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Entraînement et trouble psychotique

L’entraînement par intervalles peut aider les personnes aux prises avec un trouble psychotique.

Par Pierre-Etienne Caza

5 mars 2019 à 11 h 03

Mis à jour le 5 mars 2019 à 11 h 03

Photo: Getty Images

Il y a quelques années, le professeur du Département des sciences de l’activité physique Antony Karelis fut parmi les premiers chercheurs québécois à démontrer les bénéfices de l’entraînement par intervalles à haute intensité sur la santé métabolique et la composition corporelle. Il a mené des études sur le sujet auprès de jeunes hommes actifs et en santé soumis à un régime de malbouffe et auprès de personnes diabétiques. L’un de ses postdoctorants, Ahmed Jérôme Romain, a poursuivi dans la même veine en s’intéressant cette fois aux personnes souffrant de schizophrénie, de bipolarité ou de dépression majeure avec tendances schizophréniques. Les résultats de cette étude, menée entre 2012 et 2017, ont été publiés récemment dans Schizophrenia Research.

Les gens souffrant de troubles psychotiques prennent des médicaments occasionnant un gain de poids. «Cette population compte plusieurs individus fumant la cigarette, qui sont sédentaires et qui se nourrissent mal, relève Antony Karelis. Ils sont donc plus à risque d’obésité, de complications métaboliques et de maladies cardiovasculaires. Les statistiques indiquent d’ailleurs que ces individus vivent en moyenne 10 ans de moins que leurs concitoyens du même âge.»

Les 66 sujets de l’étude (âge moyen= 31 ans), obèses ou en surpoids, ont été recrutés au CHUM par la psychiatre et co-chercheuse Amal Abdel-Baki. Parmi eux, 38 ont été sélectionnés au hasard pour participer à un programme d’entraînement, tandis que les 28 autres constituaient le groupe contrôle. L’entraînement consistait en deux séances par semaine d’activité physique par intervalles à haute intensité sur tapis roulant – 60 secondes d’effort intense, suivies de 90 secondes de repos, à répéter 10 fois – pendant 6 mois. Les entraînements avaient lieu dans un centre communautaire à proximité du CHUM, où les analyses ont été réalisées. Des étudiants de l’UQAM ont participé à la supervision des entraînements.

Des mesures ont été effectuées avant le début du programme d’entraînement, puis à la toute fin, explique Antony Karelis. «Notre variable principale était la circonférence de la taille, car le gras de l’abdomen est associé à plusieurs troubles métaboliques ainsi qu’à un risque accru de maladies cardiovasculaires et de diabète de type 2. Nous nous sommes aussi intéressés à d’autres variables – mauvais/bon cholestérol, pression artérielle, taux de glucose, triglycérides – pour établir le profil métabolique des participants. Un questionnaire a également mesuré leurs symptômes dépressifs et leur qualité de vie en général.»

La persévérance récompensée

Le premier constat des chercheurs est lié à la motivation. Dans le groupe soumis au programme d’entraînement, 10 % des individus ne se sont jamais pointés aux séances et 50 % ont abandonné en cours de route! Seuls 15 patients ont complété le programme en entier. «Habituellement, quand nous amorçons ce type d’étude, les participants affluent et sont motivés, ce qui constitue en soi un biais, mais cela nous assure de leur assiduité, explique Antony Karelis. Dans ce cas-ci, les patients avaient été fortement incités à participer par leur médecin traitant, mais, clairement, la motivation faisait défaut chez plusieurs d’entre eux.»

Les résultats indiquent une diminution significative du tour de taille chez les participants qui ont complété plus de 60 % du programme d’entraînement, mais leur profil métabolique n’a pas bougé. «Cela nous a étonnés car le même entraînement donne habituellement des résultats spectaculaires chez d’autres sujets, souligne le professeur. Peut-être aurait-il fallu une troisième séance hebdomadaire, ou prolonger l’entraînement pendant un an au lieu de six mois?»

Le plus grand bénéfice, toujours chez les participants les plus assidus, est une amélioration notable de leur humeur. «Cet effet bénéfique sur leur moral s’explique sans doute par le fait qu’ils se retrouvaient en groupe pour l’entraînement et pouvaient échanger entre eux, brisant ainsi la solitude», estime Antony Karelis.

L’équipe de recherche procédera sous peu à de nouvelles mesures chez les mêmes sujets afin d’observer si ces bienfaits se sont maintenus avec le temps. «Est-ce que quelqu’un dans ce groupe fait encore de l’exercice?, s’interroge le professeur. C’est la grande question! Une fois l’étude terminée, les gens sont-ils capables de s’entraîner seuls? Ont-ils la motivation nécessaire?» À suivre !