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Un homme de droit

Lauréat du prix Reconnaissance 2019 de la Faculté de science politique et de droit, Me Denis Gallant a fait de la lutte à la corruption son cheval de bataille.

Par Valérie Martin

28 mai 2019 à 13 h 05

Mis à jour le 7 juin 2022 à 10 h 38

Série Prix Reconnaissance UQAM 2019
Sept diplômés de l’UQAM seront honorés à l’occasion de la Soirée Trajectoires 2019 pour leur cheminement exemplaire et leur engagement. Ce texte est le septième d’une série de sept articles présentant les lauréats.

Denis Gallant.Photo: Nathalie St-Pierre

Denis Gallant (LL.M., 1997) a été tour à tour procureur et chef d’équipe au Service des poursuites pénales du Canada, procureur vedette de la Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction (CEIC), mieux connue sous le nom de Commission Charbonneau, inspecteur général à la Ville de Montréal et maintenant p.-d.g. de l’Autorité des marchés publics (AMP), dont le mandat est de veiller à l’intégrité de l’attribution des contrats publics au gouvernement du Québec.

Pas mal pour l’avocat qui ne pensait même pas fréquenter l’université! «J’étudiais en techniques administratives au cégep et j’haïssais ça!, raconte-t-il. J’ai tout lâché pour aller travailler.» Pour assurer son avenir, Denis Gallant décide, après quelques années de galère, de retourner aux études. «Je suivais cette fois des cours en sciences humaines, et comme j’avais de bonnes notes, j’ai décidé de de tenter ma chance et de m’inscrire à l’université en droit.»

Après avoir fait son stage du Barreau au Centre communautaire juridique de Montréal, en 1989, il débute sa carrière en tant qu’avocat de la défense, à la division civile du bureau d’aide juridique. «J’avais une clientèle démunie, constituée de gens qui se faisaient couper leurs chèques de sécurité de revenu ou que l’on congédiait injustement», précise-t-il. Denis Gallant est ensuite embauché à la division criminelle du Centre, où il demeure jusqu’en 1999.

En 1993, il entame une maîtrise en droit social et du travail à l’UQAM. «C’était la seule université qui offrait ce programme, explique Denis Gallant. Comme j’étais marié et déjà père de famille, je pouvais étudier à temps partiel tout en continuant à travailler.» Le diplômé louange l’approche par petits groupes mise de l’avant dans le programme de maîtrise. «C’est à l’UQAM que j’ai appris à critiquer des textes et à étoffer mes propos, deux compétences qui m’ont beaucoup servi durant mon parcours professionnel.» Les anciennes professeures Katherine Lippel, Diane Demers et Carole Jobin ont été des mentores importantes durant sa vie étudiante.

Spécialiste du crime organisé

Dans les années 2000, Denis Gallant poursuit sa carrière en tant que procureur substitut au ministre de la Justice du Québec. Il est notamment affecté au Bureau de lutte au crime organisé. Recruté ensuite par le Service des poursuites pénales du Canada, il supervise une équipe de procureurs dans les domaines du crime organisé, des stupéfiants et des produits de la criminalité. Comme avocat de la poursuite, il a plaidé des dossiers d’envergure devant jury, dont ceux impliquant des membres du groupe de motards criminalisé Bandidos et de la famille Kyling. En 2011, le Barreau du Québec, dont Denis Gallant est membre, lui remet la distinction honorifique Avocat émérite (Advocatus Emeritus) pour son parcours exceptionnel.

«Plaider à la cour, ça n’a rien à voir avec ce que l’on voit au cinéma. On a beau faire les plus beaux effets de toge, si nos dossiers ne sont pas extrêmement bien étoffés, ça ne passe pas, fait remarquer l’avocat. Que l’on représente les intérêts du public ou ceux d’un client, il ne faut jamais oublier que nous sommes des officiers de justice et que le résultat de nos actions peuvent changer la vie des personnes en cause. On ne peut pas pratiquer une justice désincarnée.»

