«Nous en appelons au gouvernement québécois d’établir immédiatement un plan d’action avec les budgets nécessaires pour soigner de manière équitable les personnes atteintes de maladies rares», écrit la diplômée Gail Ouellette (B.Sc. chimie, 1979; M.Sc. biologie, 1985), présidente du Regroupement québécois des maladies orphelines, dans une lettre ouverte publiée le 28 février dernier dans La Presse+ à l’occasion de la Journée internationale des maladies rares.
La professeure du Département de management de l’ESG UQAM Hélène Delerue ainsi que le professeur du Département des sciences biologiques Nicolas Pilon, qui dirige le Centre d’excellence en recherche sur les maladies orphelines – Fondation Courtois (CERMO-FC), figuraient parmi les cosignataires de cette lettre intitulée «Tenir bon, en attendant la Stratégie québécoise sur les maladies rares».
«Pour les personnes touchées par une maladie rare, les défis actuels n’ont fait qu’exacerber leur très grande vulnérabilité et retarder leur accès aux diagnostics, aux soins de santé et aux traitements, écrivent-ils. Plusieurs patients se sont retrouvés plus isolés que jamais, sans ressources ni soutien.»
Les signataires de la lettre rappellent qu’au Québec, environ 500 000 personnes sont touchées par l’une des 7000 maladies rares répertoriées à travers le monde. «La très grande majorité touche les enfants, dont plusieurs ne pourront célébrer leur cinquième anniversaire de vie», notent-ils.
Obtenir le bon diagnostic et accéder à des services constitue un parcours du combattant pour «les personnes ayant une maladie sans nom, insistent les signataires de la lettre. L’accès à des traitements et aux services psychosociaux demeurent des enjeux de taille, ce qui entraîne son lot de détresse psychologique, de désespoir et d’isolement.»
Les signataires rappellent que presque tous les pays industrialisés se sont dotés d’un plan ou d’une stratégie en matière de maladies rares, mais pas le Canada. «La France a un Plan national maladies rares depuis 2004, 26 des 28 pays de l’Union européenne en ont un et les États-Unis ont plusieurs programmes dans de domaine», soulignent-ils.
Un plan d’action et deux priorités
Le collectif appelle le gouvernement du Québec à établir un plan comportant «comme actions prioritaires celles nommées par les personnes atteintes de maladies rares elles-mêmes.»
«Ces priorités sont la formation des médecins et des différents professionnels de la santé sur les particularités des maladies rares sur le plan du diagnostic, de la prise en charge médicale et des problèmes psychosociaux – anxiété due à l’incertitude quant à l’évolution de la maladie, à l’absence de traitements et à l’isolement social», écrivent-ils. Cela éviterait dans bien des cas de classer le patient comme étant un cas psychiatrique lorsque les maladies connues ont été écartées.
L’autre priorité est la mise sur pied d’un registre de patients atteints de maladies rares et d’un réseau ou répertoire québécois auquel les médecins de famille, spécialistes et d’urgence pourraient se référer pour identifier des cliniques spécialisées ou des médecins experts déjà existants au Québec pour certaines maladies rares. «Ce registre pourrait servir à collecter des données de situations cliniques réelles sur des médicaments novateurs, permettant ainsi une meilleure évaluation de leur rapport coût/efficacité», précisent-ils.
Un meilleur financement
Même s’il comprend la nécessité de combattre la pandémie de COVID-19, Nicolas Pilon observe qu’il n’y a plus beaucoup de place pour les autres types de recherche biomédicale depuis mars dernier. «COVID ou non, il y a des gens dont la santé est déjà affectée par une maladie rare», dit-il.
Comme ses collègues cosignataires, Nicolas Pilon souhaite que la recherche sur les maladies rares soit inscrite dans la nouvelle Stratégie québécoise des sciences de la vie, particulièrement la recherche de thérapies (à peine 10 % des maladies rares ont un traitement spécifique). «Parfois, ça ne prend pas grand-chose pour obtenir une percée majeure, souligne-t-il, mais, pour cela, il faut davantage d’initiatives et de financement de la part des organismes subventionnaires gouvernementaux.»
