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Bousculer les préjugés

Le collectif étudiant Les 3 sex propose une encyclopédie de corps sexués en images.

Par Claude Gauvreau

13 octobre 2017 à 15 h 10

Mis à jour le 16 octobre 2017 à 15 h 10

Des gens de tous âges, genres et origines ont participé à l’encyclopédie. Photo: Les 3 sex

Plus de 300 photos crues présentant des torses nus, des fessiers et des organes génitaux d’hommes et de femmes de tous âges, sous divers angles: l’encyclopédie d’images État brut: Corps sexués, lancée le 20 septembre dernier, se veut un outil d’éducation à la sexualité. Préoccupés par le manque de diversité de modèles physiques et de vrais corps sexués dans les outils éducatifs, les membres du collectif Les 3 sex, fondé par les étudiantes Marie Bertrand-Huot, Paméla Plourde et Sophie Morin, du baccalauréat en sexologie, ont voulu bousculer les préjugés et faire tomber les stéréotypes.

Pour concevoir leur encyclopédie, hébergée sur le site web de la revue numérique Les 3 sex, les membres du collectif se sont inspirés d’émissions sur la sexualité diffusées en Norvège. «S’adressant à des jeunes de 12 à 15 ans, ces émissions à vocation pédagogique présentent, entre autres, des images de fesses, de pénis et de vulves, tout en expliquant différents types de rapports sexuels, précise Marion Bertrand-Huot, cofondatrice des 3 sex. Nous nous sommes dit: pourquoi ne pas créer quelque chose de semblable au Québec, soit un outil d’éducation à la sexualité non érotique et sans tabous»?

Le projet de fonder le collectif et la revue est né en 2015 au sein d’un petit groupe d’étudiants du baccalauréat en sexologie. «Nous avions envie de créer une plateforme en ligne pour échanger des points de vue qui ne se limitent pas au champ de l’intervention clinique, mais qui abordent aussi les dimensions sociales et politiques de la sexualité, explique l’étudiante. Aujourd’hui, nous souhaitons développer une forme de communauté composée de professeurs et d’étudiants universitaires ainsi que de professionnels, qui partagent une même préoccupation pour la santé et l’éducation sexuelles.»

Le collectif réunit actuellement plus de 20 bénévoles, femmes et hommes, dont la majorité étudie à l’UQAM.

Modèles diversifiés

Le processus de sélection des sujets pour la banque d’images a été long et complexe. Un appel a été lancé sur les réseaux sociaux pour trouver des volontaires acceptant de dévoiler les parties les plus intimes de leur anatomie. Le collectif tenait à présenter des modèles variés, de mensurations différentes, d’origine caucasienne, hispanique, asiatique et afro-américaine, cisgenres (ce terme fait référence aux personnes qui s’identifient au sexe dont elles ont été dotées à la naissance) et transgenres.

«Les jeunes filles et les jeunes garçons se posent plusieurs questions sur l’apparence de leurs organes génitaux – lèvres, vulve, pénis – et certains ont des complexes. Ils ont  facilement accès à des images pornographiques, lesquelles sont loin d’offrir une représentation diversifiée et réaliste du corps sexué», souligne Marion Bertrand-Huot.

La banque d’images n’est pas librement accessible. Celle-ci s’adresse essentiellement à des intervenants et à des professionnels qui œuvrent dans les domaines de la santé sexuelle et de l’éducation à la sexualité. «La banque prend tout son sens si son utilisation s’inscrit dans une démarche éducative», note l’étudiante. Les gens peuvent choisir les photos et utiliser seulement celles qu’ils jugent pertinentes.

Depuis le lancement d’État brut: Corps sexués, le collectif a attiré l’attention de plusieurs médias, tels que Radio-Canada, Le Devoir et La Presse. En l’espace de quelques semaines, le document de présentation d’État brut: corps sexués a fait l’objet de quelque 1 300 téléchargements, tandis que le formulaire de demande d’utilisation a été téléchargé plus de 600 fois. «Nous avons reçu une vingtaine de demandes formelles, provenant principalement d’organismes sans but lucratif intervenant dans le domaine de l’éducation sexuelle et de professeurs d’université, mais aussi de quelques enseignants du secondaire», observe Marion Bertrand-Huot.

Couvrir l’actualité

Outre la banque d’images, la revue Les 3 sex propose des capsules d’information, des chroniques, des témoignages et des recensions d’articles ou de livres, qui touchent différents aspects de la sexologie et de la santé sexuelle. «Il est important de couvrir l’actualité mondiale et nationale dans ces domaines, dit l’étudiante. Les informations sur ces questions dans les médias étant  souvent éparpillées, il est difficile de s’y retrouver. Rédigées par des professionnels et des universitaires, nos chroniques s’appuient sur des sources fiables. Quant aux témoignages, plusieurs proviennent de sexologues et de travailleurs sociaux, mais aussi de monsieur et de madame tout le monde.»

Accordant une importance particulière à la diffusion de la recherche en sexologie, la revue présente, chaque semaine, des résumés d’articles scientifiques. On y trouve aussi des capsules vidéo de Gabriel James Galantino, le premier sexologue trans* du Québec, qui décortique les enjeux sociaux et politiques rattachés à la transsexualité.

Le collectif a enfin pour projet d’organiser des tables rondes réunissant des professeurs et des étudiants pour commenter résultats de recherche et des articles scientifiques, une démarche appuyée par l’Ordre des sexologues du Québec.

Fonctionnant de manière autonome, le collectif Les 3 sex a tout de même reçu de l’aide du Département de sexologie. «Le professeur Philippe-Benoît Côté nous a coaché au début de notre projet, dit Marion Bertrand-Huot, et la directrice du département, Frédérique Courtois, a donné son appui pour que notre plateforme soit reconnue comme l’une des revues étudiantes de l’UQAM.» Des étudiants du programme du baccalauréat en communication (stratégies de production culturelle et médiatique), de l’université McGill et de l’Université de Montréal participent aussi à la production de la revue.   

Bien que les images d’État brut: corps sexués puissent s’avérer déstabilisantes, les réactions ont été jusqu’à présent extrêmement positives, affirme l’étudiante «Nous sommes les premiers étonnés par l’intérêt que suscite notre projet», conclut-elle.