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Diplômée d’Oxford

L’Uqamienne Léticia Villeneuve a soutenu avec succès sa thèse de doctorat à la prestigieuse université britannique.

Par Claude Gauvreau

19 avril 2018 à 11 h 04

Mis à jour le 7 juin 2022 à 10 h 40

Léticia Villeneuve à Oxford, en tenue académique officielle (subfusc), le jour où elle a soutenu sa thèse de doctoat en février dernier.

Les étudiants québécois qui ont obtenu un diplôme de la célèbre Université d’Oxford, en Angleterre, forment une sorte de groupe sélect. Léticia Villeneuve, diplômée du baccalauréat en relations internationales et droit international (BRIDI), en fait désormais partie. En février dernier, elle a soutenu avec succès sa thèse de doctorat en relations internationales à Oxford – sans corrections! –, après y avoir complété une maîtrise. Elle travaille maintenant à la Division de la politique commerciale internationale du ministère des Finances du Canada.

Son aventure oxfordienne a débuté en 2011. Cette année-là, Léticia Villeneuve termine ses études de baccalauréat à l’UQAM. Âgée alors de 23 ans, elle obtient une bourse de la Fondation Rhodes, l’une des plus anciennes et des plus prestigieuses bourses de recherche universitaires au monde. «En lisant le descriptif du concours de bourses, je m’étais dit que je n’avais aucune chance, confie la diplômée. Mais des professeurs de l’UQAM m’ont encouragé à soumettre ma candidature. C’est le cas d’Hugo Cyr, l’actuel doyen de la Faculté de science politique et de droit, dont j’étais l’assistante de recherche en droit constitutionnel. Il a insisté pour que j’entreprenne des démarches et n’a cessé de me soutenir. Moi, j’y croyais à moitié.»

Les bourses Rhodes, rappelons-le, sont attribuées aux étudiants les plus méritants en provenance de pays du Commonwealth et de quelques autres États désignés, qui souhaitent poursuivre des études de cycles supérieurs à Oxford. Outre l’excellence du dossier académique, la détermination, l’esprit d’initiative et des qualités de meneur sont des conditions préalables à l’obtention des bourses. D’une valeur d’au moins 100 000 dollars (pour deux ans), celles-ci couvrent les frais de scolarité et de subsistance. Chaque année, 11 bourses Rhodes sont offertes à travers le Canada, dont 2 seulement au Québec.

Fascinée par les relations internationales

Léticia Villeneuve  a commencé à développer un intérêt pour les relations et la politique internationales, ainsi que pour les langues (elle s’exprime couramment en anglais, espagnol et mandarin), à l’époque de ses études au cégep. «J’ai toujours été fascinée par la façon dont les différentes sociétés humaines étaient organisées et par leurs relations.» À son arrivée à l’UQAM, elle s’inscrit d’abord en communication, pour ensuite s’orienter en études internationales. À la fin de son bac, elle souhaite poursuivre des études de maîtrise à l’étranger, en anglais de préférence. «J’ai regardé du côté de l’Angleterre, un pays qui offrait une approche des relations internationales et un environnement d’études différents de ceux des États-Unis.»

Dans le cadre de sa recherche doctorale, la diplômée  s’est penchée sur le processus de décision conduisant les États à adhérer ou non à des instruments juridico-politiques non contraignants. «Les déclarations de l’ONU, par exemple, peuvent avoir des effets sur le droit interne et même international, mais elles ne sont pas exécutoires et les États n’ont pas à les signer ou à les ratifier», explique-t-elle. Léticia Villeneuve  s’est intéressée plus particulièrement à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, en 2007. «Le Canada, les États-Unis, l’Australie et la Nouvelle-Zélande avaient refusé d’adhérer à la déclaration. C’était la première fois qu’autant d’États disaient non à une déclaration de l’ONU en matière de protection des droits humains. En 2011, le Canada est revenu sur sa décision et a donné son appui.»

La diplômée  tient à souligner que l’approche multidisciplinaire privilégiée par le programme du BRIDI l’a beaucoup inspirée tout au long de son parcours à Oxford. «Le fait de pouvoir conjuguer à l’UQAM des expertises complémentaires – droit et science politique –  constitue une richesse», observe–t-elle. 

