Série Doc en poche
Armés de leur doctorat, les diplômés de l’UQAM sont des vecteurs de changement dans leur domaine respectif.
Myriam Tahiri Hassani
(Ph.D. psychologie, 2018)
Titre de sa thèse: «L’identité et l’héritage socioculturel, au cœur de la réussite scolaire chez les jeunes issus de la deuxième génération de l’immigration haïtienne.»
Directrice: Sophie Gilbert, professeure au Département de psychologie
Enjeu social: la réussite scolaire des jeunes en difficulté issus de la communauté haïtienne
Dans le cadre de sa thèse, Myriam Tahiri Hassani s’est intéressée aux jeunes d’origine haïtienne qui ont réussi leur parcours scolaire malgré les difficultés vécues à la maison ou à l’école (divorce, pauvreté, racisme, etc.). «L’objectif était de mieux comprendre pourquoi ces jeunes ayant vécu de la détresse psychologique ont obtenu leurs diplômes malgré un parcours difficile qui aurait pu les prédestiner au décrochage scolaire», précise la psychologue en pratique privée, qui reçoit une clientèle d’enfants et de familles.
Myriam Tahiri Hassani a interrogé une quinzaine de jeunes adultes, âgés entre 19 et 25 ans, nés au Québec et dont les parents sont originaires d’Haïti. Les personnes interrogées ont raconté des épisodes marquants de leur vie d’enfant ou d’adolescent, tout en présentant leurs points de vue sur leur réussite scolaire. «De nombreux chercheurs ont montré qu’il existait des liens entre les conditions socioéconomiques difficiles et le décrochage scolaire dans la communauté haïtienne, explique la psychologue. Pourtant, plusieurs élèves issus de cette communauté réussissent à l’école, et ce, malgré de telles conditions.»
Selon Myriam Tahiri Hassani, deux raisons expliquent la réussite scolaire des jeunes: leur personnalité et l’héritage socioculturel des parents. «Leur plus bel outil, c’est eux-mêmes, souligne Myriam Tahiri Hassani. Ces jeunes ont développé des capacités comme l’introspection, l’autodiscipline ou l’organisation. Certains enfants ont revu, par exemple, leur manière d’apprendre ou de s’intégrer pour mieux s’adapter. Ils n’ont pas hésité à remodeler leurs façons de faire.»
Au même titre que les caractéristiques personnelles favorables à la réussite scolaire, les valeurs transmises par les parents haïtiens – comme l’importance liée aux études et au savoir et le sens de l’effort et de la persévérance– jouent un rôle important. L’héritage parental et la culture peuvent aider les enfants à s’en sortir seulement s’ils acceptent d’intérioriser de telles valeurs», précise Myriam Tahiri Hassani. Selon elle, le décrochage scolaire pourrait d’ailleurs s’expliquer par le désintérêt des jeunes décrocheurs envers les valeurs familiales et culturelles.
Il y a, selon la chercheuse, un lien entre l’héritage légué par les parents et la personnalité. «On naît avec une personnalité propre, certes, mais notre personnalité est modulée au travers de nos interactions familiales et culturelles», explique la psychologue.
Ce qu’il faut changer
Les intervenants du milieu scolaire et les parents doivent s’intéresser à la personnalité de l’enfant. «Il faut permettre à l’enfant d’être lui-même. Son développement identitaire est au cœur de sa réussite scolaire», affirme Myriam Tahiri Hassani. La psychologue croit aussi qu’il faut soutenir le type d’enseignement des parents. «Les parents ont un système de valeurs qui doit être pris en compte et reconnu par les enseignants. C’est un premier pas vers l’autre culture. Il faut être capable d’aller au-delà des préjugés.» Les enseignants sont parfois pris dans un carcan d’enseignement un peu trop rigide, observe la psychologue. «Ils devraient peut-être revoir leur modèle d’intervention ou l’adapter selon les enfants.»