Les différentes régions du cerveau associées au langage et à la motricité sont connues depuis le 19e siècle. «On a longtemps cru que l’activité motrice était un épiphénomène de l’activité linguistique, c’est-à-dire que l’on entendait quelque chose et que l’on réagissait ensuite, explique Victor Frak, professeur au Département des sciences de l’activité physique. Or, on commence à comprendre qu’il y a une activité simultanée entre les deux.»
Cette connectivité cérébrale – soit la construction de ponts entre les différentes zones du cerveau – a été mise en lumière dans une étude de Victor Frak, publiée récemment dans un numéro spécial de la revue Brain and Cognition (Éditions Elsevier). Le doctorant en biologie David Labrecque et le professeur associé au Département de psychologie Henri Cohen ont également participé à la recherche. Le numéro spécial était dirigé par Victor Frak et Henri Cohen.
Des différences selon l’âge
Dans cette étude, deux groupes – une quinzaine d’enfants de moins de 11 ans et une quinzaine d’adolescents – ont écouté une liste aléatoire de 40 mots, soit 35 noms et 5 verbes: prendre, pincer, découper, colorier et gratter. Les chercheurs ont mesuré la force de préhension générée durant l’écoute des mots à l’aide d’un capteur dans la main des participants.
L’étude a démontré que les adolescents manifestaient une plus grande force de préhension à l’écoute des verbes qu’à l’écoute des noms. À l’inverse, on n’observait pas de différence significative dans le groupe des enfants. «Nous ne sommes pas surpris de ces résultats, affirme Victor Frak. Les ponts entre le lobe pariétal et le lobe frontal du cerveau, responsables du langage et de l’activité motrice, atteignent un niveau de fonctionnement acceptable au début de l’adolescence.»
Ces nouvelles données confirment les résultats d’une étude similaire réalisée par Victor Frak et son équipe chez des sujets adultes. Dans cette étude, publiée il y a quelques années, on avait aussi observé une plus grande force de préhension à l’écoute des verbes d’action.
Simulation motrice
Concrètement, cette connectivité cérébrale entre langage et motricité peut avoir d’importantes retombées pratiques, souligne le chercheur. «On peut, par exemple, stimuler le langage par l’activité motrice chez les personnes dysphasiques ou aphasiques», mentionne Victor Frak.
Les performances sportives peuvent aussi être améliorées grâce à la connectivité cérébrale. On peut penser, entre autres, à la simulation motrice, qui consiste à imaginer, observer ou verbaliser un mouvement comme un service au tennis ou un lancer au basketball. «La simulation motrice est une technique utilisée depuis longtemps par les champions olympiques, mentionne Victor Frak. Des études ont révélé qu’il était plus efficace de consacrer 10 % à 20 % de son temps à la simulation et 80 % à 90 % de son temps, plutôt que 100 %, à la réalisation d’un mouvement.»
La simulation motrice n’est pas réservée qu’au domaine sportif: on peut l’utiliser pour améliorer n’importe quel mouvement de la vie quotidienne. «Il suffit de fermer les yeux et de s’imaginer en train de bouger ou de faire une action», explique le chercheur.
Établir une frontière
Pour Victor Frak, l’établissement d’une frontière entre l’enfance et l’adolescence est essentielle dans la compréhension de la connectivité cérébrale. «Ça ne vaut pas le coup de faire de la simulation motrice avant 11 ans, puisque le cerveau n’est pas prêt, dit le chercheur. Mais à partir de 12 ou 13 ans, toutes les conditions sont réunies pour optimiser cette stratégie.»
Numéro spécial sur le connectome
Devant le succès remporté par le dernier numéro spécial de Brain and Cognition, Victor Frak a été mandaté pour diriger une autre édition spéciale qui portera sur le connectome, soit les connexions neuronales du cerveau.
Le numéro devrait paraître au printemps 2022.