Conférences, projections de films et de documents d’archives, séances d’affiches, stands d’information, démonstration de réalisations numériques et balades dans les ruelles du centre-ville figurent au programme du Forum d’histoire et de patrimoine de Montréal, qui se déroulera au Cœur des sciences du 26 au 28 octobre prochains. Organisé conjointement par le Laboratoire d’histoire et de patrimoine de Montréal (LHPM) et les Archives des la Ville de Montréal, cet événement grand public se tient sous le thème «Découvrir la métropole par ses quartiers».
C’est la première fois que le LHPM organise un événement de cette ampleur, souligne sa directrice, la professeure du Département d’histoire Joanne Burgess. «Le Forum ne s’adresse pas seulement aux chercheurs universitaires et aux acteurs des milieux du patrimoine et de la culture, mais aussi au public, dit-elle. Nous voulions organiser un événement qui réponde aux préoccupations relatives à la place accordée à l’histoire et au patrimoine de Montréal dans les célébrations de son 375e anniversaire. Nous souhaitions aussi la présence des sociétés d’histoire actives dans plusieurs quartiers montréalais, afin qu’elles puissent partager leur expertise avec celle des chercheurs.»
Une dizaine de sociétés historiques, dont celles de Pointe-aux-Trembles, de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, du Plateau Mont-Royal, d’Ahuntsic et de Montréal-Nord, mais aussi des musées d’histoire, comme l’Écomusée du fier monde et le Centre d’histoire de Montréal, tiendront des stands afin de montrer comment l’histoire des quartiers montréalais a façonné l’environnement urbain et participé à la définition de l’identité de la métropole.
«Quand on se promène dans un quartier, on est toujours entouré par un patrimoine matériel. On le voit sans en comprendre nécessairement la signification. Derrière un bâtiment, derrière le tracé d’une rue ou d’une ruelle, se cache souvent une histoire fascinante.»
Joanne Burgess,
Professeure au Département d’histoire
«L’objectif du Forum est de faire découvrir la diversité des quartiers de Montréal et de leur patrimoine, dit Joanne Burgess. Certains quartiers, très anciens, ont longtemps été des villages ruraux avant d’être transformés par l’urbanisation. Quand on se promène dans un quartier, on est toujours entouré par un patrimoine matériel. On le voit sans en comprendre nécessairement la signification. Derrière un bâtiment, derrière le tracé d’une rue ou d’une ruelle, se cache souvent une histoire fascinante.»
Territoires d’appartenance
Le Forum propose une quinzaine de conférences autour de six thématiques: Les territoires de l’appartenance urbaine; Le quartier et son double; Le quartier au quotidien; Les représentations des quartiers montréalais; La ruelle dans la vie de quartier; Parcs, jardins et paysages des quartiers; La musique des quartiers de Montréal.

L’une des conférences abordera le renouveau du Mile-End, entre 1966 et 2003, dans la foulée des mouvements citoyens pour la réappropriation des quartiers centraux, alors considérés comme des zones grises sans avenir. Une renaissance qui témoigne de la transition entre les anciennes identités territoriales, marquées par l’appartenance ethnique et religieuse, et les nouvelles identités contemporaines qui se tissent à l’intérieur d’un quartier, aux frontières souvent fluides et en constante évolution.
«Les frontières entre les paroisses d’hier et les arrondissements d’aujourd’hui, telles que définies par les autorités municipales, sont des limites administratives qui ne correspondent pas toujours à l’imaginaire de leurs résidents, observe la professeure. Les quartiers sont des espaces vécus qui se définissent souvent en fonction d’éléments subjectifs et immatériels. Chacun se fait une carte mentale de son quartier. Si on faisait un sondage à l’UQAM sur les limites du Quartier latin, on obtiendrait probablement plusieurs réponses différentes.»
Histoires de ruelles
Où se trouvent les premières ruelles de Montréal? Comment sont-elles apparues? Qui les fréquentait et qui les fréquente encore aujourd’hui? Résidentielles, commerciales, vertes, adorées ou mal aimées, les ruelles ont fait partie du quotidien de plusieurs générations de Montréalais.
