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Inventeur du KIN-BALL

Le diplômé Mario Demers a créé un sport coopératif pratiqué par des millions de personnes à travers le monde.

Par Jean-François Ducharme

12 juin 2018 à 17 h 06

Mis à jour le 19 juin 2018 à 9 h 06

Série Tête-à-tête
Rencontre avec des diplômés inspirants, des leaders dans leur domaine, des innovateurs, des passionnés qui veulent rendre le monde meilleur.​

Mario Demers.Photo: Nathalie St-Pierre

Mario Demers (B.Sc. enseignement en activité physique, 1984) n’a jamais douté de la popularité du KIN-BALL, un sport qu’il a inventé au milieu des années 1980. «J’étais convaincu que le KIN-BALL serait, un jour, pratiqué dans le monde entier», affirme le président directeur général de OMNIKIN, une entreprise qu’il a fondée en 1985 et qui offre des activités et des produits récréatifs novateurs (le sport KIN-BALL est une marque déposée par OMNIKIN).

La Fédération internationale de KIN-BALL recense aujourd’hui plus de quatre millions de joueurs de tout âge provenant d’une trentaine de pays. Depuis 18 mois, le sport a été implanté dans une dizaine de nouveaux pays, principalement en Asie et en Amérique du Sud. Le ministère de l’Éducation de la Corée du Sud a reconnu le KIN-BALL comme sport scolaire l’an dernier, ouvrant les portes de plus de 15 000 écoles sud-coréennes. «Nous avons présentement des discussions avec la Chine, qui compte plus d’un million d’écoles!», souligne Mario Demers.

Le KIN-BALL oppose trois équipes de quatre joueurs: l’équipe bleue, l’équipe grise et l’équipe noire. Celle qui détient le gros ballon – qui fait 1,22 m de diamètre et pèse moins de 1 kilogramme – doit confronter l’une des deux équipes adverses, en l’appelant par sa couleur, et doit frapper le ballon à un endroit stratégique sur le terrain. Les membres de l’équipe en défensive doivent alors éviter que le ballon touche le sol en utilisant n’importe quelle partie de leur corps. S’ils n’y parviennent pas, un point est accordé aux deux autres équipes. L’argumentation avec les arbitres est proscrite, ce qui limite les temps morts.

Des sports réservés à l’élite

Si l’activité physique a toujours occupé une place importante dans la vie de Mario Demers, l’aspect ultra-compétitif de certains sports lui répugne. «Je me souviens d’un tournoi de hockey de niveau pee-wee, où mes coéquipiers avaient perdu le goût de jouer parce que nous perdions 12 à 0, dit-il. Au baseball, j’avais brisé mes lunettes en recevant une balle en plein visage, et les spectateurs se moquaient de moi. Ces deux événements ne me donnaient pas une belle image des valeurs que j’associe au sport.»

La dimension compétitive des sports traditionnels n’est pas étrangère au problème de sédentarité des jeunes observé un peu partout dans le monde, pense l’éducateur physique. «Au soccer ou au hockey, un jeune moins doué que les autres a de fortes chances de ne jamais recevoir de passes de ses coéquipiers, dit-il. Plusieurs sports sont malheureusement réservés à une certaine élite, et les exclus se retrouvent sur le banc.»

Une vision créative

Durant ses études à l’UQAM dans les années 1980, Mario Demers était moniteur d’activités à la piscine du pavillon Latourelle, le pavillon des sports de l’Université à l’époque. Il inventa un jeu de water-polo coopératif, où chaque joueur de l’équipe devait toucher au ballon avant que l’équipe puisse marquer un point. «Ce jeu a connu un grand succès, se rappelle-t-il. Les gens venaient en grand nombre, même durant les soirs d’hiver où l’on remarque habituellement une baisse importante de fréquentation. Ce sport issu de mon imagination est un peu l’ancêtre du KIN-BALL.»

Après son baccalauréat, Mario Demers retourne enseigner à Québec, sa ville natale. Le jeune éducateur physique est toujours à la recherche d’idées pour de nouveaux jeux dans ses classes. Alors qu’il assiste au Festival d’été de Québec, il aperçoit un immense ballon, qui deviendra sa source d’inspiration. «J’ai eu une vision de joueurs qui lançaient cette immense balle devant 15 000 spectateurs au Colisée de Québec. J’étais tellement convaincu de l’intérêt potentiel de ce jeu que j’en ai inventé les règlements en moins de trois jours.»

Chaque année, des employés de l’UQAM jouent au KIN-BALL dans le cadre du Défi énergie.Photo: Nathalie St-Pierre (archives)

Le plaisir du KIN-BALL, lequel favorise la coopération et l’esprit d’équipe, réside dans l’utilisation de différentes tactiques pour tenter de déjouer les équipes adverses. «La réglementation permet aux joueurs habiles d’être très bons et aux joueurs moins doués de tirer leur épingle du jeu, observe l’éducateur physique. Certains enseignants m’ont dit que le KIN-BALL leur avait fait découvrir des habiletés sportives insoupçonnées chez certains élèves.»

Un développement rapide

Dès la fin des années 1980, le KIN-BALL se pratique dans plusieurs écoles du Québec, de l’Ontario et des États-Unis. «Les éducateurs physiques qui avaient intégré le sport en parlaient à leurs collègues, qui à leur tour en parlaient à leur direction d’école», note Mario Demers. En 1992, la Fédération québécoise de KIN-BALL est créée. Elle sera suivie de fédérations en France, en Suisse, en Belgique, en Espagne et au Japon dans les années 2000.

Le sport accomplit sa mission première: faire bouger les jeunes. «Une étude de l’Université de l’Alabama a démontré que les joueurs de KIN-BALL étaient en mouvement durant 73 % du temps de jeu, beaucoup plus que dans la plupart des sports.» Il a aussi plusieurs effets bénéfiques insoupçonnés. «Des problèmes de taxage en Norvège et des différends religieux en Malaisie ont été résolus grâce à ce sport.» Selon Mario Demers, la dynamique à trois équipes réduit l’agressivité et les tensions. «Il n’y a jamais de confrontation directe; si tu attaques toujours la même équipe, tu donnes des points à l’autre équipe. Un équilibre et une certaine harmonie se créent même entre équipes adverses.» 

Aujourd’hui, le KIN-BALL représente 40 % du chiffre d’affaires de OMNIKIN. «L’autre 60 % provient de divers concepts de jeu et de ballons plus légers et plus faciles à manipuler, lesquels facilitent l’apprentissage de différents sports.»

Vers les Jeux olympiques?

Le prochain objectif de Mario Demers est de créer une ligue semi-professionnelle canadienne de KIN-BALL. «Les matchs seraient télédiffusés, ce qui permettrait un rayonnement à plus grande échelle.»

Son rêve est que ce sport devienne un jour une discipline officielle aux Jeux olympiques. «Il faudrait compter une cinquantaine de fédérations à travers le monde, et nous en sommes environ au tiers. Considérant le développement rapide des dernières années, je suis convaincu que c’est une question de temps. Si la plupart des sports olympiques ont été inventés il y a plus de 100 ans, je peux être fier du chemin parcouru en 30 ans.»