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Habitée par la peinture

Les œuvres de Francine Savard, lauréate 2018 du prix Reconnaissance pour la Faculté des arts, figurent dans les collections de plusieurs grands musées canadiens.

Par Claude Gauvreau

24 avril 2018 à 9 h 04

Mis à jour le 7 juin 2022 à 10 h 40

Série Prix Reconnaissance UQAM 2018
Sept diplômés de l’UQAM seront honorés à l’occasion de la Soirée Reconnaissance 2018 pour leur cheminement exemplaire et leur engagement. Ce texte est le premier d’une série de sept articles présentant les lauréats.

L’artiste peintre Francine Savard. Photo: Nathalie St-Pierre

Comment peindre un jaune d’un vert terreux ou un pan orange? Comment trouver une équivalence picturale aux mots? Ce type de questionnements anime, depuis près de 25 ans, le travail de l’artiste peintre Francine Savard (M.A. arts plastiques, 1994).

Représentée par la réputée Galerie René Blouin, à Montréal, la diplômée a exposé une vingtaine de fois en solo et a participé à une soixantaine d’expositions collectives dans différentes villes canadiennes. Ses œuvres figurent dans de nombreuses collections privées et publiques, dont celles du Musée des beaux-arts du Canada, du Musée d’art contemporain de Montréal, du Musée national des beaux-arts du Québec, d’Affaires mondiales Canada et de l’Albright‑Knox Art Gallery de Buffalo.

Francine Savard mène une double carrière d’artiste peintre et de designer graphique, à l’image de sa double formation. «Quand j’ai débuté mes études en design graphique dans les années 1970, j’avais dit à mes parents que je ferais, un jour, de la meilleure peinture, raconte-t-elle en riant. C’est ce qui est arrivé. La peinture est devenue pour moi une manière d’être et de vivre, une forme d’engagement.»

Du design à la peinture

Avant de se tourner vers la peinture, Francine Savard a fait des études en design 2D à l’UQAM et en design graphique au Royal College of Art, à Londres, à la fin des années 1970. Menant une carrière de designer, elle retourne aux études à l’UQAM dans les années 1990, complétant un certificat spécialisé en peinture, suivi d’une maîtrise en arts plastiques.

«J’ai toujours pratiqué le design, mais je sentais qu’il me manquait quelque chose, note la diplômée. Ayant étudié en arts plastiques au cégep, j’ai voulu ré-explorer le monde de la peinture en suivant des cours de certificat, puis de maîtrise. Et chaque fois, l’UQAM représentait un choix non négociable.»

Faire de la peinture dans les années 1990, ce n’était pas toujours bien vu, souligne Francine Savard. «J’ai traversé une sorte de crise, me demandant s’il ne valait pas mieux faire autre chose, de la vidéo ou de la photo, ou continuer d’exercer le métier de designer et abandonner la peinture. Mais j’ai persévéré, parce que le désir de peindre était profondément ancré en moi.»

Pour son mémoire-création «Chant du texte et champ du tableau: de la photo à la peinture, poétique du texte et poétique du tableau», la diplômée obtient le prix Marcel-Aimé-Gagnon, accordé par la Fondation de l’UQAM au meilleur mémoire de maîtrise ou à la meilleure thèse de doctorat dans le secteur des arts, des lettres et des communications. Sa carrière d’artiste peintre démarre au lendemain de ses études de maîtrise. «À partir de ce moment, je n’ai plus eu de doute sur ce que je devais faire», confie-t-elle.

Explorer le vocabulaire formel

Francine Savard appartient à une génération de peintres québécois qui explorent le vocabulaire formel de la peinture abstraite et questionnent les frontières entre abstraction et figuration, entre peinture et sculpture, entre art et langage. Sous forme de tableaux monochromes, ses œuvres communiquent leur sens par une mise en relation minutieuse de la couleur, du texte, de la forme et de l’espace.

Des critiques d’art ont dit que ses productions évoquaient, à certains égards, celles des peintres plasticiens québécois, tels que Guido Molinari, Fernand Leduc et Claude Tousignant. «Au début de ma carrière, j’étais incapable de le reconnaître, dit la diplômée. Je me suis rendu compte que je ne pouvais pas renier cet héritage. En tant qu’artiste, j’ai grandi entourée de leurs œuvres. Certains d’entre eux ont même fréquenté mes expositions. Sans être une disciple, je pense que mon travail s’inscrit en partie dans la lignée des plasticiens.»

La peinture comme sujet

Francine Savard explore non seulement le médium de la peinture, mais en fait aussi le sujet de son œuvre. On y trouve de nombreuses références à l’histoire de l’art et aux écrits sur l’art. «Durant mes études de maîtrise, j’entendais parler de l’histoire de la peinture, et je me trouvais ignorante. J’ai donc passé beaucoup de temps à la bibliothèque qui, pour moi, tenait presque lieu d’atelier, afin de parfaire mes connaissances.»

Aujourd’hui, chaque nouveau projet constitue une leçon de peinture. «J’apprends en même temps que je crée. J’apprends ce que fait la peinture. En m’inspirant d’un paysage ou d’un texte littéraire, je réfléchis, par exemple, sur la lumière ou sur la couleur.»

Les tableaux de l’artiste comportent aussi des références à d’autres disciplines: design, sculpture et, surtout, littérature. «Je me lève le matin avec des mots en tête. Quand je lis, j’ai des fulgurances. À la lecture de certains textes, de certaines phrases, des formes plastiques s’ouvrent devant moi.»

Deux étapes marquantes 

Son parcours a été marqué par deux importantes rétrospectives: celle de 2009, au Musée d’art contemporain de Montréal (MAC), intitulée simplement Francine Savard, et Multi noirs 1997-2014, présentée à la Fondation Guido Molinari, en 2015. L’exposition au MAC proposait une soixantaine d’œuvres réalisées entre 1992 et 2009. «Cela a permis de jeter un éclairage sur la cohérence de mon travail», observe la diplômée.

Le thème de la seconde rétrospective s’inspire du titre d’une œuvre de Guido Molinari, Multi-blancs (1958). C’est aussi une sorte d’hommage à une couleur, le noir, qui a nourri le travail de plusieurs peintres. On y trouve, notamment, l’œuvre Multi-noir 2014, qui reprend, en noir et blanc, le plan des rues et des maisons du quartier de la Fondation où Molinari habitait.

Francine Savard expose présentement à la Galerie René Blouin, jusqu’au 26 mai prochain. «C’est un travail sur la lumière, jumelé à un coup de foudre pour le roman Infinite Jest, de l’auteur américain David Foster Wallace, qui contient plein d’énoncés sur les couleurs. En réfléchissant à un tableau monochrome sur lequel je voulais écrire le mot “ensoleillé”, je me suis demandé quelle pourrait être la couleur de la lumière du soleil.»

L’UQAM remettra ses prix Reconnaissance lors d’une soirée qui aura lieu le 14 juin prochain au nouvel Édifice Wilder, au cœur du Quartier des spectacles.