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Le rendez-vous des idées

Guillaume Lamy anime Le grand chapitre, une nouvelle série d’émissions à Savoir média.

Par Claude Gauvreau

6 mai 2019 à 12 h 05

Mis à jour le 6 mai 2019 à 13 h 05

La doctorante et chargée de cours en histoire Camille Robert, le doctorant en science politique et animateur Guillaume Lamy et la sociologue Rolande Pinard, lors de l’émission consacrée au travail des femmes. Photo: Savoir Média

La liberté d’expression est-elle menacée? En quoi les nouvelles technologies bouleversent-elles nos relations intimes? La langue française est-elle une langue sexiste? Pourquoi le travail ménager représente-t-il un enjeu politique pour les femmes? Ces sujets, qui nourrissent la conversation publique, figurent au menu d’une nouvelle série d’émissions, Le grand chapitre, produite et diffusée par Savoir média (anciennement Canal Savoir).

Animé par le doctorant en science politique Guillaume Lamy (M. A. sociologie, 2014), et la journaliste Lili Boisvert, Le grand chapitre accueille des intellectuels – chercheurs, essayistes, écrivains –, ayant des points de vue complémentaires ou opposés, pour débattre d’enjeux actuels dans l’ambiance détendue d’un bistro montréalais. «Nous recevons durant une heure, sans interruption publicitaire, trois ou quatre invités qui viennent parler d’un ouvrage, essai ou roman, paru récemment, explique Guillaume Lamy. Imaginons, par exemple, un psychiatre, un sociologue et un spécialiste des médicaments qui se rencontrent pour discuter d’un livre sur la santé mentale au travail.»

Le Grand chapitre entend renouer avec la tradition des rencontres littéraires à la télévision. «L’objectif de l’émission est de devenir un rendez-vous intellectuel incontournable, une sorte de Tout le monde en parle autour des livres, souligne le doctorant. Nous voulons donner un coup de pouce aux auteurs québécois  ainsi qu’aux revues socioculturelles et politiques, comme L’inconvénient, Argument, Liberté, Nouveau Projet, À bâbord, dans lesquelles écrivent les intellectuels et dont les médias grand public parlent peu.»

La vie intellectuelle au Québec est riche – les auteurs québécois publient davantage de livres que ceux du Canada anglais, observe le doctorant – et l’émission veut lui donner une vitrine.

Cinq rendez-vous

Cinq émissions de la série Le grand chapitre sont présentement diffusées en ligne ainsi que sur les ondes de Savoir média.

La liberté d’expression menacée ?

Composante fondamentale de la démocratie, la liberté d’expression est-elle en régression? Qui l’utilise adéquatement, qui en abuse, et surtout qu’est-ce qui la menace aujourd’hui? Est-elle favorisée ou desservie par les réseaux sociaux? Invités: Joseph Yvon Thériault, professeur au Département de sociologie, Fred Dubé, humoriste et auteur, et Patrick Moreau, professeur au Collège Ahuntsic et rédacteur en chef de la revue Argument.

L’amour et l’intimité bouleversées

Les technologies de la communication ouvrent-elles la voie à l’émancipation des individus ou signent-elles la marque d’un nouvel asservissement marqué par la performance et les relations jetables? Invités: Chiara Piazzesi, professeure au Département de sociologie, Julie Lavigne (M.A. études des arts, 1999), professeure au Département de sexologie, et Brigitte Paquette, auteure et intervenante sociale.

Réhabiliter Maurice Duplessis?

Maurice Duplessis est l’homme politique qui a occupé la fonction de premier ministre pendant le plus longtemps dans l’histoire du Québec. Soixante ans après sa mort, il continue de diviser les historiens et les intellectuels. Invités: Yves Lavertu, auteur, journaliste et historien, Martin Lemay, essayiste, Jonathan Livernois, auteur et professeur d’histoire littéraire à l’Université Laval.  

Le travail des femmes

Pourquoi les femmes ont-elles été exclues du monde du travail et écartées des syndicats tout au long de la révolution industrielle? Pourquoi le travail ménager est-il aussi peu valorisé? Invitées: la doctorante et chargée de cours au Département d’histoire Camille Robert (M.A. histoire, 2017), Marie Lavigne (M.A. histoire, 1974), auteure, et Rolande Pinard, sociologue.

Réformer la langue française?

