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Collect’O: une recherche participative

Les citoyens sont invités à recueillir des échantillons de précipitations pour comprendre l’impact du milieu urbain sur les ressources en eau.

Par Claude Gauvreau

22 juin 2021 à 13 h 06

Mis à jour le 23 juin 2021 à 11 h 06

Série En vert et pour tous
Projets de recherche, initiatives, débats: tous les articles qui portent sur l’environnement.

L’équipe de Collect’O souhaite installer quelque 100 collecteurs d’échantillons de précipitations sur le territoire du grand Montréal.Photo: Nathalie St-Pierre

À l’heure des changements climatiques, assurer la pérennité des ressources en eau en milieu urbain représente l’un des défis les plus importants du 21e siècle, affirme le professeur du Département des sciences de la Terre et de l’atmosphère Florent Barbecot, titulaire de la Chaire de recherche en hydrogéologie urbaine. «Au cours des dernières décennies, des recherches scientifiques ont indiqué que la formation et la trajectoire des précipitations – pluie, grêle, verglas, neige – subissent des modifications importantes dans les zones urbaines, susceptibles d’affecter la qualité et la quantité de nos ressources en eau», rappelle le professeur, qui est aussi membre du Centre de recherche sur la dynamique du système Terre (Geotop).

Florent Barbecot et la doctorante en sciences de la Terre et de l’atmosphère Cécile Carton pilotent le projet de recherche participative Collect’O, financé par le Conseil de recherches en sciences naturelles et génie du Canada (CRSNG) et par le Geotop. Le professeur et la doctorante souhaitent installer quelque 100 collecteurs d’échantillons de précipitations sur le territoire du grand Montréal. «Les collecteurs seront installés pendant une année complète afin de recueillir différents types de précipitations, ce qui nous permettra de mieux comprendre l’impact de l’environnement urbain sur ces précipitations», explique Florent Barbecot.

Pour échantillonner les précipitations, Collect’O fait appel à la participation des citoyens de l’Ile de Montréal et de ses banlieues proches, «Nous sollicitons d’abord les membres de la communauté uqamienne, précise le professeur. Ceux-ci sont invités à installer un collecteur sur leur terrain – jardin, cour – pour recueillir les précipitations à des moments précis, à l’aide de récipients fournis par l’équipe de recherche, puis à rapporter ceux-ci de manière régulière au Département des sciences de la Terre et de l’atmosphère.»

Divers organismes sont aussi sollicités. Le Partenariat du Quartier des spectacles (PQDS) a accepté d’accueillir un collecteur sur son territoire et d’assurer le suivi pour transmettre les échantillons de précipitations à l’UQAM. La plateforme MétéoMédia installera un collecteur sur son toit et participera à la promotion du projet grâce à la réalisation et à la diffusion de capsules vidéo. Une entente a été conclue avec un jardin communautaire dans le quartier Centre-Sud et des collaborations sont envisagées avec d’autres jardins. Des discussions sont également en cours avec d’autres partenaires potentiels, notamment la Ville de Montréal et ses arrondissements.

Rejoindre le réseau de collecte

Les personnes qui souhaitent contribuer à la recherche peuvent remplir un formulaire, disponible sur le site web du projet. Elles seront contactées dès que possible par l’équipe de Collect’O. Par ailleurs, des informations concernant les protocoles d’échantillonnage et des vidéos explicatives seront bientôt accessibles sur le site web.

Précipitations et environnement urbain

Des études récentes ont mis en évidence l’impact des îlots de chaleur, de la densité des bâtiments et des activités humaines – émissions anthropiques de vapeur d’eau et d’aérosols – sur la dynamique des précipitations (fréquence, quantité et distribution) en milieu urbain.

À Montréal, où plus de 80 % du territoire est minéralisé, les îlots de chaleur ont progressé depuis une quinzaine d’années. Le béton, le ciment et l’asphalte sont tous des matériaux imperméables à l’eau, qui absorbent la chaleur pour ensuite la restituer dans l’atmosphère. «Dans ce contexte, la préservation des ressources en eau, lesquelles contribuent à climatiser le milieu urbain, est particulièrement importante, observe le chercheur. Le manque d’eau peut renforcer l’effet des îlots de chaleur. C’est aussi pour atténuer leur impact que plusieurs grandes villes dans le monde ont procédé ces dernières années à des opérations de verdissement de leur environnement.»

La morphologie urbaine n’est pas à négliger non plus. Dans le centre et l’ouest de Montréal, par exemple, la concentration de tours à bureaux et à condos ainsi que les rues étroites peuvent nuire à la bonne ventilation, car elles créent un effet de canyon qui emprisonne la chaleur et empêche l’air de circuler. «Les bâtiments créent un effet barrière en bloquant l’air, remarque Florent Barbecot. Notre recherche s’intéressera aux impacts que cela peut avoir sur les conditions de formation et de distribution des précipitations.»

