Les matériaux d’art utilisés dans le cadre des activités pédagogiques sont rarement recyclés. Comme les projets sont souvent composés de plusieurs matériaux (plastique, colle et bois, par exemple), ils prennent le chemin des sites d’enfouissement, en plus d’être toxiques pour l’environnement. Comment faire pour réduire cette production de déchets? Chacun de leur côté, les professeurs Gisèle Trudel et Thomas-Bernard Kenniff, respectivement de l’École des arts visuels et médiatiques (ÉAVM) et de l’École de design, ont mis en place un système de recirculation des matériaux toujours utilisables afin qu’ils puissent servir de nouveau à la communauté.
À l’École des arts visuels et médiatiques, les étudiants peuvent déposer les retailles, les esquisses, les bobines de tissus et autres matériaux sur les étagères ou dans les chariots prévus à cet effet. «L’objectif est de prolonger le cycle de vie des matériaux qui, désassemblés, peuvent servir de base à un autre projet artistique, précise Gisèle Trudel. Ce système de récupération permet aux étudiants de faire des économies tout en stimulant leur créativité.»
Cinq bennes à ordures ont été fournies à l’ÉAVM par le Service des immeubles. Ces bennes ont été peintes en vert pour mieux les identifier. Le titre du projet, «Ceci n’est pas une poubelle», est inscrit en lettres noires sur chacune d’elle. «C’est un clin d’œil à la fois au peintre René Magritte et à Eugène-René Poubelle, le préfet français qui a tenté d’instaurer la collecte sélective à Paris dès 1883», dit Gisèle Trudel. Les étagères prévues pour déposer le matériel d’art récupérable sont aussi prêtées par le SI. «L’ensemble du projet a été réalisé grâce à la réutilisation d’objets existants sur le campus», ajoute la professeure. Des affiches et une signalisation ont été mises en place à l’École pour inciter les étudiants à participer au projet.
Les zones de dépôt se trouvent au rez-de-chaussée et au septième étage de l’ÉAVM, près des monte-charges. Le bois et le métal peuvent être déposés dans les bacs identifiés à cette fin dans les ateliers techniques du cinquième étage.
Pour instaurer le projet d’économie circulaire, la professeure a bénéficié de la collaboration de Jean-Martin Venne, conseiller à la logistique immobilière à la Division conciergerie et services aux usagers du Service des immeubles (SI). Deux subventions du Fonds verts de l’UQAM ont permis de mettre en place le projet et de rémunérer les étudiants qui y ont participé. Le candidat à la maîtrise Kévin Pinvidic a créé l’habillage des bennes de récupération et Mélodie Jetté, étudiante de premier cycle au profil enseignement, s’est occupée de la coordination du projet en collaboration avec la professeure.
Alléger l’École de design
Du côté de l’École de design, c’est à la suite d’un exercice de désencombrement en 2015 que le professeur Thomas-Bernard Kenniff a eu l’idée de mettre en place le projet de récupération. «Chaque année, à la fin de l’exposition annuelle des finissants, une soixantaine de conteneurs à déchets sont remplis de maquettes et autres prototypes de toutes sortes, illustre le professeur. Il y avait lieu de se questionner afin de revoir les pratiques de production et de gérer la circulation de la matière de manière plus écoresponsable.»
Le programme en design de l’environnement est celui où les étudiants produisent le plus de déchets autre que le papier et le carton, à cause, notamment, des maquettes et des prototypes qu’ils doivent réaliser.
Grâce à l’obtention d’une subvention du Fonds vert, le professeur a constitué une équipe d’étudiants pour l’aider à produire du matériel pédagogique destiné à la communauté, à concevoir du mobilier pour y déposer les matériaux récupérables et à rédiger un rapport pour faire l’état de la situation et proposer des pistes de réflexion. Le projet s’est échelonné sur près de quatre ans.
L’équipe étudiante est composée de Susan Sadraee et Élise Marchal, de la maîtrise en design de l’environnement, de Noémie Giroux-Carpentier, du baccalauréat en design de l’environnement, et de Claudie Léger, du baccalauréat en design graphique. Sarah Bengle (B.A. design de l’environnement, 2017), Jacinthe Alias (B.A. design de l’environnement, 2018), et Mario Baillargeon, chargé d’atelier à l’Atelier multitechnique de l’École, ont aussi participé au projet.
Les étudiants ont réalisé une table de travail avec rangement intégré. «Les espaces de rangement permettent aux étudiants d’y déposer leurs retailles ou tout autre objet et outil pouvant être récupérés, explique Thomas-Bernard Kenniff. Pour l’instant, un seul prototype a été réalisé, mais d’autres tables seront fabriquées sous peu. Des bacs sur roues que les étudiants peuvent déplacer d’un atelier à l’autre ont aussi été conçus.
Un logo pour identifier le mobilier servant à la recirculation des matières a été imaginé par les étudiants. De couleur orange vif, il représente une flèche à double sens. Ce mobilier vient s’ajouter aux bacs multimatières (matériaux secs et retailles en feuilles) déjà en place à l’atelier multitechnique (et installés par Mario Baillargeon).
Instaurer une culture écoresponsable
Un guide pratique en format pdf a été remis aux étudiants afin de leur présenter le projet. Les processus de désassemblage des maquettes et autres prototypes et de tri des matières sont expliqués. «Le désassemblage et le tri doivent faire partie des directives données aux étudiants, souligne le professeur. Ils doivent être responsables du ménage des ateliers. Ce projet est réalisable seulement si les étudiants participent.»
Bien que certains enseignants prescrivent les matériaux à utiliser, la grande majorité sont choisis par les étudiants, rappelle le professeur. «Il faut amener les étudiants à choisir des matériaux plus écologiques si l’option est possible», croit Thomas-Bernard Kenniff.
Le personnel enseignant est invité à inclure un encart résumant les bonnes pratiques écoresponsables de l’École de design dans les plans de cours. Le développement d’une politique de développement durable propre à l’École et tenant compte de ses particularités est à l’étude. «La grande majorité des professeurs et des chargés de cours y sont favorables», relève Thomas-Bernard Kenniff.
En préconisant de nouvelles pratiques pédagogiques durables, on contribue à former une nouvelle génération de designers plus écologiques, conclut le professeur.