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Design graphique: la touche québécoise

Une exposition du Centre de design offre un panorama du design graphique contemporain au Québec.

10 décembre 2019 à 16 h 12

Mis à jour le 11 décembre 2019 à 10 h 12

De l’imprimé à l’animation vidéo, de l’identité de marque au packaging, de la signalétique au design d’exposition, le design graphique québécois se distingue par son inventivité, par son effervescence et par son niveau de qualité, reconnus tant localement qu’à l’étranger. C’est ce que démontre avec force l’exposition Le design graphique, ça bouge!, un panorama du design graphique contemporain au Québec à travers les réalisations d’une cinquantaine d’agences. Présentée au Centre de design dans le cadre du 50e anniversaire de l’UQAM, l’exposition réunit des projets illustrant toutes les déclinaisons du design graphique, un domaine en pleine ébullition qui a été profondément transformé par les nouveaux moyens technologiques mis à sa disposition au cours des dernières décennies.

«À côté des choses extraordinaires qui se font dans le domaine de l’imprimé – livres, journaux, brochures, affiches, emballages et autres images de marque –, nous avons voulu montrer des exemples du travail des designers graphiques dans la conception de sites web, dans les jeux vidéo, dans les génériques de films ou les animations publicitaires», explique Marc H. Choko, professeur émérite de l’École de design et commissaire de l’exposition.

Des projets de design d’exposition, de signalétique, de parcours multimédia ou de projections murales montrent également l’importance du design graphique dans l’environnement urbain, ajoute le commissaire. «À travers ses diverses manifestations, le design graphique met en forme la multitude de messages que nous recevons au quotidien dans l’espace public autant que dans notre espace privé, que ce soit en lisant notre journal du matin, sur papier ou sur tablette, en choisissant un produit au magasin ou sur le web, en consultant la notice d’un emballage, en se repérant grâce aux panneaux de signalisation dans la rue, sur la route ou dans le métro ou en jouant à un jeu vidéo.»

Image tirée de l’animation 75e anniversaire d’Air CanadaPhoto: Animation Karim Zariffa inc.

L’exposition présente à la fois des projets de grandes agences – la superbe campagne Le lait, solide liquide, produite par lg2, par exemple, la nouvelle identité imaginée par Sid Lee pour la Société de transport de Montréal ou celle d’Énergir/Gaz Métropolitain créée par Cossette – et ceux de petites agences ou même de designers indépendants. On peut ainsi voir plusieurs projets du diplômé Karim Charlebois Zariffa (B.A. design graphique, 2010), dont deux irrésistibles vidéo promotionnelles conçues pour le 75e anniversaire d’Air Canada en 2012 – l’une montrant l’évolution du costume des hôtesses de l’air et l’autre celle des appareils utilisés par la compagnie à travers le temps – et une série de vidéos promotionnelles ultra-léchées créées pour la montre Google Android Wear 2.0.

Un talent reconnu à travers le monde

Mur d’accueil de la galerie historique de l’Alaska au musée d’Anchorage, design d’exposition et design interactif par GSM Project.Photo: GSM Project

«Le talent des designers graphiques québécois est reconnu à travers le monde», affirme Marc H. Choko, citant les succès à l’international d’agences telles que Sid Lee (campagne multiplateformes d’Adidas Unite All Orginals) ou GSM Project (design de l’exposition itinérante Star Wars Identités et de la galerie historique du musée d’Anchorage en Alaska).

Tout en permettant de prendre la pleine mesure du talent de nos designers graphiques, dont un grand nombre sont issus de l’École de design de l’UQAM, l’exposition a aussi le mérite de faire découvrir le processus menant à diverses réalisations. Plusieurs panneaux donnent ainsi à voir des esquisses, des plans ou diverses itérations d’un même projet. Le panneau portant sur le clip publicitaire réalisé par l’agence Vallée Duhamel – créée par Eve Duhamel et Julien Vallée (B.A. design graphique, 2014) – pour la marque de luxe Hermès montre ainsi, au-dessus de l’écran qui permet de visionner le produit final, une photo du tournage, avec une accessoiriste en équilibre sur une échelle qui tient à bout de bras l’oiseau de la pub. «Il est intéressant de voir le côté artisanal de ce type de production de grand calibre, réalisé pour une marque internationale», note le commissaire.

Avec son collègue Louis-Charles Lasnier (B.A. design graphique, 1991), professeur au Département de design graphique et co-commissaire de l’exposition, Marc H. Choko a fait le choix de ne pas présenter les projets par agence ou même par thématique. «Nous avons plutôt décidé de réunir des projets qui se parlent et qui se font écho», explique le commissaire.