L’intensification de l’urbanisation est un autre facteur susceptible d’accentuer les phénomènes ayant un impact sur les ressources en eau. «Cela signifie une croissance de la demande en eau pour divers usages et une augmentation des apports de chaleur, comme ceux des aérosols et des vapeurs d’eau provenant des transports et des logements», indique le professeur.

Par ailleurs, l’équipe de recherche étudiera les effets de l’urbanisation des zones entourant les grandes villes sur le transport de l’air frais par les systèmes de circulation atmosphérique. «L’analyse d’échantillons de pluie et de neige permettra de vérifier si l’on observe des différences dans les compositions des précipitations à Montréal par rapport à celles des zones périphériques, ce qui pourrait témoigner de l’influence des centres urbains, dit Florent Barbecot. Mais pour obtenir ces résultats, il faut effectuer des mesures représentatives de l’ensemble du territoire de grandes métropoles comme Montréal. C’est pourquoi nous avons eu l’idée d’un réseau participatif de collecte de précipitations.»

«Les participants à la recherche nous aideront à montrer comment le climat a pu être modifié par l’urbanisation dans leur secteur. En comprenant l’ampleur des perturbations infligées aux précipitations par les villes, nous pourrons contribuer ensemble au développement de mesures d’adaptation et de gestion du cycle de l’eau en milieu urbain.»

Florent Barbecot,

Professeur au Département des sciences de la Terre et de l’atmosphère

Observer l’infiniment petit

Pour améliorer les connaissances concernant l’impact de l’environnement urbain sur les précipitations, le professeur et son équipe souhaitent mettre à profit des outils scientifiques originaux: les isotopes naturels de la molécule d’eau. En observant l’infiniment petit, soit en visualisant des différences infimes dans la masse des noyaux des atomes de la molécule d’eau, les analyses isotopiques fournissent des informations importantes sur les conditions et les trajectoires des précipitations, permettant ainsi de reconstituer leur histoire. 

«Nous visons à mettre sur pied le premier réseau d’étude des signatures isotopiques des précipitations en milieu urbain, souligne Florent Barbecot. Au Geotop, nous avons la chance d’avoir un laboratoire de mesures isotopiques qui permet de décrypter les processus environnementaux. La signature isotopique de l’eau est un outil qui aide à comprendre l’origine de l’eau précipitée, mais aussi les différents processus physiques et chimiques qu’elle a subis durant son transport. Nous nous en servirons comme un traceur de la modification des précipitations en milieu urbain.»

Avec l’aide des participants à la recherche, l’équipe de Collect’O pourra comprendre comment la ville affecte la distribution des précipitations et génère des changements climatiques locaux, à différentes échelles spatiales et temporelles.

Au début juin, Florent Barbecot a participé à une série de rencontres de l’Agence internationale de l’énergie atomique (IAEA), un organisme sous l’égide de l’ONU qui s’intéresse à l’amélioration de la gestion de l’eau et qui fait la promotion de l’utilisation des isotopes. «Le projet Collect’O a suscité beaucoup d’intérêt et d’autres villes à travers le monde pourraient éventuellement s’en inspirer», dit-il.

Besoin de volontaires

Bouteille d’échantillonnage.
Photo: Nathalie St-Pierre

Pour mener à bien la recherche, l’équipe de Collect’O a besoin de volontaires pour l’aider à échantillonner les précipitations, qui seront ensuite analysées dans les labos du Geotop. Le rôle des participants consistera à installer dans leur cour ou leur jardin un petit équipement de collecte des précipitations – de la dimension d’une cabane à oiseaux –, incluant des bouteilles d’échantillonnage. «Il est important que l’équipement de collecte soit installé à un endroit dégagé, loin des arbres ou des immeubles, pour éviter que ces derniers influent sur la quantité de précipitations», prévient le professeur.

En fonction des prévisions météorologiques, les volontaires seront contactés par l’équipe de recherche avant que ne survienne un épisode pluvieux afin qu’ils installent l’équipement de collecte durant quelques heures ou quelques jours. Une fois l’épisode terminé, ils pourront retourner la bouteille d’échantillonnage à l’UQAM, à l’intention du Département des sciences de la Terre et de l’atmosphère. Les résultats des analyses leur seront ensuite communiqués par l’intermédiaire du site web du projet Collect’O et de bulletins d’information.

«Les participants à la recherche nous aideront à montrer comment le climat a pu être modifié par l’urbanisation dans leur secteur, conclut Florent Barbecot. En comprenant l’ampleur des perturbations infligées aux précipitations par les villes, nous pourrons contribuer ensemble au développement de mesures d’adaptation et de gestion du cycle de l’eau en milieu urbain.»