Un endroit magique

Léticia Villeneuve en octobre 2017, alors qu’elle déposait sa thèse de doctorat à Oxford.

Le séjour de Léticia Villeneuve  à Oxford a duré six ans, incluant une année en Australie pour les besoins de sa thèse. «Oxford est un endroit magique, dit-elle. On a l’impression de figurer dans les décors des films d’Harry Potter. Plusieurs bâtiments de l’université et du centre-ville ont des airs de château, sans compter les nombreux pubs et cafés dont les origines remontent au 13e siècle. On a un peu le sentiment d’être dans une bulle, à l’extérieur du monde, et de faire partie, en même temps, d’une plaque tournante. Tous les grands acteurs politiques s’arrêtent régulièrement à Oxford, située à 80 km de Londres, pour assister à des conférences et à des causeries avec des chercheurs de haut calibre.»

Entre l’UQAM, l’une des plus jeunes universités au Canada, et Oxford, la plus vieille université de Grande-Bretagne, les contrastes sont frappants. «À Oxford, décorum et rituels, dont certains sont liés à la proverbiale politesse britannique, imprègnent la vie quotidienne», note la diplômée. Ainsi, pour passer leurs examens, les étudiants doivent porter le subfusc, la tenue académique officielle: blouse blanche, jupe ou pantalon noir, toge et ruban noir au cou pour les femmes; chemise blanche, pantalon noir, toge et nœud papillon blanc pour les hommes.

Léticia Villeneuve  a dû aussi s’adapter à la pédagogie oxfordienne. L’accent est mis sur le développement d’un argumentaire critique et créatif. «On écrit constamment des essais qui ne sont pas évalués formellement, mais que l’on doit plutôt défendre auprès de superviseurs et de collègues.» La rapidité d’exécution est valorisée, comme en témoignent les exigences de rédaction hebdomadaires et les examens, où un essai doit être bouclé en une heure. 

Dans une université d’élite comme Oxford, on pourrait croire qu’une forte compétition règne entre les étudiants. «Certes, tout le monde vit le stress de la performance, mais je n’ai pas senti un climat de rivalité entre les étudiants, souligne la diplômée. Les étudiants se sentent privilégiés d’être à Oxford et mettent eux-mêmes la barre très haute.»

Au fil des ans, Léticia Villeneuve a noué des liens d’amitié avec d’autres étudiants. «Je faisais partie d’une cohorte de 11 boursiers canadiens. Avant de partir pour l’Angleterre, nous avions passé tout un week-end ensemble, à Ottawa, histoire de mieux se connaître. Aujourd’hui, ils font partie de mes amis les plus proches.»

Leader en politique

L’an dernier, alors qu’elle terminait son doctorat, la diplômée a soumis une demande, qui fut acceptée, au Programme fédéral de recrutement de leaders en politiques. Celui-ci est destiné à des diplômés d’une université reconnue ayant un dossier universitaire remarquable – appuyé par des bourses d’études, des distinctions ou des prix prestigieux – et possédant une expérience pertinente en matière de politiques. Puis, elle a rapidement obtenu un emploi au ministère des Finances, à Ottawa. «Pendant mes études à Oxford, dit-elle, j’avais en tête de travailler un jour dans les officines gouvernementales, pour voir comment la machine fonctionne de l’intérieur.»

Son rôle au ministère en est un d’analyste politique au sein d’une équipe spécialisée, appelée Trade Group. «Nous nous intéressons aux recours dont dispose le Canada afin de s’assurer qu’il n’y ait pas de concurrence déloyale dans les échanges commerciaux, explique Léticia Villeneuve. Nous suivons de près les négociations en matière d’accords commerciaux et de libre-échange, dans lesquelles le Canada est engagé. C’est un travail d’équipe qui exige des analyses et des prises de décision rapides.»

Parvenue au terme de son parcours universitaire, la diplômée se sent bien outillée, mais se pose encore beaucoup de questions auxquelles il n’y a pas de réponse simple. «En politique internationale, rien n’est tout blanc ou tout noir, dit-elle. Cela procure une bonne dose d’humilité face à la complexité du monde dans lequel on vit.»

De 2011 à 2013, Léticia Villeneuve a relaté son parcours d’étudiante à la maîtrise à Oxford, dans le cadre d’une série d’articles parus dans Actualités UQAM.