La scénographie signée par Louis-Charles Lasnier, assisté de Victor Bernaudon (B.A. design de l’environnement, 2013), chargé de projets d’expositions au Centre de design, réussit le pari d’apporter une grande cohérence visuelle à une exposition regroupant des projets par définition extrêmement divers. Regroupés dans d’élégants îlots construits par l’équipe du Centre à partir de carton ondulé vendu pour l’emballage, les projets se présentent en général par trois, sur des panneaux disposés en triptyques. Le fait que textes et images soient imprimés directement sur les panneaux (et la qualité impressionnante de l’impression) contribue à créer un effet de continuité entre les différents projets. Les nombreux écrans servant à visionner les créations animées se fondent dans l’ensemble.

Un îlot montre trois projets qui font un usage complètement différent de la typographie : le nouveau logo et la nouvelle identité visuelle de l’Orchestre métropolitain par le studio byHAUS, le générique de l’émission Tout le monde en parle, avec sa typo qui danse, produit en 2012 par le chargé de cours Denis Dulude, et la création d’une police de caractères par le studio Feed pour Wigrum, un roman publié en 2011 aux Éditions La Peuplade. Un peu plus loin, on peut voir aussi le travail accompli par Feed dans le cadre de la nouvelle identité de marque réalisée pour Air Inuit, qui a valu à l’entreprise d’être élue, en 2014, parmi les 10 compagnies aériennes arborant la plus belle livrée, selon le blogue international The Design Air.

Du timbre au jeu vidéo

Timbre version or, L’année du cheval, créé par Louis Gagnon et Daniel RobitaillePhoto: Paprika

Difficile de rendre compte de la richesse des contenus proposés. À côté d’un timbre du chargé de cours Louis Gagnon et son collègue Daniel Robitaille, de Paprika, créé pour Postes Canada à l’occasion de l’année du cheval, en 2014, véritable petit bijou de composition et d’illustration, on peut admirer les magnifiques éléments de scénographie signés par le chargé de cours Lino (B.A. design graphique, 2003) pour le Grand Ballet de Vancouver ou les élégants livres de cuisine réalisés par Annie Lachapelle (B.A design graphique, 2002), de l’Atelier Chinotto.

On verra aussi des couvertures de livres dessinées pour des clients à l’international par le designer David Drummond, la grille graphique créée par la chargée de cours Lucie Lacava pour Le Devoir, le travail exhaustif sur la signalétique du métro de Montréal réalisé par le Bureau de signalétique de la STM, les emballages conçus pour la Laiterie Chagnon par Kuizin Studio, les jeux Ancestors : The Humankind Odyssey de Panache Jeux numériques et Fort McMoney d’Urbania, ainsi que la projection architecturale Trouve Bob (projetée à l’hiver 2013 sur la façade du Pavillon de design de l’UQAM dans le cadre du festival Luminothérapie), signée par Champagne Club Sandwich, aussi responsable des projections psychédéliques créées pour le spectacle CharleboisScope.

Design MTL (L’identité de marque, Le savoir-faire et Le graphisme animé), trois vidéos réalisées par La Fabrique culturelle, la plateforme culturelle numérique de Télé-Québec, complètent l’exposition en donnant accès aux coulisses de la création en design graphique. On y découvre la vision de plusieurs créateurs, tels que Sébastien Lépine (B.A. design graphique, 2001), Catherine D’Amours (B.A. design graphique, 2004), de Nouvelle Administration, Élise Cropsal, de lg2, Philippe Lamarre (B.A. design graphique, 2000), d’Urbania, ou Joanne Lefebvre et Louis Gagnon, de Paprika.

Une mise en perspective historique

L’exposition Le design graphique, ça bouge! offre aussi une mise en perspective avec un mur consacré à une vingtaine de projets qui ont marqué l’histoire du graphisme au Québec. On peut y voir, entre autres, une affiche réalisée pour les Jeux olympiques de 1976 par Ernst Roch, des cartons d’invitation signés par le regretté professeur du Département de design graphique Frédéric Metz, créateur du logo de l’UQAM, et des imprimés publicitaires d’une grande finesse produits dans les années 1950 par le graphiste Henry Eveleigh, qui fut le premier directeur du programme de design graphique de l’UQAM en 1969.

Avec des panneaux conçus pour être démontés et remontés, l’exposition voyagera dans différents musées à partir de l’hiver 2020. Lors de son vernissage au Centre de design, le 27 novembre dernier, tout le milieu du design graphique montréalais était présent, avec près de 600 personnes qui ont assisté à l’événement. «Nous avons profité de l’occasion pour souligner à quel point le travail des enseignants de l’École de design de l’UQAM au cours des dernières décennies a été significatif pour faire émerger tout le talent dont l’exposition est la démonstration», observe Marc H. Choko.

Un beau livre

Un beau livre, également intitulé Le design graphique, ça bouge, accompagne l’exposition. Conçu par Paprika, il est publié par les éditions Somme toute et trace le portrait d’une cinquantaine des meilleures agences et des designers les plus en vue au Québec, à travers des images de leurs projets et des clichés réalisés dans leurs lieux de travail par la photographe Cindy Boyce, qu’on peut également voir projetés dans la salle de l’exposition.

L’exposition Le design, ça bouge! est présentée au Centre de design jusqu’au 2 février 2020.