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En vacances à Montréal!

La métropole a le vent dans les voiles et les touristes affluent.

Par Pierre-Etienne Caza

24 mai 2018 à 9 h 05

Mis à jour le 24 mai 2018 à 9 h 05

Illustration: Amélie Tourangeau

Les vacances estivales approchent à grands pas et Montréal s’apprête à accueillir son lot de touristes. La métropole devrait en recevoir plus de 11,6 millions en 2018, une hausse de 4 % par rapport à 2017, une année record marquée par les célébrations de son 375e anniversaire. «Nous sommes désormais une destination internationale. Les gens savent que le plaisir, la gastronomie et la diversité culturelle, c’est à Montréal que ça se passe!», s’exclame Yves Lalumière (B.A.A. gestion et intervention touristiques, 1984), président-directeur général de Tourisme Montréal.

On estime que les dépenses touristiques s’élèveront cette année à 4,3 milliards de dollars à Montréal. Tous les indicateurs – parmi lesquels les arrivées aux frontières du Québec, le trafic de passagers à l’aéroport de Montréal,  les statistiques hôtelières et la fréquentation des attraits touristiques – devraient être en hausse par rapport à l’année dernière. L’écosystème touristique montréalais s’adapte constamment aux besoins de ces touristes urbains, qui proviennent principalement des États-Unis, de la France, de la Chine, du Royaume-Uni et du Mexique (sans oublier les visiteurs canadiens et les excursionnistes québécois).

L’accueil montréalais

«Montréal n’est pas la ville la plus grande, ni la plus belle, ni celle qui offre le plus grand nombre d’attraits, fait remarquer Paul Arseneault, professeur au Département de marketing et cotitulaire de la Chaire de tourisme Transat. Mais notre accueil fonctionne et les touristes tombent sous le charme.» La proverbiale convivialité québécoise n’est pas un cliché éculé, renchérit Yves Lalumière. «Nous n’avons pas un aquarium et une équipe de baseball comme Toronto, mais nous proposons des connexions émotionnelles, vivantes et un accueil chaleureux imbattable. Quand un touriste a une carte dans les mains à Montréal, il y a rapidement quelqu’un pour l’aider. Ce n’est pas le cas à Pittsburgh, à San Diego ou à Miami, je vous le garantis!»

«Quand un touriste a une carte dans les mains à Montréal, il y a rapidement quelqu’un pour l’aider. Ce n’est pas le cas à Pittsburgh, à San Diego ou à Miami, je vous le garantis!»

Yves Lalumière

Président-directeur général de Tourisme Montréal

Cette convivialité est affichée en première ligne par les acteurs de l’industrie touristique. «Nos employés sont notre plus grande ressource, surtout aux portes d’entrées comme les aéroports, la gare maritime et la gare centrale, soutient Yves Lalumière. Le premier contact avec le touriste est primordial.» Les plus petites attentions comptent: l’été dernier, le patron de Tourisme Montréal a demandé à quelques-uns de ses employés d’aller distribuer des imperméables-ponchos dans les secteurs touristiques de la ville lors des jours de pluie. «Les visiteurs étaient ravis», raconte-t-il fièrement.

Les grandes villes servent désormais de points d’entrée pour promouvoir l’ensemble des destinations touristiques d’un pays, affirme Martin Soucy (M.B.A. gestion du tourisme international et des services d’accueil, 2010), président de l’Alliance de l’industrie touristique du Québec, qui a pour mandat la commercialisation et la promotion du Québec à l’international. «Montréal et Québec, précise-t-il, sont deux “marques” fortes et complémentaires qui génèrent la moitié de l’activité économique touristique de la province.»

L’image du touriste attiré par les grands espaces québécois mérite donc d’être nuancée, estime Paul Arseneault. «À l’échelle planétaire, entre 80 et 85 % des déplacements touristiques s’effectuent dans les milieux urbanisés, rappelle-t-il. Que ce soit pour du tourisme d’affaires ou d’agrément, les visiteurs étrangers atterrissent à l’aéroport de Montréal. Et un peu plus de 50 % d’entre eux consacrent les deux tiers des nuitées et des dépenses de leur séjour en sol québécois à Montréal.»

