Dans la Salle des marchés de l’ESG UQAM, une vingtaine d’étudiants ont les yeux rivés sur leur écran d’ordinateur, les doigts accrochés à leur souris et à leur clavier. L’ouverture des marchés boursiers sera annoncée dans quelques minutes, il y a de la fébrilité dans l’air. En 120 secondes, top chrono, les négociateurs devront, en équipe de deux, acheter ou vendre des dizaines de milliers d’actions. Des sommes importantes sont en jeu, et chaque décision peut avoir un impact énorme sur le portefeuille.
Les négociateurs – communément appelés traders – d’un jour sont en fait des étudiants en finance inscrits au cours Négociation en Salle des marchés, donné par Xiaozhou Zhou, professeur au Département de finance. La «bourse» est un logiciel de simulation. Les actions et les sommes investies sont fictives. Et l’ambiance dans la salle est moins survoltée que dans Le loup de Wall Street, lorsque Leonardo DiCaprio livre l’un de ses fameux discours de motivation. N’empêche, on peut sentir la tension monter dans le local du pavillon J.-A.-DeSève à mesure qu’approche l’heure H.
«Les marchés sont ouverts», lance le professeur Zhou. Les étudiants s’activent, les chiffres défilent à toute allure sur les écrans, la valeur des actions fluctue à chaque seconde. «Vite, on doit vendre maintenant!», lance une étudiante à son collègue. «Le prix est trop élevé, on ne peut pas acheter tout de suite», raisonne une autre équipe. À mesure que les secondes s’écoulent, les résultats des équipes s’affichent sur l’écran central, classés par ordre de performance. Certains groupes s’en tirent bien, alors que d’autres accusent de lourdes pertes.
Trois, deux, un, terminé! Les étudiants prennent une bonne respiration, lâchent souris et clavier et regardent l’écran central pour prendre acte des résultats. Les équipes en haut du classement, qui ont fait un profit appréciable, se félicitent en se tapant dans les mains. Celles qui ont enregistré un déficit – certaines dans les 6 chiffres – se tiennent la tête. «Une chance que ce n’était qu’une simulation, car j’aurais fait faillite ce soir!», lance à la blague un étudiant. Pas facile, le métier de négociateur!
Trouver l’équilibre
Le professeur Zhou répète la simulation à quelques reprises, en modifiant chaque fois quelques paramètres – liquidité, volatilité, nombre d’actions. Les étudiants ont ainsi l’occasion d’ajuster leurs stratégies et de tenter de surpasser leurs résultats.
Après quatre simulations, le professeur effectue un retour en groupe pour mieux comprendre ce qui s’est bien (ou moins bien) passé. Certaines équipes ont perdu de l’argent en vendant ou en achetant des actions à un prix défavorable. D’autres ont échoué parce qu’elles ont attendu trop longtemps avant de vendre, ce qui leur a valu une pénalité. «Le secret est de trouver un bon équilibre entre la rapidité et le prix, analyse Xiaozhou Zhou. Quand l’offre est bonne, il faut agir vite, car le marché peut changer en quelques secondes.»
Il est aussi important d’agir avec parcimonie au moment de vendre ses actions, ajoute le professeur. «Une abondance d’actions disponibles sur le marché met une pression à la baisse sur les prix. Il est préférable de vendre plusieurs fois, mais en petites quantités.» D’autres facteurs de succès sont aussi énoncés, comme le travail d’équipe et la communication entre coéquipiers.
Certains des étudiants qui participent à la simulation, comme Youssef, inscrit au DESS en instruments financiers dérivés, travaillent déjà dans le domaine boursier. «Ce que l’on vit ce soir correspond à la réalité, affirme-t-il. La simulation m’aide à comprendre les bonnes pratiques.» Youssef et son coéquipier se sont classés parmi les meilleures équipes lors de chacune des quatre simulations. Comment expliquer leur succès? «Dès qu’on a la chance de faire un profit, aussi minime soit-il, il faut saisir l’occasion, expliquent les deux comparses. Si on garde les actions trop longtemps, on ne sait jamais ce qui va arriver.»
Comme apprendre à conduire
Xiaozhou Zhou termine la séance en expliquant ce qui distingue les négociateurs efficaces dans la réalité. Bien s’informer des tendances du marché en lisant ou en discutant avec son réseau de contacts. Utiliser l’ensemble des outils à sa disposition, comme les stratégies spéculatives légales. Minimiser les risques. Rechercher les bénéfices à court terme. «Le métier de trader est plus simple que celui de courtier, d’analyste ou de stratégiste. Mais c’est très exigeant. Ça prend une bonne condition physique et mentale, un esprit alerte et un cœur solide», souligne celui qui a remporté, en 2016, le prix de la meilleure publication de l’ESG UQAM remis à un nouveau professeur qui se distingue par ses qualités de chercheur.
Pour s’améliorer lors des simulations ou dans la vraie vie, le conseil le plus important donné par Xiaozhou Zhou est de pratiquer le plus souvent possible, que ce soit en classe ou à la maison. «C’est comme apprendre à conduire: il faut se familiariser avec les techniques avant de pouvoir aller vite!», conclut-il.