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Retour aux études pour Mathieu Traversy

L’ancien député du Parti québécois est revenu terminer son bac en science politique.

Par Pierre-Etienne Caza

26 mars 2019 à 9 h 03

Mis à jour le 26 mars 2019 à 16 h 03

Photo: Nathalie St-Pierre

Défait aux élections du 1er octobre dernier, Mathieu Traversy n’a pas tardé à se trouver un nouvel emploi. L’ancien député du Parti québécois est l’un des trois commentateurs politiques de l’émission Les Ex, en ondes du lundi au jeudi à ICI RDI. Et le vendredi, il assiste à un cours sur les systèmes politiques en Amérique latine à l’UQAM afin de compléter son baccalauréat en science politique amorcé il y a 15 ans. «C’était important pour moi de terminer ce programme, note-t-il. Comme ma participation aux Ex, revenir sur les bancs de l’université me permet de prendre du recul par rapport à la politique active et de m’ouvrir sur de nouveaux horizons.»

Après la défaite d’octobre dernier, Mathieu Traversy a contacté le directeur du programme pour savoir s’il pouvait poursuivre son bac. «J’avais complété les deux tiers du programme et heureusement pour moi, le système politique international n’a pas trop changé, raconte-t-il. Les cours réussis à l’époque ont été reconnus et on a jugé que mes 10 années en politique constituaient une expérience en lien direct avec mes études.»

Si son nouvel emploi à la télé coule de source – «c’est un privilège de pouvoir commenter la scène politique», dit-il –, son retour à l’UQAM a nécessité quelques ajustements. «Je constate avec fracas le clivage entre la théorie et la pratique. J’ai des réflexes pragmatiques, alors que mes confrères et consœurs sont plutôt idéalistes, et c’est très bien, car il faut vouloir changer le monde pour s’investir dans la sphère politique.»

Le plus jeune élu

Quand il s’est présenté à l’investiture du Parti québécois dans la circonscription de Terrebonne, en 2008, Mathieu Traversy ne bénéficiait pas de l’aura qu’ont les jeunes politiciens d’aujourd’hui. «À l’époque, c’était encore un signe de faiblesse pour un parti de présenter un jeune candidat, souligne-t-il. Cela signifiait qu’il n’y avait pas de candidature d’expérience. En plus, même si elle était tombée aux mains de l’ADQ en 2007, Terrebonne était une circonscription traditionnellement péquiste, que l’on réservait habituellement à un candidat vedette.» Ancien président de l’association étudiante de son cégep et du syndicat du secteur loisir de la Ville de Terrebonne, le jeune homme, étudiant en deuxième année de science politique à l’UQAM, réussit à vendre son lot de cartes de membre et à remporter l’investiture.

Quand il s’est présenté à l’investiture du Parti québécois dans la circonscription de Terrebonne, en 2008, Mathieu Traversy ne bénéficiait pas de l’aura qu’ont les jeunes politiciens d’aujourd’hui.

Grâce à 6000 voix de majorité, Mathieu Traversy devient, à 24 ans, le plus jeune élu de l’Assemblée nationale. Porte-parole de la jeunesse au sein de l’opposition, il est aux premières loges lorsqu’éclate la crise étudiante au printemps 2012. «C’est moi qui ai convaincu mes collègues députés de porter le carré rouge à l’Assemblée nationale, raconte-t-il. J’ai ensuite convaincu Mme Marois de descendre dans la rue avec les étudiants.»

À l’été, au plus fort de la crise, Jean Charest déclenche des élections pour le 4 septembre. «Mon adversaire dans Terrebonne était Gaétan Barrette, président de la Fédération des médecins spécialistes et candidat vedette de la CAQ, un nouveau parti créé par François Legault», se rappelle Mathieu Traversy, qui l’a emporté par plus de 3500 voix. «Je dis souvent à la blague que si je ne l’avais pas battu, Gaétan Barrette n’aurait peut-être pas été ministre de la Santé chez les Libéraux quelques années plus tard…»

Les hauts et les bas du pouvoir

Le député amorce son deuxième mandat de député au sein d’un gouvernement minoritaire dirigé par Pauline Marois. «J’étais dans l’équipe des officiers, dont le rôle est de faire le lien entre le Conseil des ministres et le caucus des députés, afin de tenir la première ministre au courant des sensibilités de ses députés, explique-t-il. Le rôle des officiers est aussi d’organiser l’agenda législatif et d’informer la première ministre de l’avancée des différents projets de loi.»

