent d’ailleurs que les femelles ayant les plus longs télomères au sein de leur population se reproduisaient à un âge plus précoce que celles ayant des télomères courts et avaient un taux de fécondité plus élevé.
L’étude a aussi révélé des liens positifs entre la longueur des télomères et la vitesse d’exploration et l’activité des individus, ce qui confirme que les tamias ayant de longs télomères utiliseraient une stratégie «vivre vite et se reproduire tôt », plutôt qu’une stratégie «vivre lentement et vivre vieux».
Les auteurs de l’étude émettent l’hypothèse que l’adoption de cette stratégie serait reliée à la fois à la faible probabilité de vivre vieux en raison de causes externes, comme la prédation, mais également à la longueur importante des télomères relevée chez cette espèce, qui en fait des candidats à haut risque pour le développement de cancers, et ce, d’autant plus qu’ils atteignent un âge avancé. D’autres études vont tester cette hypothèse en se concentrant sur d’autres marqueurs associés à la sénescence et au risque de cancer, notamment des mesures de l’activité de la télomérase, une enzyme qui pourrait être impliquée dans l’élongation observée des télomères.
La chercheuse française Mathilde Tissier a bénéficié d’une bourse du FRQNT pour mener cette recherche. Elle a travaillé sous la supervision de Denis Réale à l’UQAM ainsi que des professeurs Patrick Bergeron, à l’Université Bishop’s, et Valérie Fournier, à l’Université Laval. Elle poursuit actuellement un autre stage postdoctoral au Centre de la science de la biodiversité du Québec. Ce stage axé sur la conservation des bourdons et mené en collaboration avec le monde agricole est financé par le programme canadien de bourses Liber Ero, qui soutient des scientifiques en début de carrière travaillant sur des problèmes de conservation.