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Vincent Lavoie dans Le Monde

L’historien de l’art commente l’image controversée gagnante du concours World Press Photo.

27 février 2017 à 17 h 02

Mis à jour le 16 janvier 2018 à 11 h 01

 

Doigt en l’air, une arme à la main et le visage exprimant la haine: l’image de l’assassin de l’ambassadeur russe en Turquie, prise par le photographe turc Burhan Ozbilici à Ankara le 19 décembre dernier, a récemment remporté le premier prix du World Press Photo – le plus prestigieux concours de photojournalisme –, tout en suscitant la controverse. Professeur au Département d’histoire de l’art et spécialiste de l’histoire de la photographie, Vincent Lavoie a analysé le cliché dans le cadre d’une entrevue accordée au prestigieux quotidien français Le Monde, le 23 février dernier.

«Par cette photographie, le World Press renoue avec une certaine tradition du photojournalisme, au point d’incarner quelques-unes des vertus cardinales de la discipline, dont une très puissante liaison à l’événement choc, déclare Vincent Lavoie. Elle ne m’a pas troublé. Je considère aujourd’hui ces images d’actualité fortes comme des interrogations. J’attends toujours avec curiosité l’annonce de ce prix, car il est symptomatique d’une certaine actualité des tendances du photojournalisme.»

Certains ont affirmé que la photo n’aurait pas dû remporter le prix, car elle glorifie un acte terroriste et équivaut aux images de décapitation diffusées par le groupe armé État islamique. «Son potentiel en tant qu’image apparaît davantage lié aux usages que certains peuvent en faire qu’à sa forme même, laquelle renvoie à de multiples références sociales, historiques et iconographiques qui excédent l’acte terroriste, souligne Vincent Lavoie dans l’article. Comme toute image, celle-ci ne saurait être subordonnée à une seule lecture.»

Selon le professeur, les critères d’attribution du World Press Photo posent toujours problème, car ils ne sont jamais clairement énoncés. «Ce que l’on observe, en revanche, c’est une tendance à valoriser l’éthique du photojournaliste, dit-il. L’esthétique des images est plus rarement invoquée, comme s’il y avait un inconfort à en faire un critère déclaré, surtout lorsque les images en cause montrent des scènes violentes. »

Vincent Lavoie est l’auteur de Photojournalismes. Revoir les canons de l’image de presse (Hazan, 2010). Il publiera en mai prochain L’Affaire Capa. Procès d’une icône  (Textuel).