Transmettre son métier: une passion

En parallèle à sa brillante carrière, Denis Gallant a enseigné les rudiments du métier aux futurs avocats. Il a notamment été chargé de cours au Département des sciences juridiques, de 1998 à 2018, où il a donné principalement le cours sur le droit pénal. C’est le défunt professeur en droit pénal du Département des sciences juridiques, Pierre Robert, qui lui a donné ses premiers contrats d’auxiliaire d’enseignement. «J’adore transmettre mes connaissances et, pour un professionnel, l’enseignement est le meilleur moyen de se tenir au courant des dernières avancées dans le domaine», souligne-t-il. Il suit la carrière de plusieurs de ses anciens étudiants et a même gardé contact avec plusieurs d’entre eux. «Certains ont été nommés juges», mentionne-t-il avec fierté.

Denis Gallant s’est impliqué durant une douzaine d’années en tant qu’accompagnateur au Concours interuniversitaire de plaidoirie Gale afin de former les étudiants au débat oratoire et à l’art de l’argumentaire. «Les équipes uqamiennes ont souvent été récompensées pour le meilleur mémoire, rappelle-t-il. L’une des forces de nos étudiants est de savoir travailler en équipe. Ils sont aussi très bon en recherche et en rédaction des mémoires d’appels. Les Uqamiens jouissent d’une excellente réputation. On m’a déjà dit qu’ils étaient meilleurs que bien des avocats professionnels!»

Afin de soutenir les étudiants en droit de l’UQAM, Denis Gallant remet depuis 2018 une bourse annuelle en son nom récompensant l’étudiant ayant obtenu la meilleure note dans le cours de droit judiciaire pénal. La bourse de 1000 dollars est gérée par la Fondation de l’UQAM. «C’est important pour moi d’apporter ma pierre à l’édifice et de redonner à la communauté», note-t-il.

Des mandats de surveillance

Au cours des dernières années, Denis Gallant est devenu gestionnaire en chef au sein de deux nouveaux organismes de surveillance mis en place par le gouvernement québécois pour surveiller le processus d’attribution des contrats publics ainsi que leur exécution. Au Bureau de l’inspecteur général (BIG) de la Ville de Montréal, instauré en 2014 dans la foulée du scandale de la corruption et de la collusion dans l’industrie québécoise de la construction, ou encore à l’Autorité des marchés publics (AMP), où il œuvre présentement, l’avocat a dû bâtir de toutes pièces ses équipes de travail. «Ce sont mes plus belles réalisations professionnelles», dit celui qui a occupé le premier poste d’inspecteur général d’une ville au Canada. «Courants aux États-Unis, les bureaux d’inspection municipaux sont souvent mis en place après des scandales liés à la corruption», précise Denis Gallant.

Dans le cadre de ses fonctions à l’AMP, Denis Gallant dirige une équipe pluridisciplinaire formée d’une centaine d’employés, incluant des avocats, des ingénieurs, des comptables, des enquêteurs et des vérificateurs. «Je laisse mes dirigeants d’équipe gérer leurs employés de manière indépendante, mais, en retour, ils doivent me tenir informé de leurs enjeux.».

Le gestionnaire rappelle que le Québec octroie environ 32 000 contrats publics par année, représentant près de 20 milliards de dollars. «Tout cela doit se faire dans les règles de l’art. Obtenir un contrat public, c’est un privilège, et non un droit. Les entreprises doivent montrer patte blanche et être méritantes pour décrocher un contrat.»

En poste à Québec, Denis Gallant n’écarte pas un retour à l’enseignement lorsque ses tâches professionnelles le lui permettront de nouveau. «Je m’ennuie beaucoup du milieu», dit-il. L’avocat tient par ailleurs à remercier son épouse, sans laquelle il n’aurait pu mener la même carrière. «Je n’étais pas souvent à la maison, reconnaît-il. Je travaillais le jour et le soir j’étudiais à l’UQAM ou j’y donnais des cours. Ce Prix Reconnaissance lui rend aussi hommage.»

Soirée Trajectoires 2019

La soirée Trajectoires 2019 aura lieu le 6 juin au Centre de création des 7 Doigts de la main. En ce 50e anniversaire de l’UQAM, cette édition spéciale se tiendra sous la présidence d’honneur de Jacques Primeau (B.A. communication, 1984), producteur, agent d’artistes et président des Productions Jacques K. Primeau, lui-même lauréat d’un prix Reconnaissance en 2009. Les billets pour assister à cet événement de célébration et de réseautage sont en vente au coût de 195 $.