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Lectures de mars

Notre sélection mensuelle d’ouvrages publiés par des professeurs, chargés de cours, étudiants, employés, diplômés ou retraités de l’UQAM.

9 mars 2021 à 10 h 03

Mis à jour le 9 mars 2021 à 11 h 03

Série «Titres d’ici»

Décloisonnement des genres musicaux

Il n’y a rien de surprenant, de nos jours, à écouter une symphonie de Beethoven le matin, les chansons de Madonna en après-midi, puis Oscar Peterson en soirée, mais cela n’a pas toujours été le cas, constate Danick Trottier. Dans Le classique fait pop!le professeur du Département de musique s’intéresse à l’histoire des hiérarchies imposées, de la fin du XVIIIe siècle à aujourd’hui, alors qu’un double mouvement d’attraction et de répulsion se joue entre musique sérieuse et légère, entre l’art et le commerce, entre le classique et le populaire. Il tente de définir et de comprendre l’héritage musical occidental, tout en prenant note des changements des dernières décennies et ce qu’ils laissent entrevoir pour l’avenir. Les catégories classique et populaire, observe-t-il, «tendent à devenir de plus en plus obsolètes au profit d’une plus grande liberté créatrice, à mesure que le dialogue entre les musiciens et les musiciennes se nourrit de recherches sonores et de mélanges des genres». Ses réflexions sont agrémentées d’exemples – concerts de pop symphonique, effervescence des musiques instrumentales, foisonnement stylistique de la scène de Los Angeles – provenant autant des musiques anglo-américaines que québécoises et planétaires. Paru chez XYZ.

Les coulisses politiques de la COVID-19

«Le SRAS-CoV-2 apparaît sur l’écran radar de la Direction générale de la santé publique du Québec le dimanche 12 janvier 2020, lorsque l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) rend publique la séquence génomique de ce virus qui frappe la ville de Wuhan, en Chine. Les épidémiologistes et infectiologues comprennent rapidement ce que la découverte signifie: aucun vaccin ni remède à ce virus n’existe. La planète, malgré les avertissements, était mal préparée à affronter un diable de cette nature», écrit le journaliste Alec Castonguay (B.A. communication, 2003) dans Le printemps le plus long. Le chef du bureau politique au magazine L’actualité et analyste à la radio et à la télévision de Radio-Canada tente, dans cet ouvrage, de mieux comprendre ce qui s’est réellement passé dans les entrailles du gouvernement, alors qu’il bataillait pour contenir la progression de la COVID-19. Système d’alerte en panne, fausses pistes scientifiques, préparation en catastrophe des hôpitaux, tragédie dans les CHSLD, chasse planétaire aux équipements de protection médicale, hésitations sur le port du masque, plan de confinement draconien pour Montréal, il nous livre un récit enlevant après avoir mené des dizaines d’entrevues avec les acteurs clés de la crise, obtenu des documents inédits et accompli un travail d’enquête minutieux. «Pour débattre. Pour ne pas oublier. Et pour non seulement mettre en lumière des failles, mais aussi éclairer le travail de ceux qui ont posé des gestes et pris des décisions qui ont sauvé des vies», écrit-il. Publié chez Québec Amérique.

Vérité, réconciliation et mémoire 

Les termes vérité, justice et réparation cadrent les rapports entre les États des Amériques et les populations qu’ils ont historiquement brutalisées. L’ouvrage Devoir de mémoire. Perspectives sociales et théoriques sur la vérité, la justice et la réconciliation dans les Amériques compare différents cas de violation des droits humains qui se sont produits dans le contexte de guerres civiles et de dictatures en Amérique latine, ainsi que dans des pensionnats autochtones en Amérique du Nord. Le collectif d’auteurs, dirigé par les professeurs Leila Celis, du Département de sociologie, et Martin Hébert, du Département d’anthropologie de l’Université Laval, analyse les enjeux liés aux politiques de mémoire, aux exactions et aux mesures visant le rétablissement de la dignité des victimes. Leila Celis illustre la détermination dont font preuve les personnes déplacées en Colombie dans l’affirmation de leur mémoire et de leur expérience de la violence. Son collègue du Département des sciences juridiques Bernard Duhaime analyse le concept de disparitions forcées défini par le droit et les institutions internationales. Enfin, la doctorante en science politique Ludivine Tomasso montre comment les groupes de femmes au Pérou et au Guatemala ont permis de rendre visible la thématique des violences sexuelles et reproductives. Publié aux Presses de l’Université Laval.