En partenariat avec le Cœur des sciences, deux balades dans les ruelles du centre-ville sont organisées le samedi 28 octobre, la première à 9 h 30 et la seconde à 13 h 30. La balade du matin sera animée par Joanne Burgess et celle de l’après-midi par Julie Bérubé, candidate à la maîtrise en études québécoises à l’Université du Québec à Trois-Rivières. Trois conférences sont aussi au programme: «Montréal vue de ses ruelles», «Montréal en ruelles: l’appropriation par les sens» et «La bourgeoisie montréalaise et ses ruelles».
«Chacun se fait une carte mentale de son quartier. Si on faisait un sondage à l’UQAM sur les limites du Quartier latin, on obtiendrait probablement plusieurs réponses différentes.»
«Les premières ruelles apparaissent au milieu du 19e siècle, rappelle Joanne Burgess. À cette époque, le mot ruelle existait déjà et désignait de petites rues, comme la Ruelle des fortifications dans le Vieux-Montréal.» Au fil du temps, les ruelles sont devenues des lieux de rencontre et d’échanges, des terrains de jeux pour les enfants et même des lieux de création artistique (murales, graffitis). «Ces dernières années, on a vu émerger le mouvement des ruelles vertes, qui témoigne de la volonté des Montréalais de s’approprier leur quartier et de contribuer à une meilleure qualité de vie urbaine», remarque la chercheuse.
Paul-André Linteau: 50 ans de recherche sur Montréal
Plusieurs considèrent le professeur du Département d’histoire Paul-André Linteau, récemment retraité, comme l’un des pionniers de l’histoire urbaine et de l’histoire de Montréal. Le lauréat 2012 du prix Léon-Gérin, la plus haute distinction accordée à un chercheur en sciences humaines et sociales par le gouvernement du Québec, présentera la conférence inaugurale du Forum, le 26 octobre, consacrée à un bilan de la recherche sur l’histoire de Montréal depuis 50 ans. Un hommage lui sera rendu le 27 octobre, à l’occasion du Forum.
«Les écrits sur l’histoire de Montréal – annales, chroniques – remontent à longtemps, note Joanne Burgess. La Société historique de Montréal et la Société d’archéologie numismatique de Montréal sont créées dès le milieu du 19e siècle. Elles s’intéressent à la préservation de documents anciens, mettent en récit une histoire de Montréal depuis sa fondation, et organisent des activités de commémoration.»
Il faut attendre les années 1960 pour que l’histoire urbaine et celle de Montréal commencent à se développer en tant que disciplines scientifiques. Au cours de cette décennie, plusieurs travaux sont conduits sur l’histoire économique, sociale et politique de Montréal, notamment à l’époque de la Nouvelle-France et des débuts du régime britannique, alors que l’intérêt pour le Montréal des 19e et 20e siècles se manifeste surtout dans les années 70 et 80. «Paul-André Linteau publie en 1981 sa thèse de doctorat sur un groupe de promoteurs canadiens-français qui, entre 1883 et 1918, ont créé et développé Maisonneuve, une municipalité de banlieue ayant contribué à l’essor économique de Montréal, souligne la professeure. Il participe aussi à la création du Groupe de recherche sur la société montréalaise au 19e siècle.»
Au cours des 25 dernières années, l’histoire de Montréal a été transformée par les recherches menées à l’échelle locale, celle des quartiers – Vieux-Montréal, Centre-Sud – et même des rues – boulevard Saint-Laurent, rue Sainte-Catherine. Selon Joanne Burgess, divers facteurs expliquent ce phénomène. «Pensons à la mobilisation pour la sauvegarde du patrimoine bâti montréalais depuis les années 70, à la démocratisation de la vie politique municipale amorcée par le Rassemblement des citoyens de Montréal au milieu des années 80 et à la synergie qui s’est installée entre les projets de recherche universitaire et les projets d’exposition de musées d’histoire montréalais. Tout cela a nourri l’intérêt pour les territoires locaux que sont les quartiers.»