Ces 18 mois au pouvoir furent rock’n’roll, admet Mathieu Traversy. La réforme du mode de scrutin à date fixe, l’implantation de bureaux de vote dans les cégeps et les universités, l’annulation de la hausse des frais de scolarité et le moratoire sur les gaz de schiste figurent parmi les bons coups de ce gouvernement péquiste, analyse-t-il avec le recul. La Charte des valeurs, en revanche, fut le talon d’Achille du parti. «Le PQ a été courageux d’aborder le sujet, qui traînait dans le paysage politique depuis la Commission Bouchard-Taylor. Mais le projet de loi n’a pas eu le temps de faire l’objet de concessions et de réajustements, comme c’est habituellement le cas. Mme Marois a déclenché des élections et cela a campé le parti sur une position figée à propos de la Charte des valeurs. Le dossier s’est politisé et c’est devenu un enjeu électoral, alors que nous aurions gagné à élever le débat au-dessus des considérations partisanes.» L’ancien député espère que le nouveau projet de loi de Simon Jolin-Barrette réussira à générer un consensus.

Lors des élections de 2014, il réussit à conserver son siège par 743 voix, alors que le PQ retourne dans l’opposition. «J’étais le dernier député péquiste de la couronne nord de Montréal, rappelle-t-il. En rétrospective, c’était le prélude à l’émergence de ce que certains appellent désormais le Caquistan.»

Tourner la page

Mathieu Traversy ne se défile pas: la défaite électorale d’octobre dernier a fait mal. «Comme député, on vous sollicite constamment et on vous demande toujours votre opinion, mais dès que vous êtes battu, le téléphone ne sonne plus. C’est une coupure brutale: j’avais deux semaines pour vider mon bureau de circonscription et mon bureau à Québec, tout en assurant la transition avec mon successeur.»

Brutale, oui, mais pas surprenante. «Je savais un an à l’avance que les chances de l’emporter étaient minces dans ma circonscription. Mais il y a toujours une partie de soi qui ne veut pas abandonner. C’est ce que j’appelle le syndrome du candidat. Même si on est convaincu de perdre, il survient toujours de belles rencontres avec des électeurs pour nous redonner espoir et nous inciter à nous battre jusqu’au bout.» 

«On ne soupçonne pas à quel point un député est sollicité pour régler des problèmes, faire avancer des projets ou améliorer le sort de différents groupes ou associations. C’est réellement gratifiant quand on y parvient.»

Mathieu Traversy

Étudiant en science politique et ancien député du Parti québécois

Le PQ a perdu pour plusieurs raisons, analyse-t-il, mais la principale explication est le désir de changement de la population. «Ce n’est pas facile pour le PQ et le Parti libéral d’incarner la jeunesse et le renouveau face à des partis émergents. Certains électeurs de ma circonscription hésitaient entre la CAQ et Québec solidaire, deux formations aux idées politiques pourtant très différentes! Mais je ne peux pas leur en vouloir: j’ai travaillé pendant des années pour les convaincre de se débarrasser des Libéraux. Ils ont réussi, mais ils ont choisi la CAQ», dit-il avec philosophie.

Mathieu Traversy a été député pendant presque 10 ans. «Ce que j’ai le plus apprécié, c’est l’impact concret sur la vie des gens. On ne soupçonne pas à quel point un député est sollicité pour régler des problèmes, faire avancer des projets ou améliorer le sort de différents groupes ou associations. C’est réellement gratifiant quand on y parvient.»

Même s’il n’est plus membre du parti, les plus récents déboires du PQ ne le laissent pas indifférent. «Je sais que mes anciens collègues vivent des moments difficiles. On se lance en politique pour changer les choses, alors c’est difficile de garder le cap quand un parti vogue de remises en question en courses à la chefferie. Cela dit, le PQ, un parti social-démocrate de centre-gauche, a encore sa place sur l’échiquier politique et peut encore apporter beaucoup à la société québécoise.»

Pense-t-il retourner en politique un jour? «C’est un milieu effervescent et très stimulant, mais aussi très demandant. Ça fait du bien d’en sortir et de prendre du recul. Cela dit, si l’envie me reprend un jour, j’y retournerai. Comme dit l’adage, “On peut sortir l’homme de la politique, mais pas la politique de l’homme!”»