Voir plus
Voir moins

Cinquante ans de météo à l’UQAM

Le programme demeure la seule formation francophone dans le domaine en Amérique du Nord.

Par Pierre-Etienne Caza

25 mars 2022 à 16 h 03

Mis à jour le 9 juin 2022 à 13 h 09

La station météorologique de l’UQAM est située sur le toit du pavillon Président-Kennedy.Photo: Nathalie St-Pierre

Le programme de bac en météorologie de l’UQAM célèbre ces jours-ci ses 50 ans d’existence. «La formation demeure la seule dans le domaine à être offerte dans une université francophone en Amérique du Nord», rappelle le professeur René Laprise, directeur des programmes de premier cycle au Département des sciences de la Terre et de l’atmosphère.

C’est en 1972, plus précisément le 23 mars, Journée internationale de la météorologie, qu’a été créée la première formation en météo à l’UQAM. L’Université avait conclu une entente avec le Service de l’environnement atmosphérique (devenu aujourd’hui le Service météorologique du Canada, une entité d’Environnement et Changement climatique Canada) pour mettre sur pied un programme intensif de formation spécialisée en météorologie. «Ce programme s’adressait aux détenteurs d’un bac en physique», rapporte René Laprise, qui a fait partie de la deuxième cohorte à suivre cette formation, dont il a relaté les débuts dans un texte paru en février dernier dans le magazine de l’Acfas. Le directeur du Département de physique de l’époque, Armel Boutard, et son collègue Conrad East, ont saisi la balle au bond. En parallèle avec cette formation intensive, ils ont recommandé à l’UQAM de créer une option en météorologie au programme de physique.

Une prédiction juste 

«L’option physique et météorologie vient tout juste d’être créée. C’est la première du genre dans une université francophone au Québec et au Canada. Nous aimons croire qu’elle aura un brillant avenir, si l’on songe à l’importance que prendra l’étude de l’environnement atmosphérique. La prévision, voire la modification de la température, sont promises à une extension et à un perfectionnement singuliers.»

Florent Verreault, directeur du Module de physique
Le Tricycle (l’ancêtre du journal L’UQAM, qui a précédé Actualités UQAM), décembre 1972.

De la physique aux sciences de l’atmosphère

Jusqu’en 1998, la formation en météo de l’UQAM a été tour à tour une option, puis une concentration à l’intérieur du baccalauréat en physique. Lorsque le Département de physique a fermé ses portes, la concentration a été offerte dans le cadre du baccalauréat en mathématiques, avant d’être intégrée au baccalauréat en sciences de la Terre et de l’atmosphère en 2008.

Gaston Paulin, responsable de la première formation en météorologie à l’UQAM, en 1973.Photo: Archives UQAM

«Pendant 45 ans, les étudiantes et étudiants suivaient des cours de physique et de mathématiques durant la première année, et amorçaient leur spécialisation en météorologie à partir de la deuxième année. C’était un peu démotivant de ne pas pouvoir plonger tout de suite dans le domaine qui les intéressait vraiment», observe René Laprise, qui a piloté en 2019 une refonte majeure du programme de premier cycle en météo.

Sa collègue Julie Thériault a suggéré d’intégrer les notions de physique et de mathématiques aux cours en sciences de l’atmosphère dès le début du bac. «Les étudiantes et étudiants appliquent ainsi les équations mathématiques aux concepts en météorologie et ils adorent!», constate le professeur.

Le programme revampé s’intitule désormais baccalauréat en sciences de la Terre et de l’atmosphère, concentration sciences de l’atmosphère: météo et climat. La première année, la cohorte est jumelée avec les personnes inscrites au nouveau certificat en sciences de l’atmosphère.

Une meilleure puissance de calcul

«Les équations utilisées pour effectuer les prévisions météo sont les mêmes depuis 100 ans. Ce qui a changé, c’est la puissance de calcul des ordinateurs pour résoudre ces nombreuses équations», souligne René Laprise.

À ses débuts dans le métier, le Service de l’environnement atmosphérique utilisait un modèle à 5 niveaux dans l’atmosphère. «Ces niveaux étaient espacés d’environ deux kilomètres, pour une couverture en altitude de 10 à 12 kilomètres, raconte-t-il. Sur le plan horizontal, les points de calculs étaient espacés de 350 kilomètres. Cela signifie que Québec et Montréal n’étaient pas deux points distincts et que la prédiction météo pour les deux villes était sensiblement la même! Pour émettre des prédictions sur la météo entre ces points, il fallait effectuer des équations dérivées… et le résultat était très mauvais. Pour les améliorer, il fallait que les prévisionnistes se fient à leur connaissance des particularités atmosphériques de leur région, telles que la direction des vents ou les microclimats propres aux vallées ou aux montagnes.» 

