Le professeur du Département des sciences biologiques Jonathan Verreault a obtenu près d’un million de dollars de Pêches et Océans Canada et du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG) du Canada afin de mener une étude sur la population de bélugas de l’estuaire du Saint-Laurent. «Évaluer l’exposition des bélugas aux contaminants, connus et méconnus, et comprendre leurs effets biologiques sont des éléments clés pour préserver cette population en danger», précise le titulaire de la Chaire de recherche du Canada en toxicologie comparée des espèces aviaires et membre du Centre de recherche en toxicologie de l’environnement (TOXEN).
En juillet dernier, le gouvernement canadien avait lancé un appel à proposition auprès des universités canadiennes afin qu’elles mènent des recherches sur l’état de santé et les menaces pesant sur les baleines en voie de disparition: les épaulards résidents du Sud, les baleines noires de l’Atlantique Nord et les bélugas de l’estuaire du Saint-Laurent. Les projets financés devaient également mettre l’accent sur l’efficacité des mesures visant à atténuer l’incidence des menaces et sur des méthodes innovantes d’évaluation de la situation des baleines.
Jonathan Verreault avait bon espoir d’obtenir l’une des trois subventions, car il mène des recherches sur les bélugas du Saint-Laurent depuis 2014. «Pour obtenir ce nouveau financement, nous avons bonifié notre devis de recherche et notre équipe, en faisant notamment appel à des collègues chercheurs de l’Université du Québec à Rimouski et de l’Université de Toronto, qui nous aideront à comprendre les contaminants apparus dans les écosystèmes marins au cours des dernières années.» Son équipe de recherche compte désormais cinq professeurs et trois collaborateurs (Environnement et Changement climatique Canada, Pêches et Océans Canada, Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins).
On estime qu’il y aurait environ 900 bélugas dans l’estuaire du Saint-Laurent. Depuis 30 ans, plusieurs mesures ont été mises en place afin d’atténuer la pollution sonore et le trafic maritime. Malgré ces efforts, la population de bélugas décline. «Ces dernières années, on a noté une augmentation du nombre de décès chez les femelles parturientes et les veaux, indique Jonathan Verreault. Comme les bélugas vivent très longtemps – environ 60 ans –, ils accumulent pendant des années des contaminants dans leurs tissus. Notre projet vise à dresser un tableau global de la distribution et des concentrations des contaminants ainsi que de leur transfert par la chaîne alimentaire.»
Les échantillons étudiés
Contrairement à ses recherches sur les goélands ou sur les poissons, le professeur ne peut pas capturer les bélugas pour les étudier. «Des spécialistes de Pêches et Océans Canada prélèvent des échantillons lorsque des bélugas s’échouent dans l’estuaire ou le long du fleuve Saint-Laurent, dit-il. Si la carcasse est encore assez “fraîche” pour une évaluation pathologique, elle est transportée à la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal, à Saint-Hyacinthe, où travaille notre collègue Stéphane Lair, qui effectue alors une nécropsie pour déterminer les causes de la mortalité.» Au cours des 30 dernières années, près de 400 bélugas ont été retrouvés morts sur les rives du Saint-Laurent. Environ la moitié a subi une nécropsie. «La qualité des tissus des individus morts laisse souvent à désirer et nous empêche d’effectuer de bonnes analyses biochimiques», note toutefois Jonathan Verreault.
Heureusement, d’autres échantillons proviennent de biopsies réalisées annuellement sur une quarantaine d’animaux vivants par le Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins, basé à Tadoussac. «L’équipe de Robert Michaud prélève des petits bouts de tissus de peau et de gras à partir desquels on peut effectuer des analyses, entre autres, de contaminants, d’hormones, et de marqueurs génomiques, protéomiques et métabolomiques», précise le chercheur.
L’analyse des contaminants chimiques contenus dans les tissus des bélugas ne permettra pas aux chercheurs d’établir une relation de cause à effet (il faudrait pour cela un devis de recherche où l’on exposerait les bélugas à des contaminants, ce qui est impossible pour des raisons éthiques), mais ils pourront sans doute établir des liens. «Si nous parvenons à cibler les contaminants qui semblent faire le plus de dommages, nous ferons assurément des recommandations à Pêches et Océans Canada», note Jonathan Verreault.
Aucun des contaminants risquant d’être identifiés n’est produit à l’intérieur du parc marin de l’estuaire du Saint-Laurent, qui est une zone protégée, souligne le chercheur. «Cela veut dire que les contaminants proviennent des affluents, en amont du parc, et qu’il faudra agir sur les sources d’émission de ces substances, dont certaines sont peu documentées. On devra également s’adresser aux autorités fédérales compétentes en matière d’évaluation des produits chimiques.» Un projet à suivre !