Série L’esprit UQAM
On les reconnaît à leur audace, à leur esprit d’innovation, à leur sens de l’engagement. Ils ont «l’esprit UQAM». À l’occasion du 50e, des diplômés qui ont fait leur marque dans toutes les sphères de la société évoquent leur parcours uqamien. Cette série a été créée pour le site web UQAM: 50 ans d’audace.
Dire que la grève étudiante du printemps 2012 a changé la vie de Gabriel Nadeau-Dubois (M.A. sociologie, 2017) est un truisme. Du jour au lendemain, le co-porte-parole de la Coalition large de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE) est passé de simple étudiant à personnalité publique hypermédiatisée. Adulé par les uns, détesté par les autres, il donne, au plus fort du conflit, entre 10 et 30 entrevues par jour – entre autres au journal britannique The Guardian et au quotidien français Libération – et doit s’entourer de gardes du corps lors de ses participations aux manifestations.
Parallèlement à ses études, Gabriel Nadeau-Dubois est régulièrement invité à débattre d’enjeux sociaux à la radio. En 2013, il publie un essai portant sur son engagement lors du printemps érable, pour lequel il reçoit le prix du Gouverneur général et une bourse de 25 000 dollars. Il annonce à l’émission Tout le monde en parle qu’il remettra sa bourse pour lutter contre la construction de l’oléoduc Énergie-Est, et invite le public à contribuer. En une semaine, la campagne de sociofinancement recueille près de 400 000 dollars.
Après sa maîtrise, il lance, avec huit autres personnalités, l’initiative Faut qu’on se parle, une série de consultations publiques et d’assemblées de cuisine auxquelles participent plus de 10 000 citoyens des quatre coins du Québec. Il fait ensuite le saut en politique et est élu sous la bannière de Québec solidaire à l’élection partielle de 2017, puis est réélu en 2018. Depuis, le député de Gouin, co-porte-parole et leader parlementaire de QS tente de démocratiser le débat sur ses sujets favoris – l’environnement, l’éducation, la justice sociale – en utilisant divers moyens: médias sociaux, capsules vidéo, balados. Un parcours impressionnant pour un homme qui n’a pas encore 30 ans.
Quel type d’étudiant étiez-vous?
J’étais un étudiant sérieux, rigoureux, studieux. J’ai toujours eu énormément de plaisir à étudier dans des domaines qui me passionnaient, et m’investir pleinement dans ma formation n’a jamais constitué un effort.
Que rêviez-vous de devenir?
J’ai toujours aimé lire et étudier, et je pensais me diriger vers une carrière académique. Après avoir goûté à l’action politique sur le terrain, j’étais toujours passionné par la théorie, mais j’ai réalisé que je voulais m’engager socialement et politiquement, sans savoir encore quelle forme cela prendrait.
Quelle idée, quel concept, quel buzzword était à la mode dans votre domaine à l’époque de vos études?
Les notions de modernité et de postmodernité généraient beaucoup de débats dans nos cours et séminaires en histoire, culture et société. J’ai passé de nombreuses heures à discuter du rapport de ces concepts à la démocratie, au capitalisme, au libéralisme. Le séminaire sur la modernité et la démocratie, que j’ai suivi dès mon entrée à l’université, m’a beaucoup marqué. En un an, j’ai l’impression d’avoir parcouru trois siècles de débats sociaux et politiques.
Quel était l’endroit préféré des étudiants pour se réunir?
Le café Aquin était le point de ralliement naturel pour dîner, prendre un café ou rencontrer quelqu’un.
Pouvez-vous nommer un professeur, une phrase ou un cours qui vous a marqué?
À la majeure en histoire, culture et société, nous suivions des séminaires d’un an, dans lesquels nous nous penchions sur une problématique sociale ou historique à travers une lunette multidisciplinaire. Cela permettait de plonger en profondeur dans un sujet et de fréquenter plusieurs auteurs, écoles de pensées, disciplines et époques.
Cette formation multidisciplinaire a fait de moi un généraliste. Je ne prétends pas connaître en profondeur la sociologie, la philosophie ou l’histoire de la pensée, mais je pense pouvoir discuter d’un sujet sans me sentir désorienté. Cette vision large s’est aussi reflétée dans mon mémoire de maîtrise, dans lequel j’ai fait dialoguer des auteurs appartenant à des traditions et disciplines différentes: Hegel, Freitag, Durkheim, Honneth.
Que souhaitez-vous à l’UQAM pour ses 50 ans?
Je lui souhaite de s’assumer dans ses différences. L’UQAM est une université unique au Québec par son caractère résolument urbain, engagé et social. La tendance à la marchandisation et à la mise en concurrence des universités est forte, tant au Québec qu’à l’international, et il peut être tentant de nier sa propre spécificité et de vouloir être quelque chose que l’on n’est pas. L’UQAM n’est pas l’Université McGill ni l’Université de Montréal, et ce n’est pas un défaut.
L’histoire de l’UQAM est riche et regorge d’inspiration. Ce n’est pas une université tranquille ou paisible, c’est une université où ça bouge, où ça brasse et c’est correct. C’est en assumant cette identité que l’UQAM va grandir.