De nos jours, il y a une centaine de points de calcul à la verticale et les points à l’horizontale sont espacés de deux kilomètres. «La couverture spatiale s’est grandement améliorée en raison des satellites et des méthodes pour interpréter les données qu’ils nous transmettent. Une prévision à 3 jours comporte la même précision qu’une prévision à 2 jours il y a 10 ans, illustre-t-il. On gagne ainsi une journée de prévisibilité par décennie due aux améliorations des outils numériques.»

Savoir communiquer

Lorsque René Laprise a amorcé sa carrière de prévisionniste pour le Service de l’environnement atmosphérique, à Edmonton, les habiletés communicationnelles ne faisaient pas partie des prérequis de l’emploi. «Même si plusieurs diplômés ne travailleront pas nécessairement à l’écran, ils doivent être en mesure de bien communiquer. C’est pourquoi nous avons ajouté un cours de Communication de risque et de crise au programme», note-t-il.

En France, la tendance est à l’embauche de météorologues actifs sur les réseaux sociaux, remarque René Laprise, qui croit que cette pratique risque de devenir monnaie courante de ce côté-ci de l’Atlantique. «Le public veut poser des questions en temps réel lorsque se produit un événement climatique et il faut des spécialistes pour répondre à ces interrogations.»

Débouchés pour les diplômés

Si le gouvernement fédéral constituait, à l’époque de la création du programme, le principal employeur de ses diplômés, les débouchés professionnels sont aujourd’hui beaucoup plus variés. Les secteurs des énergies éolienne, hydroélectrique et solaire embauchent de plus en plus les spécialistes formés à l’UQAM. «Pendant longtemps, ces secteurs ont été la chasse gardée des ingénieurs qui concevaient les éoliennes, les barrages et les panneaux solaires, observe René Laprise. Mais il faut des spécialistes en météo pour positionner les éoliennes et les panneaux solaires de manière optimale.»

Environnement et Changement climatique Canada embauche toujours environ la moitié des diplômés, note le professeur, et MétéoMédia est devenu également un employeur de choix. Son directeur, André Monette (M.Sc. sciences de l’atmosphère, 2012), a été formé à l’UQAM.

La candidate à la maîtrise en sciences de l’atmosphère Catherine Aubry est météorologue à MétéoMédia depuis le printemps 2020. «J’ai toujours été attirée par les phénomènes météorologiques, j’aime les comprendre et les expliquer aux gens», témoigne celle qui a fait l’objet d’une vidéo tournée à l’occasion de la Journée internationale des femmes et des filles de science.

Catherine AubryPhoto: Nathalie St-Pierre

La jeune femme avait postulé pour un stage à MétéoMédia après sa première année de bac. «J’étais trop inexpérimentée pour l’obtenir, mais le processus de sélection m’a permis de me faire connaître, raconte-t-elle. L’année suivante, j’y ai décroché un emploi.»

Son travail consiste à tourner des capsules vidéo qui se retrouvent en ondes et sur le site web de MétéoMédia. «J’explique des phénomènes météorologiques en lien avec les conditions climatiques du moment», précise-t-elle. 

À la maîtrise, sous la direction de la professeure Julie Thériault, la jeune chercheuse s’intéresse aux outils permettant l’analyse des précipitations en temps réel. 

Les météorologues de Radio-Canada 

La regrettée Jocelyne Blouin (B.Sp. sciences physiques, 1974), qui fut une pionnière à Radio-Canada à titre de météorologue, était une collègue de classe de René Laprise et une diplômée de l’UQAM. Son successeur, Pascal Yiacouvakis (B.Sc. géographie physique, 1985; M.Sc. sciences de l’atmosphère, 1994), qui maîtrise lui aussi avec brio la vulgarisation scientifique des phénomènes météo, prend sa retraite des ondes à la fin mars. À l’invitation du Centre ESCER, ce dernier donnera une conférence intitulée «Mon parcours en météorologie depuis 37 ans», le 30 mars, à laquelle on peut assister en personne ou par Zoom.

On ne connaît pas son successeur ou sa successeure à Radio-Canada pour l’instant, mais l’un des météorologues qui a pris le relais, Waldir Da Cruz (B.Sc. Sciences de la Terre et de l’atmosphère/météorologie, 2015), est également diplômé de l’UQAM.