Les retombées du 375e

Du point de vue touristique, les festivités du 375e anniversaire de Montréal ont été une réussite sur toute la ligne. «Les gens de Tourisme Montréal ont réussi à mettre la ville sur tous les palmarès de destinations à visiter, ils ont convaincu les organisateurs de congrès internationaux de venir à Montréal et ils ont obtenu une visibilité médiatique sans précédent. Tous ces efforts continueront de payer au cours des prochaines années», se réjouit Ève Paré (B.Sc. sciences économiques, 1999; M.Sc. économique, 2001), présidente de l’Association des hôtels du Grand Montréal, qui représente 85 établissements totalisant près de 20 000 chambres. «Nous n’avons pas refait entièrement le visage de Montréal avec le 375e, mais ce qui demeurera, comme le recouvrement de l’autoroute Ville-Marie, les rénovations majeures au parc Jean-Drapeau et le nouveau terminal de croisière de la gare maritime, est très intéressant», ajoute Paul Arseneault.

Marketing numérique hyper-individualisé

Pour rejoindre les futurs visiteurs, finis les cartes et les guides papier: le marketing touristique est désormais numérique. Il y a quelques années, dans le cadre des tendances qu’il dévoile annuellement en collaboration avec Tourisme Montréal, le professeur Arseneault avait prédit une désintermédiation: il croyait que les entreprises touristiques allaient vendre de plus en plus leurs produits directement aux consommateurs. «Mea culpa, car il n’en est rien, concède le principal intéressé. On voit au contraire de plus en plus d’intermédiaires qui conçoivent des applications numériques touristiques.» Et on assiste à une hyper-individualisation du marketing. «Chaque voyageur devient un segment de marché unique et il faut savoir lui parler directement en fonction de ses intérêts», reconnaît Martin Soucy. 

La planification des vacances s’effectue désormais sur le web. Un voyageur qui planifie son prochain séjour a, en moyenne, 900 interactions numériques, fait remarquer Martin Soucy. Ce décompte inclut toutes les recherches effectuées des mois, voire des années à l’avance.

«Chaque voyageur devient un segment de marché unique et il faut savoir lui parler directement en fonction de ses intérêts.»

Martin Soucy

Président de l’Alliance de l’industrie touristique du Québec

Dans ce nouvel écosystème numérique, dominé par TripAdvisor et Booking.com, les avis des voyageurs sont déterminants. «En hôtellerie, nous avons été parmi les premiers à devoir composer avec cette nouvelle réalité, se rappelle Ève Paré. Cela nous a incités à améliorer encore davantage la communication avec notre clientèle.»

Les récits de voyage, jadis cantonnés à la sphère privée, sont aujourd’hui étalés, photos à l’appui, sur une multitude de réseaux sociaux. Tourisme Montréal estime qu’un peu plus de la moitié des touristes choisissent leur destination de vacances par le bouche à oreille sur les médias sociaux. «Les touristes sont nos meilleurs ambassadeurs et nous tâchons d’intégrer davantage leurs contenus dans nos plateformes», note pour sa part Martin Soucy.

Toutes ces traces – ces mégadonnées – que nous disséminons sur le Web constituent une mine d’or pour les intermédiaires. «Le nouveau défi, pour les entreprises, c’est d’apparaître sur le radar de tous ces nouveaux algorithmes ultra puissants», soutient Paul Arseneault.

Tourisme immersif

Hutch Parker, l’un des réalisateurs des films de la franchise X Men, revient systématiquement tourner à Montréal, raconte Yves Lalumière. «Il trouve que Montréal est la plus formidable des petites métropoles dans le monde. Il ne s’y considère pas comme un touriste, mais comme un résident quand il est de passage.»

