Série L’esprit UQAM
On les reconnaît à leur audace, à leur esprit d’innovation, à leur sens de l’engagement. Ils ont «l’esprit UQAM». À l’occasion du 50e, des diplômés qui ont fait leur marque dans toutes les sphères de la société évoquent leur parcours uqamien. Cette série a été créée pour le site web UQAM: 50 ans d’audace.

Difficile de résumer la carrière de Guy Berthiaume (B.Sp. histoire, 1972), si ce n’est par son engagement indéfectible envers l’université, la culture et la recherche. Cet historien qui a obtenu un doctorat de l’Université Paris VIII a été, tour à tour, administrateur universitaire, directeur général de la Fondation de l’UQAM, professeur au Département d’histoire, directeur général de la Maison des étudiants canadiens à Paris, vice-recteur (à l’UdeM, puis à l’UQAM), président-directeur général de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), puis grand patron de Bibliothèque et Archives du Canada, jusqu’au moment de prendre sa retraite, en juin dernier.
Au début de sa vie professionnelle, après un premier emploi à l’Université de Montréal, Guy Berthiaume fait un passage au FCAC (qui deviendra le FCAR, puis le FQRNT), un organisme du gouvernement du Québec qui a pour mandat de soutenir la recherche universitaire. À l’UQAM, alors qu’il remplit divers rôles au Service de la recherche et de la création, puis au Vice-rectorat à la recherche et à l’enseignement, il devient président de l’Association canadienne des administrateurs de recherche, en 1989-1990.
À Paris, il profite de son poste à la Cité universitaire pour organiser, en 2001, les fêtes du 75e anniversaire de la Maison des étudiants canadiens et publier les actes d’un colloque tenu pour l’occasion. À son retour à Montréal, en 2002, il grimpe dans la hiérarchie universitaire et dirige deux vice-rectorats à l’Université de Montréal avant de revenir à l’UQAM, en 2008, où il est nommé vice-recteur à la Recherche et à la création. Recruté pour remplacer Lise Bissonnette à la tête de BAnQ en 2009, il y restera jusqu’en 2014, moment où il fait le saut à Ottawa pour devenir Bibliothécaire et Archiviste du Canada. Entre temps, il siège à d’innombrables comités, au niveau national et international, agit comme mentor pour la Fondation Pierre-Elliot Trudeau et reçoit une pléthore de prix récompensant sa prolifique carrière, dont le prix Reconnaissance de l’UQAM, en 2012, et le grade d’officier dans l’Ordre des Arts et des lettres de la France en 2017.
Quel type d’étudiant étiez-vous?
Plus parascolaire que scolaire. L’UQAM, à son ouverture, en 1969, offrait beaucoup de latitude à ses étudiants quant au choix de leurs cours. C’est ainsi qu’en m’inscrivant à des cours d’animation culturelle, en plus de ceux d’histoire, j’ai pu participer à l’élaboration de deux spectacles de la troupe La Quenouille Bleue avec mes amis Jean-Pierre Plante, Michel Rivard, Serge Thériault, Michel Hinton et autres marxistes tendance Groucho. D’ailleurs, ce qui prit naissance dans le cadre de ces exercices pratiques donna lieu – grâce au fameux programme fédéral Perspectives Jeunesse – à deux mémorables tournées des centres culturels du Québec, au cours des étés 1971 et 1972. Les descendants de La Quenouille Bleue ne se comptent plus, de Beau Dommage à Ding et Dong, en passant par Broue et Piment Fort. Quant à moi, heureusement pour la vie artistique québécoise, j’ai cédé ma place à la fin de mon baccalauréat à l’UQAM, en 1972, pour me concentrer sur mes études en histoire.
Que rêviez-vous de devenir?
Prof d’histoire ancienne, un rêve qui mit presque trente ans à se matérialiser, puisque ce n’est qu’en 1996 que j’obtins un poste de professeur au Département d’histoire de l’UQAM. Ce fut une expérience aussi brève qu’inoubliable (deux années seulement, avant que je ne sois de nouveau happé par l’administration universitaire). J’avais la charge des cours obligatoires d’introduction à l’Antiquité, qui se déroulaient dans des amphis pleins à ras bord au Pavillon des sciences de la gestion, ainsi que de cours sur la mythologie gréco-romaine, qui attiraient des étudiants d’un grand nombre de programmes de l’UQAM : histoire, design, éducation, philosophie, histoire de l’art, psychologie et j’en passe. J’ai aussi eu le plaisir de diriger deux cours sur le terrain, en Italie. Nous étions 50 étudiants et deux profs à visiter les sites archéologiques du Sud de l’Italie et de la Sicile: Rome, Paestum, Pompéi, Taormine, Agrigente, Syracuse et j’en passe. Ai-je dit inoubliable?
Quelle idée, quel concept, quel buzzword était à la mode dans votre domaine à l’époque de vos études?
En général: cool et heavy, deux expressions qui ont toujours cours 50 ans plus tard. Au Département d’histoire: marxisme et structuralisme, deux concepts dont le moins que l’on puisse dire c’est qu’ils n’ont plus la cote en 2019.
Quel était l’endroit préféré des étudiants pour se réunir?
Un groupe d’étudiants avait créé une discothèque nommée LUDUCU dans les locaux de l’ancien Collège Sainte-Marie (alors partie du patrimoine immobilier de l’UQAM). On y accédait par la cour arrière de l’édifice donnant sur la rue Saint-Alexandre. On y dansait et discutait ferme les vendredis et samedis soirs. J’ai eu le privilège d’y agir comme barman à plusieurs reprises et je garde des souvenirs très précis des odeurs qui se dégageaient des lieux lors de la fermeture, à trois heures du matin. Imaginez des restes de bière mêlés à des centaines de mégots – dont certains de cigarette –, à des chaussures oubliées par des danseurs en transe et à des soutien-gorge laissés à eux-mêmes, MLF oblige. La soirée de travail des barmen se terminait par le ramassage de ces restes qui étaient mis à mariner dans d’immenses poubelles de plastique en attendant leur collecte par le personnel d’entretien. Arômes!
Pouvez-vous nommer un professeur, une phrase ou un cours qui vous a marqué?
Pierre Charbonneau, prof d’histoire ancienne, que j’avais eu la chance d’avoir comme enseignant au Collège Sainte-Marie. C’est à lui que je dois le choix de l’histoire ancienne comme domaine de spécialisation ainsi que la soi-disant carrière qui s’ensuivit.
Que souhaitez-vous à l’UQAM pour ses 50 ans?
De prendre, sans complexe, la place qui devrait être la sienne à l’échelle canadienne et internationale. Je ne retire aucune satisfaction de ce que mon alma mater soit «un secret bien gardé».