Concours de subventions du CERMO-FC
Regroupant des chercheurs de l’UQAM, de l’UQ et d’autres institutions universitaires québécoises, le CERMO-FC a tenu récemment son deuxième concours de subvention, octroyant 160 000 dollars à 5 projets de recherche, dont 4 basés à l’UQAM (voir encadré). «L’objectif est de stimuler la création de projets de recherche parmi nos membres afin de susciter un intérêt nous permettant de lever des fonds à l’externe par la suite», explique Nicolas Pilon.
Pour la troisième année consécutive, le CERMO-FC a décerné des bourses d’études à des étudiants s’intéressant aux maladies rares, pour un montant total de 50 000 dollars. «Nous espérons ainsi former les experts de demain dans le domaine des maladies orphelines», souligne le professeur.
Rappelons qu’un programme de soutien psychosocial pour les personnes souffrant d’une maladie orpheline a été créé en octobre dernier à partir d’une collaboration entre le CERMO-FC et la professeure du Département de psychologie Cécile Bardon.
Quatre projets financés par le CERMO-FC
Syndrome de Rett
Les professeurs du Département de chimie Laurent Cappadocia et Marc Lussier travaillent sur ce syndrome qui affecte presque exclusivement les filles (environ 1 naissance sur 15 000) et qui se manifeste par un développement anormal du système nerveux central. Ce syndrome est causé par des mutations dans la région codante du gène MeCP2, qui intéresse particulièrement les deux spécialistes.
Myopathie de Duchenne
Les travaux des professeurs du Département des sciences biologiques Benoît Venderperre et Claire Bénard portent sur la myopathie de Duchenne, une maladie héréditaire rare, mais fatale, causée par une dégénérescence musculaire progressive. Afin de la combattre, les chercheurs souhaitent mieux en comprendre les causes au niveau moléculaire, plus spécifiquement au niveau du gène Zyxin, lequel pourrait être une cible thérapeutique potentielle.
Leucémie/lymphome à cellule T adulte
Le virus T-lymphotrope humain de type 1 (HTLV-1) est la cause d’une forme agressive de cancer, soit la leucémie/lymphome à cellule T adulte (ATL). Bien que près de 10 millions de personnes soient infectées par ce virus au niveau mondial, seulement 2 à 5 % d’entre elles développeront l’ATL, ce qui en fait une maladie rare. Les professeurs Benoit Barbeau (sciences biologiques), Lekha Sleno (chimie) et François Dragon (sciences biologiques) s’intéressent à la localisation cellulaire d’une protéine virale et à ses interactions avec d’autres protéines et ARN comme déclencheurs de ce type de cancer. En saisissant mieux ces interactions, ils espèrent identifier de nouvelles cibles qui pourraient être utiles pour des thérapies innovantes.
Encéphalopathie épileptique infantile précoce
L’encéphalopathie développementale et épileptique est un ensemble de troubles neurologiques caractérisés par des crises épileptiques chroniques chez le nourrisson. Actuellement intraitables, ces formes sévères d’épilepsie conduisent à des retards développementaux et à une déficience intellectuelle. Les professeurs Marc Lussier (chimie), Laurent Cappadocia (chimie) et Saïd Kourrich (sciences biologiques) s’intéressent plus particulièrement à une forme rare de ce trouble neurologique, soit l’encéphalopathie épileptique infantile précoce 73, qui serait attribuable au mauvais fonctionnement d’une enzyme. Leur objectif est d’élucider l’impact de mutations génétiques spécifiques du gène codant pour cette enzyme sur des fonctions neuronales essentielles à la transmission de l’information au sein des circuits cérébraux, et ainsi ouvrir la voie au développement de thérapies.