On entend souvent le professeur de l’École de design Sylvain Allard commenter dans les médias les questions liées à l’emballage des produits de consommation. Au fil des ans, il est devenu un spécialiste de ce sujet qu’il enseigne dans ses cours et auquel il a consacré plusieurs projets. Avec la réalisatrice Sophie Lambert, il lance ces jours-ci Tout déballer, un documentaire qui fait le point sur ces emballages qu’on aime détester et dont on a pourtant bien du mal à se passer.
Pollution des océans par le plastique, suremballage et crise du recyclage. Emballages recyclables, non recyclables, compostables, réutilisables… Le sujet n’est pas simple. «Ce documentaire propose une sorte d’état des lieux, dit le professeur et coréalisateur. Ce n’est pas un document pamphlétaire. J’essaie de comprendre les enjeux et les réponses proposées.»
Sylvain Allard s’intéresse plus particulièrement au rôle du designer dans la recherche de solutions face aux problèmes environnementaux causés par les emballages. Des problèmes qui sont, en fait, liés à nos modes de production et de consommation. «Souvent, quand on se penche sur cette question, on la prend par la fin: comment se débarrasser de tous ces emballages en fin de vie?, observe-t-il. Moi j’ai voulu la prendre en amont.»
Valoriser le rôle du design
Le documentaire nous fait ainsi rencontrer une dizaine de personnes impliquées dans l’idéation, la conception, la mise en marché et la gestion en fin de vie des emballages. «Nous souhaitions avoir des gens de toutes les générations et de différents points de vue, autant un spécialiste du plastique comme Koen de Winter [professeur associé à l’École de design] qu’une militante du zéro déchet comme Mélissa de La Fontaine», précise Sylvain Allard, que l’on voit aussi, en classe, discuter du problème avec ses étudiantes et ses étudiants.
«Ce documentaire est également une façon de mettre en lumière et de valoriser le rôle du design dans la mise en place d’une véritable économie circulaire, dit le professeur. Les étudiants et étudiantes sont, pour la plupart, sensibilisés aux problématiques environnementales, mais ne réalisent pas toujours à quel point le design est un levier pour la recherche de solutions, que ce soit dans le choix des matériaux ou des techniques de fabrication.»
Sylvain Allard a conduit la recherche et les entrevues. Sophie Lambert a fignolé le scénario et l’aspect visuel du film. «Elle a apporté sa touche et aussi son humanité, dit-il. Les emballages, ça fait partie de la vie de tout le monde.»
Sensibiliser les consommateurs et les producteurs
Avec ses images percutantes, ses animations ludiques et son montage enlevé, le film s’adresse autant au grand public qu’aux designers et autres acteurs du milieu qui interviennent à différents moments du cycle de vie des emballages. Il vise à sensibiliser les consommateurs, mais aussi, et peut-être surtout, à éveiller les consciences de tous ceux et celles qui participent au processus de sélection et de conception du produit emballé. «C’est pour cela que j’ai un partenaire qui travaille avec les entreprises», souligne Sylvain Allard.
Ce projet est le troisième qu’il réalise dans le cadre de l’atelier de recherche et création Packplay, en partenariat avec Éco Entreprises Québec, un OBNL chargé de récolter auprès des entreprises d’emballage les montants qui sont reversés aux services municipaux de collecte sélective. Éco Entreprises Québec a aussi pour mandat de mettre en place des approches innovantes en matière d’emballage, dans une perspective de développement durable et d’économie circulaire.
Une première exposition dédiée au sujet de l’emballage avait été organisée en 2014, suivie d’une deuxième, en 2017, consacrée à des projets étudiants d’écoemballage, présentée au Palais des congrès de Montréal lors du Sommet mondial du design. Avec Geneviève Dionne, directrice, écoconception et économie circulaire, chez Éco Entreprises Québec, Sylvain Allard a aussi corédigé et publié le livre Avons-nous besoin d’un autre emballage?
Même si on le voulait, il serait pratiquement impossible de se débarrasser de tous les emballages. Mais on peut consommer différemment (favoriser les contenants réutilisables, par exemple) ou enlever une couche d’emballage. «Quelques grammes multipliés par des milliers de produits, ça peut faire des tonnes de déchets en moins», note le professeur.
«On entend souvent qu’il ne sert à rien de mettre ses emballages dans le bac de récupération parce que tout finit à l’enfouissement, commente Sylvain Allard. C’est un peu décourageant. Avec ce documentaire, on a voulu amener une note optimiste. Tout déballer… pour mieux réemballer.»
Lancé officiellement le 20 octobre au Cinéma IMAX du Centre des sciences de Montréal, le film est disponible en ligne sur le site de Tout déballer. Une version en anglais sortira bientôt. «Il y aura aussi une suite sous forme de capsules dérivées de nos tournages, annonce Sylvain Allard. Cela nous permettra de creuser davantage certaines questions abordées dans le documentaire. De cette façon, le projet va continuer à vivre et nous pourrons poursuivre nos efforts de diffusion pour qu’il touche le plus de publics possible.»