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Syndrome CHARGE: découvertes majeures

Le diagnostic d’un ensemble de graves anomalies congénitales sera amélioré grâce aux travaux de l’équipe de Nicolas Pilon.

9 janvier 2018 à 15 h 01

Mis à jour le 9 janvier 2018 à 15 h 01

Une souris porteuse de la mutation du gène Fam172a, mais ne montrant aucun signe du syndrome CHARGE.Photo: Catherine Bélanger

L’équipe de Nicolas Pilon, professeur au Département des sciences biologiques et titulaire de la Chaire de recherche UQAM sur les maladies génétiques rares, vient de faire des découvertes qui favoriseront le diagnostic précoce du syndrome CHARGE, un ensemble de graves anomalies congénitales qui touche environ 1 nouveau-né sur 10 000. Ces découvertes, qui permettent d’envisager pour la première fois une thérapie, ont principalement été réalisées par la doctorante en biochimie Catherine Bélanger et le postdoctorant Félix-Antoine Bérubé-Simard. Elles font l’objet d’un article paru cette semaine dans la prestigieuse revue scientifique Proceedings of the National Academy of Sciences.

Traditionnellement diagnostiqué en présence des anomalies qui lui ont donné son nom (en anglais : Coloboma of the eye, Heart problems, Atresia of the choanae, Retarded growth and development, Genital anomalies, et Ear abnormalities), le syndrome CHARGE se caractérise par des problèmes de cécité, des malformations cardiaques, un retard de croissance et/ou mental, des anomalies génitales et au niveau des oreilles. Il est désormais considéré comme étant sous-diagnostiqué. «Le diagnostic ne dépend pas de la présence de toutes les caractéristiques et la présence d’autres défauts comme des difficultés de déglutition ou des malformations cranio-faciales est aussi considérée comme un indice, ce qui complique le dépistage», souligne Nicolas Pilon.

La survie – 30 % des enfants atteints décèdent avant l’âge de 5 ans – et la qualité de vie des patients CHARGE sont tributaires d’un diagnostic précoce, qui permet d’éviter que certaines anomalies demeurent non traitées. «Un diagnostic émis rapidement réduit le niveau de stress des parents d’enfants CHARGE, qui peuvent autrement passer plusieurs mois, voire même des années, avant de savoir de quoi leur enfant est atteint, note le chercheur. Malheureusement, le diagnostic est souvent difficile à établir, non seulement à cause du grand nombre d’anomalies devant être considérées, mais aussi parce que les gènes associés à cette condition ne sont pas tous connus.»

Comme pour beaucoup de maladies rares, il n’y a présentement aucune possibilité de guérison pour le syndrome CHARGE. Les options thérapeutiques disponibles sont, en effet, restreintes au traitement des anomalies les plus sévères afin de favoriser la survie de l’enfant atteint. Ceci inclut plusieurs opérations correctrices, notamment au niveau du cœur et du tractus gastro-intestinal. Les enfants qui survivent devront ensuite consulter une panoplie de spécialistes pour leur permettre de composer avec de nombreux handicaps comme la surdité, la cécité et la déficience intellectuelle. Les enfants atteints feront ainsi l’objet d’un suivi médical pratiquement constant pour le reste de leur vie.

Avant l’étude réalisée par l’équipe du professeur Pilon, la seule cause génétique répertoriée du syndrome CHARGE était la mutation du gène CHD7, qui serait à l’origine d’un peu plus de la moitié des cas. «Grâce à nos travaux, on sait maintenant qu’une mutation du gène FAM172A peut aussi causer le syndrome CHARGE», annonce Nicolas Pilon. D’abord identifié à l’aide d’un criblage génétique chez la souris, le nouveau gène responsable a ensuite été détecté par l’analyse d’ADN chez des patients CHARGE sans mutation de CHD7, validant ainsi la découverte.

La caractérisation de modèles de souris et de cellules de patients CHARGE a révélé un mécanisme moléculaire auparavant insoupçonné, qui serait impliqué dans la pathologie, et ce peu importe la mutation en cause (CHD7, FAM172A ou inconnue). Ce mécanisme, appelé épissage alternatif, permet de contrôler quelle partie des gènes est utilisée pour générer des protéines, explique Nicolas Pilon. Cette découverte majeure a permis à son équipe de tester à des fins thérapeutiques une molécule, appelée rapamycin, connue pour affecter l’épissage alternatif. «Nos analyses montrent de manière remarquable que celle-ci peut corriger les problèmes d’épissage alternatif dans les cellules de patients CHARGE et même empêcher partiellement l’apparition de malformations oculaires dans les modèles de souris. Nous croyons que cette découverte aura un grand impact dans le domaine des maladies rares», conclut le chercheur.