La langue française est-elle une langue élitiste, sexiste et archaïque qu’il faut moderniser? Doit-on réformer son orthographe pour le rendre plus facile à maîtriser? Invités: Marie-Andrée Lamontagne, auteure et vice présidente de l’Académie des lettres du Québec, Jean-Benoît Nadeau, journaliste et auteur, Mario Piérard, essayiste.

Une formule simple

Guillaume Lamy dit vouloir s’inspirer d’une émission culturelle française, Ce soir ou jamais, animée par Frédéric Taddeï de 2006 à 2016, qui recevait sur son plateau des représentants de l’intelligentsia littéraire, scientifique et politique. «La formule était simple: des livres ayant de la substance et des invités de qualité, la chimie des échanges faisant le reste.»

Le doctorant est convaincu qu’il existe un public au Québec pour ce type d’émission. «Comme Le grand chapitre est diffusé sur le câble et sur le web, nous nous adressons à la fois aux jeunes qui ne jurent que par Internet et à des personnes plus âgées dont la télévision demeure le média privilégié. Plusieurs personnes s’intéressent au monde des idées.»

Stimuler la culture du débat 

En permettant à des invités d’échanger des arguments et des idées, Le grand chapitre souhaite stimuler la culture du débat. «Tout intellectuel possède un capital symbolique, ce qu’il a dit et écrit, ce qu’il a démontré par ses travaux, observe Guillaume Lamy. Dans la tradition française, les intellectuels mettent leur capital en jeu par le débat, en répondant aux critiques. Au Québec, on est un peu plus frileux. Pourtant, les débats d’idées aident à faire évoluer la pensée pour qu’elle gagne en richesse et en nuances.»

Il n’y aura pas de sujet interdit dans l’émission, assure le doctorant. «Tous les sujets, même les plus controversés, comme ceux de l’appropriation culturelle, de l’immigration, de la laïcité ou du racisme systémique, y auront droit de cité. Il faut apprendre à débattre, se donner une éthique de la conversation, ne pas chercher à disqualifier moralement son interlocuteur pour éviter de discuter ses idées.»

De Canal Savoir à Savoir média

La station de télévision Canal Savoir a non seulement changé de nom et d’équipe, mais a aussi dépoussiéré ses contenus avec des productions plus modernes, conçues pour le web. Profitant d’une aide financière de huit millions de dollars du ministère de l’Éducation pour les trois prochaines années, Savoir média continuera de transmettre des connaissances basées sur les recherches et les opinions d’experts reconnus, mais avec une approche et une programmation entièrement renouvelées. Dès maintenant, Savoir média présente plus d’une vingtaine de séries d’émissions et de capsules originales portant sur les sciences, les arts, les technologies, la santé et la société.

Le message que Savoir média souhaite transmettre, c’est que le savoir, c’est loin d’être ennuyeux, a déclaré récemment dans Le Devoir sa nouvelle directrice, Nadine Dufour, qui a œuvré auparavant à Télé-Québec et à Pixcom. «Il est important de rappeler au public que ce qui se fait dans les milieux de la recherche et de l’enseignement supérieur a un impact sur nos vies, a-t-elle souligné. Le virage numérique de Savoir média permettra de rejoindre tous les publics avides de développer leurs connaissances et de réfléchir aux différents enjeux qui affectent notre société.»

«Savoir média veut atteindre les 25-55 ans, renchérit Guillaume Lamy. Nous voulons résister aux impératifs du vedettariat et de la rigolade à tout prix. Le défi sera de durer en créant des habitudes d’écoute.»

Un dossier sur les think tanks

Dès cet été, le doctorant et son équipe entameront la production de nouvelles émissions pour la deuxième saison du Grand chapitre. Parallèlement à son travail d’animateur, il poursuit également sa recherche doctorale sur les think tanks. Il a d’ailleurs dirigé un dossier, «Les think tanks au Canada et dans le monde», qui sera publié l’automne prochain dans le Bulletin d’histoire politique.

De droite ou de gauche, ces laboratoires d’idées existent dans tous les pays développés – on en compte une centaine au Canada et une quinzaine au Québec – et dans pratiquement tous les pays en développement, rappelle Guillaume Lamy. «Certains agissent en tant qu’auxiliaires de recherche pour les gouvernements, alors que d’autres, tels que l’Institut Fraser, l’Institut économique de Montréal, l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques et le Centre canadien de politiques alternatives, interviennent dans le but d’influencer les politiques publiques.»