Léa Séguin (Ph.D. sexologie, 2021)
Direction de recherche: Martin Blais, professeur au Département de sexologie
Dans le cadre de son mémoire de maîtrise, Léa Séguin s’était intéressée aux raisons pour lesquelles certaines personnes simulent l’orgasme (y compris les hommes) dans les relations hétérosexuelles. «Pour ma thèse, j’ai voulu vérifier l’hypothèse selon laquelle les personnes qui simulent adhèrent à certaines croyances et scripts ou scénarios sexuels populaires concernant l’orgasme», explique la diplômée, qui collabore régulièrement au Club Sexu, un média à but non lucratif spécialisé dans la création de récits, de jeux et d’événements pour parler de sexualité de façon plus positive, ludique et inclusive.
En plus de compléter une revue de la littérature, Léa Séguin s’est intéressée à la manière dont l’orgasme masculin et féminin est représenté dans la pornographie mainstream. «Ce type de représentations est très explicite, très accessible, et donne à voir plusieurs croyances par rapport à l’orgasme», souligne-t-elle.
Pour valider la justesse de ses observations, la chercheuse s’est adjoint la collaboration du doctorant Carl Rodrigue (M.A. sexologie, 2015). «Nous avons regardé les mêmes vidéos séparément et nous sommes arrivés à la même conclusion surprenante, révèle-t-elle, c’est-à-dire que l’idée selon laquelle les femmes sont souvent et facilement orgasmiques dans la porno est complètement erronée! En réalité, moins d’une femme sur cinq est montrée en train d’atteindre l’orgasme.»
Les quelques représentations de l’orgasme féminin dans la porno sont toutes liées à la performance masculine, ont également constaté les deux chercheurs. «Ce sont les hommes qui donnent le plaisir et les orgasmes aux femmes, qui ne se touchent jamais elles-mêmes», précise Léa Séguin.
La chercheuse a ensuite réalisé une vingtaine d’entrevues pour comprendre la manière dont les gens perçoivent l’orgasme masculin et féminin. «L’idée selon laquelle il est insuffisant d’avoir un bon ou une bonne partenaire pour atteindre l’orgasme est largement répandue, souligne-t-elle. Les gens m’ont confié: “Mon ou ma partenaire est peut-être super au lit, mais c’est moi qui ai le contrôle sur mon orgasme.”»
Lors d’une autre collecte de données, cette fois en ligne auprès de 800 personnes, Léa Séguin a vérifié le degré d’adhésion des gens par rapport à 7 croyances populaires sur l’orgasme, qui se déclinent comme suit: les hommes atteignent facilement l’orgasme, tandis que c’est plus difficile pour les femmes; l’intérêt du ou de la partenaire favorise ou facilite l’atteinte de l’orgasme; l’orgasme est essentiel à la satisfaction sexuelle des hommes; la réciprocité orgasmique est importante; l’absence d’orgasme serait une indication d’un problème dans le couple; l’orgasme simultané est idéal, plus intime, plus plaisant et plus important; l’orgasme demande et produit une connexion qui rapproche les partenaires.
«La dernière croyance, à savoir que l’orgasme rapproche les partenaires, suscite la plus forte adhésion, suivie par l’idée selon laquelle l’intérêt du partenaire favorise l’atteinte de l’orgasme, révèle la chercheuse. On retrouvait aussi en tête de liste le fait que l’orgasme simultané est meilleur et aussi que la satisfaction sexuelle de l’homme passe par l’orgasme.»
Ayant demandé aux participantes et participants si ils ou elles avaient déjà simulé l’orgasme, Léa Séguin a pu répondre à sa question de départ. «J’ai eu une surprise, parce que, contrairement à mon hypothèse, les personnes qui simulent étaient moins susceptibles de partager certaines croyances populaires sur l’orgasme. Par exemple, les personnes qui simulent adhéraient peu à la croyance selon laquelle il faut que les deux partenaires aient un orgasme pour que la relation sexuelle soit satisfaisante, alors que l’on se serait attendu à l’inverse!»
La chercheuse se creuse la tête pour tenter de comprendre ce résultat. «Est-ce parce que ces personnes prêtent à leur partenaire une ou des croyances sur l’orgasme et veulent s’y conformer, sans égard à leurs propres croyances, ou alors tentent-elles de se conformer à une “norme sociale”, encore une fois sans égard à leurs propres croyances? J’en suis rendue à considérer l’hypothèse d’une dissonance cognitive», dit-elle en riant.
En revanche, la chercheuse a observé que le fait d’avoir un ou une partenaire réellement à l’écoute semble agir tel un facteur de protection «prévenant» la simulation d’orgasme. De quoi remplacer le dicton «Mieux vaut être seul(e) que mal accompagné(e)» par «Mieux vaut être seul(e) que d’avoir à simuler»!