
Photo: Nathalie St-Pierre
La biotech québécoise Theratechnologies a reçu l’aval de la Food and Drug Administration (FDA) américaine pour entreprendre des essais cliniques de phase 1 sur le TH1902, un médicament anticancéreux conçu à partir d’une plateforme thérapeutique développée par le professeur du Département de chimie Borhane Annabi et son équipe du laboratoire d’oncologie moléculaire de l’UQAM. Les essais vont débuter au cours des prochains mois auprès de patients atteints de cancers avancés de l’endomètre, de l’ovaire, du côlon, du pancréas et du sein triple négatif qui résistent aux traitements disponibles.
«C’est extraordinaire d’avoir été impliqués dans le développement d’un nouveau médicament de A à Z, depuis les premiers balbutiements de la recherche jusqu’aux essais cliniques anticipés, confie Borhane Annabi. Nous sommes très fiers, d’autant plus que la FDA vient de nous accorder la désignation “fast track“, ce qui signifie que notre dossier est passé en haut de la pile. Cela a beaucoup de poids et aidera au recrutement des patients.»
La désignation “fast track” est destinée à faciliter le développement et à accélérer le processus de révision de médicaments conçus pour le traitement de conditions médicales sérieuses et pour permettre aux patients d’avoir accès à de nouveaux médicaments plus rapidement, indique Theratechnologies dans un communiqué émis le 4 février.
Cette reconnaissance du TH1902 par la FDA met en évidence «le vaste champ d’applicabilité et l’énorme besoin médical pour des traitements novateurs, ciblés, potentiellement plus efficaces et mieux tolérés pour le cancer», a déclaré le Dr Christian Marsolais, vice-président principal et chef de la direction médicale chez Theratechnologies.
Le TH1902 combine le docétaxel, un médicament faisant déjà partie de l’arsenal thérapeutique anticancéreux, et un peptide qui cible spécifiquement les récepteurs de la sortiline (SORT1+). Cette nouvelle plateforme de vectorisation de médicaments est basée sur des inventions de l’équipe de Borhane Annabi, mises au point à l’UQAM en collaboration avec le professeur émérite Richard Béliveau. La technologie cible spécifiquement des protéines surexprimées sur les cellules cancéreuses, les récepteurs de la sortiline, qui servent de porte d’entrée pour amener le médicament à l’intérieur de ces cellules.
Plusieurs types de cancers expriment le récepteur de la sortiline (SORT1+). Des résultats précliniques prometteurs ont déjà été obtenus concernant le cancer du sein triple négatif, le cancer de l’ovaire et, plus récemment, les cancers du côlon, du pancréas, de l’endomètre et de la peau. L’évaluation préclinique du TH1902 est toujours en cours concernant le mélanome.
«Chez les animaux, on a démontré que le traitement ralentit la croissance tumorale, voire même l’éradique complètement, sans causer de perte de poids ou de neutropénie, des effets secondaires délétères souvent associés à la chimiothérapie, mentionne Borhane Annabi. Maintenant, tout va se jouer sur les essais cliniques.»
Le premier essai de la phase 1 chez les humains consistera à évaluer, entre autres, l’innocuité du médicament et la dose maximale tolérée. Le TH1902 sera administré une fois toutes les trois semaines à des patients du MD Anderson Cancer Center de l’Université du Texas, l’un des plus importants centres de traitement et de recherche sur le cancer aux États-Unis.
Des patients (dans plusieurs cas, des patientes) présentant des tumeurs solides avancées et récurrentes exprimant le récepteur de la sortiline et réfractaires aux traitements standards pourront participer à l’étude. «Il s’agit de patients et de patientes qu’on ne peut plus traiter, qui ne répondent plus ou très peu aux traitements actuels, dit Borhane Annabi. Pour ces personnes à qui la médecine n’a plus grand-chose à offrir, les essais qui vont commencer représentent un grand espoir.»
La Société Canadienne du cancer (SCC) et le gouvernement du Québec, par l’entremise du Consortium Québécois sur la découverte du médicament (CQDM), contribueront un total de 1,4 million de dollars pour soutenir la recherche en cours.
«C’est un beau partenariat entre la recherche biomédicale de pointe et l’industrie, entre l’UQAM et ses partenaires Theratechnologies, la SCC et le CQDM, qui ont cru au projet et qui l’ont financé, conclut Borhane Annabi. Nous espérons être en train de poser les jalons d’une possible success story.»