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Art, histoire et citoyenneté

Des chargés de cours et étudiants collaborent à un projet d’exposition à l’Écomusée du fier monde.

Par Claude Gauvreau

19 février 2018 à 15 h 02

Mis à jour le 19 février 2018 à 16 h 02

Grâce à un partenariat avec la Faculté des arts, l’Écomusée du fier monde, situé dans le quartier Centre-Sud de Montréal, accueille l’exposition Mi-lieu jusqu’au 25 février prochain. Une trentaine de chargés de cours et d’étudiants de l’École des arts visuels et médiatiques, de l’École de design et du Département d’histoire de l’art y présentent neuf installations. Au moyen de divers matériaux (bois, papier, résine, argile, plexiglass) et médias (photo, vidéo, dessins, documents écrits), les créations pluridisciplinaires des Uqamiens proposent une vision artistique du mandat de l’Écomusée.

Fondé en 1980, l’Écomusée du fier monde a une double vocation: mettre en valeur l’histoire et le patrimoine du quartier Centre-Sud, témoin privilégié de l’industrialisation de Montréal et des conditions de vie des familles ouvrières, et favoriser des démarches participatives avec la population et les organismes locaux.

Les étudiants et chargés de cours n’avaient pas de lignes directrices pour concevoir et réaliser l’exposition. «Nous avons eu carte blanche, souligne Dominique Sarrazin, chargée de cours à l’École des arts visuels et médiatiques et coresponsable de l’exposition avec sa collègue Patricia Gauvin. Notre mandat consistait à traduire, dans un langage artistique, l’esprit qui anime l’Écomusée. Chaque équipe disposait d’un espace réservé, une sorte d’îlot partagé.»

«Notre mandat consistait à traduire, dans un langage artistique, l’esprit qui anime l’Écomusée. Chaque équipe disposait d’un espace réservé, une sorte d’îlot partagé.»

Dominique Sarrazin,

Chargée de cours à l’École des arts visuels et médiatiques

Les participants à l’exposition Mi-lieu se sont rencontrés en novembre dernier afin de créer des équipes formées d’au moins trois chargés de cours et étudiants en arts visuels ou en design, auxquels se sont ajoutés des étudiants en histoire de l’art, responsables de la rédaction de textes et de poèmes. «Avant de nous mettre au travail, nous avons visité l’Écomusée. Puis, son directeur, René Binette, nous a fait faire un tour guidé du quartier, ce qui nous a servi de sources d’inspiration», raconte Patricia Gauvin, également chargée de cours à l’école des arts visuels et médiatiques. C’est la deuxième année consécutive que l’Écomusée accueille des œuvres d’artistes membres de la Faculté des arts.

Faubourg à m’lasse

Le quartier Centre-Sud a longtemps été surnommé le «faubourg à m’lasse». Cette appellation familière s’explique par la proximité du port, où étaient déchargés, entre autres, des barils de mélasse. Sirop moins coûteux que le sucre, la mélasse était surtout consommée dans les milieux populaires. Dans l’imaginaire montréalais, le faubourg à m’lasse devient l’archétype du quartier populaire canadien-français, à la fois rustre et coloré.

L’installation Art-hier-goût, conçue par Dominique Sarrazin et les étudiantes Maria Hoyos (baccalauréat en arts visuels et médiatiques) et Lise Fraïssé (maîtrise en histoire de l’art) rappelle justement cette époque. Au moyen de petits cubes de sucre, les artistes ont imaginé une carte qui évoque la configuration du quartier et tracé les formes d’une saucière d’où s’écoule la mélasse. L’installation comprend également des haïkus –brefs poèmes d’origine japonaise – qui décrivent la vie quotidienne dans le «faubourg à m’lasse». «Débordant les frontières du quartier, l’écoulement de la mélasse illustre symboliquement la dégradation du tissu social et l’exode des résidents causé, notamment, par la désindustrialisation et par l’implantation de Radio-Canada au début des années 1970», explique Dominique Sarrazin.

Une autre installation, Contour/Détour, réalisée par Patricia Gauvin et les étudiantes Claude Majeau (doctorat en études et pratiques des arts) et Axelle Chevalier-Héroux (baccalauréat en histoire de l’art), est le fruit de déambulations dans les rues du Centre-Sud et de rencontres avec des élèves de l’école secondaire Pierre-Dupuy. «Nous avons demandé à des élèves de nous parler de leurs aspirations», dit Patricia Gauvin. «J’aimerais voyager»…«concevoir des jeux vidéo»…«être un officier de police»… ont-ils répondu. «L’installation présente certains de leurs témoignages ainsi que de grands panneaux en papier sur lesquels sont représentées des clôtures. Ces clôtures s’inscrivent en nous et sont autant d’obstacles à contourner pour réaliser nos rêves.»

«Ce projet collectif n’aurait jamais pu voir le jour sans la dynamique particulière de collaboration qui s’est installée entre les chargés de cours et les étudiants.»

Patricia Gauvin,

Chargée de cours à l’École des arts visuels et médiatiques

Dans l’installation Des ancêtres du fier monde, conçue en collaboration avec les étudiants Christian Molina (baccalauréat en design de l’environnement) et Maude Darsigny-Trépanier (maîtrise en histoire de l’art), la chargée de cours de l’École de design Nicole Milette expose de vieilles cartes du quartier, datant du 19e siècle, ainsi que des photos puisées dans les archives de sa famille. «L’installation vise à la fois à célébrer l’histoire du Centre-Sud et à redonner un visage à certains de ses ancêtres, qui sont aussi ceux de Nicole Milette», observe Dominique Sarrazin.

Performances d’art vivant

Dans le cadre de l’exposition, des étudiants et des chargés de cours de l’École supérieure de théâtre, de l’École des arts visuels et médiatiques ainsi que des départements de musique et de danse présenteront huit brèves performances à l’Écomusée, le 21 février, de 17 h à 19 h. «Les visiteurs auront l’occasion de vivre une expérience immersive, dit Dominique Sarrazin. Ils seront invités à apprécier l’enchaînement des performances, dont l’action se déplacera à différents endroits du musée.»

Enfin, le 23 février, de 9 h 30 à 12 h30, une table ronde réunira à l’Écomusée tous les artistes ayant participé à l’exposition et aux performances.

«Ce projet collectif n’aurait jamais pu voir le jour sans la dynamique particulière de collaboration qui s’est installée entre les chargés de cours et les étudiants», affirme Patricia Gauvin. «Nous avons mis en sourdine la relation pédagogique entre enseignant et étudiant, renchérit Dominique Sarrazin. Nous avons pris les décisions tous ensemble et chacun pouvait amener librement ses idées et suggestions.»

Un appel de propositions sera lancé par la Faculté des arts afin de développer un nouveau projet d’exposition pour 2019, toujours en partenariat avec l’Écomusée du fier monde.