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Des étudiants chez les Atikamekw

Dans le cadre d’un cours terrain, une vingtaine d’étudiants se sont rendus dans la communauté de Manawan.

Par Pierre-Etienne Caza

16 juin 2017 à 11 h 06

Mis à jour le 19 juin 2017 à 9 h 06

Un groupe de 21 étudiants provenant de l’UQAM, de l’Université de Montréal et de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue a séjourné dans la communauté atikamekw de Manawan, du 29 mai au 2 juins derniers. Ce séjour s’inscrivait dans le cadre du cours terrain Réalités autochtones: cours en territoire atikamekw, offert en vertu d’une entente interuniversitaire dans les programmes en études autochtones des trois établissements.

Vivant sur les rives du  lac Metapeckeka, à environ quatre heures de route de Montréal, les Atikamekw de Manawan forment l’une des trois communautés de la nation atikamekw. «Bien qu’ils aient déclaré unilatéralement leur souveraineté territoriale en 2014, des négociations avec les autorités fédérales et provinciales, entamées il y a 30 ans environ, se poursuivent autour des questions du territoire et de l’autonomie gouvernementale, explique Laurent Jérôme, professeur au Département de sciences des religions. Les Atikamekw ont une relation profonde et intime au territoire, qui est liée à l’histoire coloniale. Tout en étant confrontés à des coupes forestières et à la construction de barrages, ils cherchent à se réapproprier leur identité et leurs traditions.»

C’est le professeur Jérôme qui a organisé ce séjour en territoire autochtone avec son collègue Nicolas Houde, du Département de science politique, en partenariat avec le Conseil des Atikamekw de Manawan et Tourisme Manawan. Le groupe a séjourné deux jours et demi dans la communauté de Manawan et deux jours et demi sur le site touristique traditionnel de Matakan.

Durant leur séjour, les étudiants ont rencontré des intervenants et responsables de services de la communauté, et ils ont pris part à des activités culturelles. «L’objectif était de mieux saisir les enjeux liés aux réalités atikamekw, tels que l’autonomie gouvernementale,  l’utilisation et la gestion du territoire, les impacts des politiques d’assimilation et les stratégies de guérison sociales et communautaires», souligne Laurent Jérôme. Étudiants et autochtones ont aussi discuté d’éducation, de projets communautaires, de santé et de services sociaux et de sécurité publique.

Le Chef du Conseil des Atikamewk de Manawan, Jean Roch Ottawa, a offert une conférence de bienvenue aux étudiants et le Grand Chef de la Nation Atikamekw, Constant Awashish, s’est déplacé pour rencontrer les étudiants durant la semaine.

Chaque étudiant devait choisir une thématique à approfondir durant le séjour. «Notre objectif était de les amener à effectuer des apprentissages factuels sur différents enjeux autochtones, bien sûr, mais aussi à entrer en relation avec  des membres de la nation atikamewk de Manawan, note Laurent Jérôme. Les apprentissages relationnels sont plus difficiles à évaluer, mais tout aussi enrichissants. La grande générosité de nos hôtes et l’ouverture d’esprit des étudiants ont joué un grand rôle à ce chapitre.»

Un séjour trop court!

«On parle beaucoup des réalités autochtones dans les médias et c’est rarement un discours reluisant. Pourtant, notre séjour là-bas a été lumineux. Nous avons rencontré un peuple accueillant, des individus attachants», raconte Étienne Levac, étudiant au baccalauréat en science politique et à la concentration de premier cycle en études autochtones à l’UQAM. «On entend toujours parler des autochtones comme d’un groupe monolithique, alors que nous avons eu la chance d’entrer en relation sur une base individuelle avec plusieurs membres de la communauté», ajoute Rachel Jordan, étudiante à l’Université de Montréal.

L’ouverture d’esprit était en effet un prérequis pour participer à ce cours-terrain. «Étudier dans une concentration en études autochtones ne fait pas de nous des spécialistes, loin de là, note Rachel Jordan. Il fallait faire preuve d’humilité, de curiosité et d’écoute.»

Toutes les rencontres ont été marquantes, soulignent les deux étudiants, mais certains symboles les ont frappés davantage. «La longue route de gravelle et de sable qui mène de Saint-Michel-des-Saints à Manawan – un trajet sinueux d’environ deux heures –  est en soi une métaphore du fossé séparant nos deux peuples, remarque Rachel Jordan. Cela nous fait prendre conscience de leur isolement géographique.»

Sur le site traditionnel de Matakan, la vision idyllique des lacs et des forêts est trompeuse. «Il y a des bandes de forêts de 500 mètres qui cachent des paysages désolés de coupes à blanc, raconte Étienne Levac. On comprend les revendications territoriales des Atikamewks, qui réclament depuis plus de 30 ans le droit de protéger adéquatement leur territoire.»

Chaque université organise le cours à tour de rôle. L’an dernier, l’UQAT avait proposé un cours à Val-d’Or sur les réalités urbaines autochtones, et, l’an prochain, ce sera au tour de l’Université de Montréal de proposer un séjour. L’édition 2017 a été fortement appréciée. «C’était tellement intéressant et émouvant que tout le monde aurait aimé rester quelques jours de plus pour échanger davantage avec les gens de la communauté de Manawan», conclut Rachel Jordan.

Visite surprise

Une activité de retour sur l’expérience a eu lieu le 14 juin dernier à l’UQAM. «Patrick Moar, de Tourisme Manawan, l’artisan Benoît Ottawa et trois guides qui nous avaient accueillis dans la communauté, Réginald Flammand, Carlo Ottawa et Jeffrey Niquay, nous ont fait une visite surprise, raconte Laurent Jérôme. C’était très gentil de leur part de participer à la séance et surtout de faire toute cette route en une journée!»