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Projet scientifique au Nouveau-Brunswick

Les tempêtes hivernales et printanières dans la vallée du fleuve Saint-Jean attirent l’attention d’une équipe de météorologues.

Par Pierre-Etienne Caza

18 mars 2021 à 16 h 03

Mis à jour le 2 février 2023 à 12 h 14

Après avoir mené un projet de recherche sur les précipitations hivernales dans les Rocheuses en 2019, Julie Thériault s’intéresse cette fois aux tempêtes hivernales et printanières dans la vallée du fleuve Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick. «Les précipitations durant la saison froide sont l’un des principaux facteurs à l’origine d’inondations en aval dans les régions de Fredericton et de Saint-Jean», explique la professeure du Département des sciences de la Terre et de l’atmosphère.

Le nord du Nouveau-Brunswick reçoit environ 1 200 mm de précipitations annuellement, dont environ 30 % sous forme de neige. «Les événements météorologiques en chaîne tels que pluie-sur-neige, pluie verglaçante, neige et redoux influencent l’évolution du manteau neigeux et la rapidité de la fonte au printemps, souligne Julie Thériault. Les processus impliquant l’interaction des précipitations avec la végétation, le terrain et les embâcles de glace influencent également le débit fluvial.»

Le projet qu’elle dirige, baptisé SAJESS (pour Saint John River Experiment on cold Seasons Storms) implique des chercheurs et des étudiants de l’UQAM, de la Colombie-Britannique, de la Saskatchewan et du Manitoba, de la Suisse et de l’Italie ainsi que des spécialistes d’Environnement et Changement climatique Canada.

La source du fleuve Saint-Jean, le plus grand des provinces de l’Atlantique, se situe dans le nord du Maine. Il s’écoule en marquant la frontière entre le Maine, le Québec et le Nouveau-Brunswick. Dans le nord-ouest du Nouveau-Brunswick, il traverse des terres agricoles, puis s’engouffre dans des gorges profondes où il est exploité par des barrages hydroélectriques. L’embouchure du fleuve se situe à Saint-Jean, où il se jette dans la baie de Fundy.

Des inondations majeures

Depuis 2008, trois inondations majeures se sont produites en aval du fleuve Saint-Jean. «L’événement de 2018 a été particulièrement dévastateur dans le secteur de Fredericton, car il a touché 16 000 propriétés et a coûté aux gouvernements provincial et fédéral environ 80 millions de dollars», raconte Julie Thériault.

Les recherches antérieures sur le bassin du fleuve Saint-Jean se sont principalement concentrées sur l’analyse et la modélisation du débit d’eau et sur les embâcles de glace; peu d’études liées à l’atmosphère et aux précipitations y ont été menées, souligne la chercheuse.

Quelles sont les trajectoires des dépressions amenant des précipitations sur le nord-ouest du Nouveau-Brunswick, et comment ces tempêtes influencent-elles la température et les types de précipitations? Comment ces différents types de précipitations affectent-ils le manteau neigeux dans le haut de la vallée Saint-Jean? Dans quelle mesure peut-on utiliser des modèles atmosphériques pour simuler les tempêtes hivernales, le manteau neigeux, les embâcles de glace et la réponse hydrologique? «Ce sont les questions à la base du projet et elles ne sont pas seulement importantes pour les météorologues, précise Julie Thériault. Nos données fourniront également des informations cruciales aux responsables des mesures d’urgences, aux hydrologues, aux ingénieurs et aux populations locales. Elles pourront notamment être utiles pour la gestion de l’eau en lien avec la production d’électricité.»

Observateurs bénévoles

L’équipe menée par Julie Thériault recueille des données à l’aide de plusieurs instruments sur deux sites dans la région d’Edmundston, au nord-ouest de Fredericton. «Nous avons une station fixe au nord de Saint-Joseph-de-Madawaska afin de recueillir des mesures en continu, ainsi que le Laboratoire mobile de l’UQAM, installé sur un terrain à proximité du confluent du fleuve Saint-Jean et de la rivière Madawaska, dans la ville d’Edmundston, qui nous permettra d’effectuer des observations complémentaires sur une base quotidienne», détaille la chercheuse.

L’observateur bénévole Georges Cyr a accepté d’installer une jauge de précipitations sur son terrain afin de recueillir des données quotidiennement, aux abords du fleuve Saint-Jean.Photo: Julie Thériault

Les instruments déployés sur le terrain enregistrent des données depuis novembre dernier. «Nous avons observé plusieurs variations dans les précipitations, indique la professeure. Seulement en décembre, il y a eu des épisodes de pluie, de neige et de pluie verglaçante. Un des épisodes de pluie a fait monter considérablement le niveau de la rivière Saint-Jean.»

En raison de la pandémie, la campagne sur le terrain a débuté au début du mois de mars et se poursuivra jusqu’à la fin avril. «En plus des étudiants à la maîtrise Lisa Rickard (UNBC) et Dominique Boisvert (UQAM), nous avons impliqué la communauté locale, soit une vingtaine d’observateurs bénévoles incluant des élèves d’une dizaine d’écoles primaires de la région», souligne Julie Thériault. Ces écoles ont été approchées par l’organisme à but non lucratif Labos Créatifs, en collaboration avec la Société de l’aménagement de la rivière Madawaska.

Les bénévoles et les élèves doivent mesurer quotidiennement la quantité de nouvelle neige et sa masse. Chaque lundi, ils mesurent la hauteur de la neige au sol et la quantité d’eau, précise Julie Thériault. «C’est probablement la seule fois de ma carrière où mes parents contribueront directement à une de mes recherches, s’amuse la chercheuse, qui est native de cette région. Ils sont très généreux de leur temps, ils prennent des mesures quotidiennes et ils aident les autres observateurs. Mon père a même mis sur pied un comité de bénévoles pour nous aider au lancement de ballons-sondes toutes les trois heures durant les tempêtes!»

En plus de la page web de SAJESS, on peut suivre le projet sur Facebook.