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L’anxiété de performance musicale chez les jeunes

Les premiers signes de stress durant un spectacle apparaissent dès l’âge de trois ans.

 

Par Jean-François Ducharme

31 mars 2021 à 14 h 03

Mis à jour le 11 mai 2021 à 14 h 05

Les 66 enfants de 3 et 4 ans qui ont participé à l’étude ont vu leur niveau de cortisol – l’une des hormones secrétées en réponse au stress – augmenter durant le spectacle. Photo: Getty Images

L’anxiété de performance affecterait entre 25 % et 40 % des musiciens professionnels, selon diverses recherches. Mais qu’en est-il chez les jeunes? Pour en avoir le cœur net, la professeure du Département de musique Hélène Boucher a effectué deux études. La première a été menée auprès de 66 enfants de 3 et 4 ans en service de garde, lors de spectacles de groupe – chant ou instruments de percussion – présentés devant leurs parents, par exemple à l’approche de Noël ou avant les vacances estivales. La seconde étude a porté sur 62 pianistes adolescents, aussi bien durant des concerts que des cours avec leurs professeurs.

Le phénomène a été observé de façon marquée dans les deux groupes. Chez les plus jeunes, tous les enfants ont vu leur niveau de cortisol – l’une des hormones sécrétées en réponse au stress – augmenter durant le spectacle. «À trois ou quatre ans, on ne parle pas encore d’anxiété, mais plutôt d’une réponse physiologique à un événement», nuance Hélène Boucher.

La plupart des enfants manifestaient leur stress par des comportements nerveux, comme ricaner avec leurs camarades ou jouer avec leurs vêtements ou leurs cheveux. «Quelques enfants ont réagi plus fortement, affirme la professeure. Certains ont même quitté la scène pendant le spectacle.»

Composer avec la nervosité  

Pour aider les tout-petits à mieux composer avec cette nervosité, Hélène Boucher propose diverses stratégies que les parents et éducatrices peuvent utiliser: visiter la salle ou le lieu où se tiendra le spectacle afin de s’y familiariser; lire des histoires qui abordent des situations stressantes; faire des exercices de respiration de type yoga; ou simplement en discuter avec l’enfant.

«Éviter les spectacles n’est pas une bonne option, puisque le stress risque d’être encore plus grand la prochaine fois, mentionne Hélène Boucher. Dans mon étude, les enfants qui avaient déjà fait un spectacle avec l’encadrement de personnes rassurantes démontraient plus d’aisance que leurs camarades pour qui c’était une première.»

À l’instar de parents de jeunes sportifs, qui rêvent de voir leur progéniture devenir un Wayne Gretzky ou une Serena Williams, certains parents croient détecter un talent musical particulier chez leurs enfants à un âge très précoce. «Ce n’est pas la majorité des cas, mais ça existe, mentionne Hélène Boucher. Projeter des attentes trop élevées peut toutefois ajouter une pression additionnelle sur l’enfant, ce qui est à proscrire.» 

L’anxiété chez les plus vieux

Les premiers signes d’anxiété, soit l’appréhension de ce qui s’en vient avant le spectacle, apparaissent vers l’âge de 8 ou 9 ans, affirme Hélène Boucher. Dans son étude auprès des pianistes à l’adolescence, la professeure a observé que les garçons et les filles vivent le stress de façon différente. «La fréquence cardiaque des filles est généralement plus élevée avant le concert ou le cours de musique, dit-elle. Chez les garçons, ça survient un peu plus tard, soit au moment de l’entrée en scène ou pendant le spectacle. Ce décalage s’observe aussi chez les adultes.»

Les questionnaires recueillis durant l’étude ont révélé que les adolescentes et adolescents ayant une meilleure estime d’eux-mêmes ainsi que celles et ceux qui ont commencé à jouer de la musique plus jeunes développent généralement moins de symptômes anxieux.

Trouver une zone d’équilibre

Hélène Boucher ajoute que le stress est un phénomène normal pour les musiciens de tout âge. «Un certain niveau de stress est même bénéfique, puisque ça apporte un état d’éveil et de stimulation qui aide à la performance, dit-elle. Par contre, si le stress amène des tremblements physiques, une bouche sèche, des mains moites ou des pensées négatives, la performance sera évidemment affectée.» 

La professeure insiste sur l’importance de discuter de l’anxiété vécue par les jeunes. «Autant les professeurs de musique que les parents doivent établir des stratégies pour développer l’aisance de performance, souligne-t-elle. Et si des difficultés majeures perdurent, il est important d’aller chercher de l’aide psychologique.»