Ce sont les Scandinaves qui ont parti le bal du tourisme immersif il y a quelques années. Aujourd’hui, les blogues de voyageurs regorgent d’anecdotes vantant des séjours «hors des sentiers battus», à la recherche d’expériences authentiques loin des quartiers touristiques. Se fondre parmi les habitants du lieu visité est le nouvel impératif. Il ne faut surtout pas être démasqué pour ce que l’on est: un touriste! Le patron de Tourisme Montréal parle de résidents temporels. «Ils sentent qu’ils font partie de l’écosystème et cela ajoute à leur plaisir d’être en ville», explique-t-il.

Se fondre parmi les habitants du lieu visité est le nouvel impératif. Il ne faut surtout pas être démasqué pour ce que l’on est: un touriste! 

Paul Arsenault ne cache pas son scepticisme. Il comprend que les voyageurs dénichent des recommandations sur les forums de résidents plutôt que sur les sites officiels et qu’ils souhaitent résider dans des quartiers moins touristiques. «Mais il ne faut pas se raconter d’histoire, dit-il. Je ne deviens pas Romain pendant une semaine parce que je suis de passage à Rome, et cela ne me donne pas le droit de revendiquer une connaissance et une maîtrise de la culture.»

Le tourisme immersif est facilité par la plateforme Airbnb, qui permet de louer appartements et maisons à des particuliers, même dans des quartiers excentrés. «Cela attire des touristes qui ne seraient peut-être pas venus autrement», note Yves Lalumière. Ces touristes dépensent une partie de leur argent dans des quartiers moins touristiques, comme on le voit à Montréal sur le Plateau-Mont-Royal et dans le quartier Rosemont, où Airbnb est très populaire. Yves Lalumière confirme la volonté de donner une image de marque à certains quartiers spécifiques de Montréal, comme le Mile-End, en ébullition depuis quelques années.

Contrairement à ce que l’on entend souvent, les quelques 11 000 affichages montréalais sur Airbnb ne nuisent pas aux hôtels, affirme Ève Paré. «Pour la période de juin à août 2017, le taux d’occupation des hôtels a atteint 88,6 %, observe-t-elle. Les revenus d’hébergement ont crû de 17,3 % par rapport à la même période en 2016.»

La manne asiatique

Même son de cloche du côté d’Aéroports de Montréal. «En juin et juillet derniers, le trafic international était en hausse de 15,6 % par rapport à la même période l’année précédente», souligne Stéphanie Lepage (B.A.A. gestion du tourisme et de l’hôtellerie, 2000), directrice adjointe, relations publiques et publicité.*

La métropole tente de se positionner afin d’attirer la classe moyenne asiatique, qui verra sa taille multipliée par six d’ici 2030, selon les prévisions. La concurrence mondiale est féroce. Le nerf de la guerre: les liaisons directes par avion. Une douzaine de vols par semaine relient désormais Beijing ou Shanghai à Montréal et une nouvelle liaison Tokyo-Montréal débutera en juin prochain. «Nous sommes passés de 30 destinations internationales en 2004 à 87 l’année dernière, précise Stéphanie Lepage. Depuis 2015, Montréal possède de nouvelles liaisons avec Shanghai, Beijing, Panama, Alger, Reykjavik, Istanbul et Doha. Et depuis l’année dernière se sont ajoutées Tel Aviv, Alger, Lima et Tokyo.»

Trop de touristes?

Si les étrangers sont de plus en plus visibles dans les rues de la métropole, Montréal n’est pas Barcelone, où les résidents se plaignent du trop grand nombre de visiteurs et où la mairesse souhaite mettre un holà à la croissance touristique. Nouvellement établie comme destination internationale, Montréal possède un potentiel de croissance touristique qui est loin d’être atteint, estiment les spécialistes. «Je me réjouis, car il y a d’autres projets hôteliers et d’autres sites récréotouristiques à venir», souligne Yves Lalumière.

Martin Soucy est, lui aussi, résolument optimiste. «Je crois que les visiteurs étrangers réalisent que l’on ne peut pas tout voir en une seule visite. Plusieurs d’entre eux reviendront assurément et nous serons là pour les accueillir!»

* Stéphanie Lepage était à l’emploi d’Aéroports de Montréal au moment de l’entrevue qu’elle a accordée à Actualités UQAM.