Série Prix Reconnaissance UQAM 2018
Sept diplômés de l’UQAM seront honorés à l’occasion de la Soirée Reconnaissance 2018 pour leur cheminement exemplaire et leur engagement. Ce texte est le dernier d’une série de sept articles présentant les lauréats.
Plus de 6000 personnes travaillant dans le milieu communautaire ont aujourd’hui accès à un régime de retraite, une situation impensable il y a une décennie. Ces personnes doivent une fière chandelle à Lise Gervais (B.T.S., 1978), coordonnatrice générale de l’organisme Relais-femmes, qui a créé le régime en 2008 en collaboration avec le Service aux collectivités de l’UQAM. «Voir que des personnes ayant passé leur vie à améliorer le sort des autres se retrouvent sous le seuil de pauvreté à leur retraite n’avait pas de sens pour moi», affirme la diplômée.
Issue d’un milieu ouvrier, Lise Gervais arrive à l’UQAM au milieu des années 1970 et devient – à l’instar de plusieurs de ses camarades de classe – une étudiante de première génération. «Peu de gens dans ma famille et dans mon quartier fréquentaient l’université, se rappelle-t-elle. Aider les gens et trouver des solutions à des problèmes ont toujours fait partie de mes motivations, alors j’ai choisi le travail social.»
Le baccalauréat développe son ouverture, son esprit critique et son intérêt pour la recherche. «J’ai appris à questionner les évidences, à réinventer les types d’approches et à trouver des alternatives originales aux façons traditionnelles de venir en aide aux populations marginalisées.» Le Québec des années 1970 est marqué par d’importants débats sociaux et l’Université reflète bien cette société en ébullition. «L’UQAM fut une excellente école de la citoyenneté; je me sers encore aujourd’hui des principes démocratiques appris lors des assemblées», dit-elle en riant.
Des impacts sur le terrain
«Le mouvement communautaire était en plein développement à la fin des années 1970, et j’y contribué en développant des groupes et des organisations», raconte-t-elle sur ses premières expériences professionnelles. En effet, dès sa sortie de l’Université, Lise Gervais œuvre en milieu communautaire, dans les secteurs jeunesse, de l’éducation populaire, des groupes de femmes et des personnes ayant des problèmes de santé mentale. Elle a travaillé comme intervenante, formatrice, évaluatrice, accompagnatrice, animatrice et coordonnatrice d’organismes. «Par leur résilience et leur capacité à composer avec une société hostile à leur réalité, les personnes auprès desquelles j’intervenais m’ont beaucoup appris sur la vie.»
Lors de la création du Comité aviseur de l’action communautaire autonome en 1996 (qui porte, depuis 2007, le nom de Réseau québécois de l’action communautaire autonome), Lise Gervais fait partie du comité de chercheurs. Elle participe à la conception et à la diffusion d’une formation sur l’action communautaire autonome.
En 2001, elle devient coordonnatrice générale de Relais-femmes, un organisme féministe de liaison et de transfert de connaissances qui fait de la formation, de la recherche et de la concertation en partenariat avec des universités et des centres de formation. L’organisme a lancé plusieurs projets en collaboration avec le Service aux collectivités (SAC) de l’UQAM – que Lise Gervais qualifie de bijou méconnu –, portant, entre autres, sur les agressions sexuelles, sur les métiers non traditionnels et sur l’accès des femmes en politique. «Ces initiatives de recherche-action ont eu des impacts immédiats sur le terrain, dit-elle. Certaines ont même contribué à faire changer des lois.»
Un legs important
L’un de ces projets aura une importance capitale pour des milliers de travailleurs. En 2004, Relais-femmes, en collaboration avec le Centre de formation populaire et le SAC, décide de s’attaquer à l’absence de régime de retraite en milieu communautaire. «Même avec la pension de la Sécurité de vieillesse, le Régime de rentes du Québec et le Supplément de revenu garanti, les travailleurs du milieu communautaire vivaient sous le seuil de la pauvreté», dit-elle.
Le 1er octobre 2008, le Régime de retraite des groupes communautaires et de femmes voit le jour. Lise Gervais, présidente du comité, peut compter sur le coordonnateur du SAC, Michel Lizée, qui siège sur le comité de retraite du Régime de l’Université du Québec depuis 25 ans. Ce dernier a acquis une expertise dans la gestion du risque afin d’éviter les problèmes de solvabilité. Le Régime de retraite des groupes communautaires et de femmes est un régime à prestations déterminées qui garantit une rente à vie versée dès l’âge de 65 ans. Son originalité tient dans sa flexibilité: chaque groupe communautaire ou de femmes peut choisir le pourcentage de la cotisation patronale et salariale, selon sa situation.
Aujourd’hui, le régime dessert plus de 6600 membres – dont 92 retraités – provenant de 675 groupes différents. Le fonds accumulé avoisine les 60 millions de dollars. «Et ce n’est qu’un début. Nous souhaitons élargir le régime à l’ensemble de 90 000 travailleurs québécois du secteur communautaire.»
Après une carrière de près de 40 ans, Lise Gervais songe elle-même à la retraite. En rétrospective, elle se considère privilégiée d’avoir aidé des milliers de personnes à améliorer leur sort. «J’ai eu une vie professionnelle passionnante. J’ai travaillé avec des gens exceptionnels, autant les populations que j’ai aidées que les hommes et femmes d’exception avec qui j’ai collaborés. Ces rencontres ont été déterminantes dans ma vie.»