Depuis 2016, Jules Guéguen (B.Sc. intervention en activité physique, 2012) est préparateur physique adjoint à l’Académie de l’Impact de Montréal (dirigée par le diplômé Philippe Eullafroy (Ph.D. sciences de l’environnement, 98). L’Académie forme de jeunes joueurs de soccer dès l’âge de 12 ans pour qu’ils atteignent le niveau professionnel, en leur offrant un programme sport-études qui leur permet de s’entrainer tous les après-midis de la semaine. L’Impact de Montréal est le premier club professionnel de la ligue MLS et de l’Amérique du Nord à proposer un tel programme, inspiré des clubs de soccer européens. Développement physique, tactique, endurance, force: Jules Guéguen et son collègue Benoit Deplagne, préparateur physique en chef, travaillent de près avec les entraîneurs des équipes juniors (U13, U14, U16 et U18) portant les couleurs de l’Impact de Montréal. Présents durant les entraînements, lors des échauffements et des matchs, les préparateurs physiques font maintenant partie du personnel régulier de presque tous les clubs sportifs professionnels.
Quelle est la plus grande qualité pour être heureux dans votre domaine?
La curiosité intellectuelle. Dans le domaine de la préparation physique, les tendances changent rapidement et il faut toujours se tenir au fait des dernières avancées scientifiques en la matière. Il n’y a rien de mal à tester de nouvelles méthodes auprès des joueurs, mais il faut apprendre à développer sa propre vision et ne pas toujours suivre le dernier courant de pensée… On doit pouvoir prendre du recul et conserver son sens critique.
Votre plus grande réussite?
Ma maîtrise en sciences du sport axée sur la psychologie sportive réalisée à l’Université de Lund, en Suède, de 2012 à 2014. J’ai toujours été quelqu’un de créatif, qui a beaucoup d’idées, mais je n’avais pas nécessairement de méthodologie et de structure. La maîtrise m’a permis de structurer et d’organiser mes idées, de développer mes arguments, ce qui me sert tous les jours dans mon travail.
Un faux pas qui vous a servi de leçon?
Appliquer les recherches scientifiques à un environnement sans prendre en considération le milieu. Nous avons décidé un jour d’implanter une nouvelle technique auprès de nos joueurs sans avoir pris en compte le fait que nous entraînions des élèves qui ont des horaires spécifiques de cours et de pratique. Le résultat a été catastrophique!
La dernière tendance dans votre secteur?
La périodisation tactique, une méthode d’entraînement sophistiquée et globale mise au point par Victor Frade, professeur des sciences du sport de l’Université de Porto, au Portugal, associant la préparation physique au jeu. C’est un courant de pensée qui date des années 90, mais qui commence à gagner en popularité auprès des Nord-Américains. Avant on développait au maximum la préparation physique individuelle (aérobie, musculation, etc.) des joueurs d’équipe: ils étaient dans une forme splendide et couraient partout sur le terrain, mais ils ne savaient pas nécessairement quoi faire, où se positionner et comment se coordonner aux autres joueurs. La périodisation tactique est un procédé d’entraînement qui se concentre sur les aspects d’organisation de l’équipe, tout en comprenant les aspects individuels du sport. L’entrainement physique est expliqué selon une intensité (toujours maximale) avec une variance entre la durée (temps d’exercice), la fréquence (nombre de blocs, séries, répétitions), le nombre de joueurs utilisés (3 joueurs versus 3 joueurs, 8 vs 8, etc.) ainsi que l’espace utilisé (distance de l’exercice). C’est une préparation physique plus intégrée, qui met la prise de décisions au centre du développement des qualités physiques tout en priorisant le mouvement collectif.
Et ce qui est définitivement dépassé?
La préparation physique individuelle et tous les préparateurs physiques qui n’ont jamais travaillé en sport collectif et qui oublient de mettre au centre de l’équation la prise de décisions. On peut maximiser l’entraînement individuel, mais si cela ne fonctionne pas sur le terrain, il y a un problème.
Un bon coup d’un compétiteur que vous auriez aimé faire?
Le préparateur physique Mark Read, de l’Académie Malmö FF, en Suède, a développé avec son équipe une méthode basée sur le Triphasic Training, qui vise à développer la puissance chez les joueurs, dans l’accélération et le sprint, par exemple. Une journée par semaine, les joueurs suédois ne travaillent pas sur le terrain et vont s’entraîner en salle de musculation, puisque la musculation aide à prévenir les blessures. C’est une autre manière d’envisager la préparation physique! Quand j’ai vu cela, j’ai eu l’idée d’incorporer certains éléments de cette méthode dans la préparation physique de nos joueurs, les U18 en particulier, et nous avons obtenu de bons résultats. De plus, les jeunes ont adoré!
Sur la scène nationale ou internationale, qui est le «gourou» de l’heure?
L’entraîneur professionnel néerlandais, auteur et conférencier Raymond Verheijen. C’est tout un personnage! Il a travaillé avec certaines des plus grandes équipes européennes de soccer comme le FC Barcelone, le FC Chelsea et Manchester City, en plus d’avoir dirigé les équipes nationales des Pays-Bas, de la Corée du Sud, de la Russie et de l’Argentine. Il est très controversé, puisqu’il n’hésite pas à critiquer haut et fort le travail des autres entraîneurs et leurs méthodes d’entraînement.
Nommez une étoile montante qui vous inspire.
L’ancien entraîneur-chef des U18 de l’Académie Yoann Damet, qui a été promu récemment assistant entraîneur du FC Cincinnati dans la ligue USL. Il est reconnu pour son excellente compréhension des éléments techniques et tactiques du jeu. À mon arrivée à l’Académie, il m’a donné une formation accélérée en soccer et m’a beaucoup inspiré. Quand il était entraîneur des U18, nous avions la même vision de la préparation et nous avons pu mettre en place beaucoup de choses, en lien notamment avec la périodisation tactique. C’est grâce à lui si j’occupe mon emploi aujourd’hui.
Quel est le livre qu’il faut lire en ce moment?
L’ouvrage de référence The Original Guide to Football Periodisation de Raymond Verheijen, publié en 2014. Le guide permet aux entraîneurs d’organiser leur travail et de mieux planifier leurs séances de préparation physique tout en développant les qualités tactiques des joueurs, une méthode peu pratiquée au Québec. Nous sommes beaucoup influencés par les courants nord-américains, qui privilégient les entraînements musculaires au détriment d’une préparation physique axée sur l’endurance et sur le jeu sur le terrain. C’est un ouvrage qui permet d’ouvrir les esprits et de réfléchir. Je ne suis pas d’accord avec tout ce que Verheijen y propose, mais plusieurs aspects sont intéressants.
Les deux principaux conseils que vous donneriez à un jeune qui commence sa carrière?
De pratiquer l’humilité et la curiosité, encore une fois. Il y a beaucoup de développement à faire, au Québec, dans le domaine de la préparation physique au soccer. Les jeunes professionnels ont tendance à vouloir tout révolutionner, ils ont beaucoup d’idées, mais ils font parfois fi du milieu, du personnel déjà en place ou de la motivation de l’équipe, par exemple. Il faut savoir bien évaluer le milieu dans lequel nous sommes appelés à évoluer et mettre nos idées préconçues de côté. Pour travailler dans le milieu, la formation universitaire ne suffit pas: il faut rencontrer des gens des quatre coins du monde actifs dans le domaine, discuter et échanger avec eux, et se tenir au courant des dernières recherches.