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Approche thérapeutique révolutionnaire

Une découverte permettrait d’éviter la chirurgie chez les enfants atteints de la maladie de Hirschsprung.

Par Jean-François Ducharme

22 juillet 2020 à 9 h 07

Mis à jour le 2 octobre 2020 à 6 h 10

La nouvelle approche pourrait potentiellement éviter la chirurgie, développée dans les années 1960 et qui demeure à ce jour la seule façon de traiter la maladie de Hirschsprung. Photo: Getty Images

Une avancée importante pourrait améliorer grandement la qualité de vie des enfants atteints de la maladie de Hirschsprung, une maladie génétique rare qui se caractérise par un manque de neurones entériques dans la paroi du côlon et qui affecte environ un nouveau-né sur 5000. Des chercheurs du Centre d’excellence en recherche sur les maladies orphelines – Fondation Courtois (CERMO-FC) de l’UQAM, en collaboration avec des collègues du CHU Ste-Justine et du Children’s Hospital of Philadelphia, ont mis au point une approche thérapeutique révolutionnaire permettant de générer de nouveaux neurones entériques. La découverte fait l’objet d’un article paru dans la revue Gastroenterology de l’American Gastroenterological Association, la revue phare du domaine. Rodolphe Soret, professeur associé au Département des sciences biologiques, et Nicolas Pilon, professeur au même département, sont les auteurs principaux de l’article.

Cette nouvelle approche pourrait potentiellement éviter la chirurgie, développée dans les années 1960 et qui demeure à ce jour la seule façon de traiter cette condition médicale. «Bien que cette chirurgie sauve la vie de la plupart des enfants atteints, beaucoup développent de graves séquelles à long terme, telles que l’incontinence fécale et une susceptibilité accrue aux entérocolites, affirme Nicolas Pilon. Ces séquelles peuvent être fatales.»

Stimuler des cellules souches localement

L’étude, réalisée chez des souris modèles de la maladie de Hirschsprung, démontre que l’administration rectale du facteur neurotrophique dérivé des cellules gliales – Glial Cell Derived Neurotrophic Factor ou GDNF en anglais – permet d’induire la formation de neurones entériques dans le côlon, et ainsi de prolonger la durée de vie des souris. «Contrairement à d’autres groupes à travers le monde, notre équipe a fait le pari qu’il était possible de stimuler des cellules souches présentes localement au sein de la zone malade», explique Nicolas Pilon.

Des neurones entériques (en magenta) ont été générées à partir de cellules de Schwann (en turquoise) présentes dans la moelle épinière.

Totalement absentes au début de l’étude, les neurones entériques se sont rapidement multipliées. «En seulement quelques jours, on observait déjà plus de la moitié des neurones qui se trouvent normalement dans un côlon en santé», précise le chercheur.

Cette approche de médecine régénérative prend avantage de deux caractéristiques de la maladie: une plus grande perméabilité de la surface interne du côlon ainsi qu’une présence accrue de nerfs externes – en provenance de la moelle épinière , porteurs de cellules de Schwann. Ces cellules, qui servent principalement à fournir la gaine de myéline aux fibres nerveuses, peuvent aussi agir comme cellules souches dans certaines circonstances. «La plus grande perméabilité du côlon malade permet donc l’entrée du GDNF, qui stimule les cellules de Schwann à former des neurones et qui permet de restaurer le fonctionnement normal du côlon», mentionne Nicolas Pilon.

Vers des essais cliniques chez l’humain

D’autres tests ont été effectués sur des échantillons de côlons post-opératoires d’enfants atteints de la maladie de Hirschsprung. «Une réponse similaire a été obtenue, ce qui nous laisse croire que le transfert pourrait être possible chez l’humain», se réjouit le professeur.

Bien qu’il reste plusieurs questions à élucider avant que cette approche puisse être appliquée auprès d’enfants vivants, Nicolas Pilon est confiant que le processus s’effectuera rapidement. «Des essais cliniques chez l’humain pourraient débuter d’ici deux ans», espère le chercheur.