Vieillir en beauté

Il y a les Silencieux, nés avant la fin de la Seconde Guerre mondiale, qui ont été décimés par la COVID-19. Puis il y a les Boomers, nés durant l’après-guerre, une première génération instruite. Viennent ensuite les générations X et Y, et les Z, nés au 21e siècle. C’est la première fois sur la planète que cinq générations coexistent. Dans son ouvrage Vieillir avec panache, rédigé en pleine pandémie, la sexologue Jocelyne Robert (B.A. sexologie, 1982) s’intéresse à la question du vieillissement ainsi qu’à sa perception sociale. Depuis la crise sanitaire, les personnes de plus de 65 ans sont traitées comme des parias dangereux par les plus jeunes et sont victimes d’âgisme. «On a fondu tous les vieux et les vieilles dans un tout indifférencié de personnes fragiles en besoin criant d’être protégées, on leur a exprimé de la pitié, sentiment le moins noble qui soit», écrit Jocelyne Robert. Pourtant, les personnes âgées sont des êtres multiples, «des thésaurus d’expériences, de mémoire vive et d’histoires uniques.» La sexologue plaide pour une vieillesse réinventée, pour mettre fin, entre autres, à la phobie de vieillir qui se transmet d’une génération à l’autre. Publié aux éditions de l’Homme.

Démocratie et corruption

Depuis l’Antiquité jusqu’à aujourd’hui, la démocratie a été associée aux principes de liberté et d’égalité. Pour devenir effectifs dans la vie politique et sociale, ces principes doivent s’incarner dans des pratiques et des médiations qui leur donnent corps. La désignation de magistrats par tirage au sort ou l’élection de représentants viennent immédiatement à l’esprit lorsqu’on pense aux démocraties antiques et modernes. Mais les pratiques démocratiques incluent également d’autres modes de participation et de consultation, d’éducation, de contrôle ou de contrepoids. Bien que nécessaires à la vie démocratique, ces pratiques peuvent être le lieu de sa corruption. C’est ce double aspect des pratiques démocratiques – leur nécessité et leur possible corruption – qu’examine l’ouvrage Pratiques et corruptions de la démocratie moderne, publié sous la direction de la professeure émérite du Département de philosophie Josiane Boulad-Ayoub, titulaire de de la Chaire UNESCO des fondements philosophiques de la justice et de la société démocratiqueAristote, rappelle la professeure, expliquait comment on peut conduire la démocratie à sa perte ou la vider de sa substance ne serait-ce que par une transformation minime de ses pratiques. Paru aux Presses de l’Université Laval.

Re-jouer le passé

Depuis le début des années 2000, on observe dans les pratiques artistiques et culturelles, et dans les discours spécialisés, un certain engouement pour le reenactment. Ce terme, qui n’a pas d’équivalent satisfaisant en français, désigne les phénomènes de recréation ou de reconstitution vivante d’œuvres performatives du passé (des chorégraphies, par exemple), d’événements historiques (des batailles) ou de phénomènes culturels. Dans son ouvrage Re-jouer le vivant. Les reenactments, des pratiques culturelles et artistiques (in)actuelles, la professeure de l’École des arts visuels et médiatiques Anne Bénichou interroge la manière dont le passé est re-joué en fonction d’enjeux actuels. «Ce goût de refaire indique l’émergence de nouvelles sensibilités à l’égard du passé, écrit la chercheuse. Qu’ils soient pratiqués par des amateurs, des professionnels ou des artistes, qu’ils aient des visées récréatives, artistiques, historiographiques ou patrimoniales, les reenactments réinventent les manières d’articuler les mémoires vivantes, les archives et les représentations médiatiques.» Anachroniques, ils font dialoguer des historicités plurielles et hétérogènes avec notre actualité, permettant de mieux comprendre le monde d’aujourd’hui et d’agir sur lui, selon Anne Bénichou, qui croit que leur succès est le signe d’une certaine démocratisation de l’histoire. Paru aux Presses du Réel.