Professeur au Département de psychologie depuis 1996, André Marchand a reçu, le 25 mars dernier, le prix Adrien-Pinard de la Société québécoise pour la recherche en psychologie (SQRP). Cette distinction lui a été remise pour l’excellence de ses travaux de recherche et pour sa contribution à la diffusion des connaissances auprès de la population. «Ce prix a une signification particulière, car il reconnaît la valeur des recherches d’un chercheur clinicien comme moi, dit André Marchand, qui a été psychothérapeute avant d’être professeur. Je suis d’autant plus touché que j’ai eu la chance de connaître Adrien Pinard, l’un des pionniers de la psychologie au Canada.»
Spécialiste des troubles anxieux – trouble panique, agoraphobie, trouble d’anxiété généralisée –, et en particulier de l’état de stress post-traumatique (ESPT), le psychologue est membre du Centre de recherche de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal (IUSSM) depuis 1992 et professeur associé au Département de psychiatrie de l’Université de Montréal depuis 2002. Il dirige, depuis 1996, le Laboratoire d’étude sur le trauma au Département de psychologie et codirige, depuis 2005, le Centre d’étude sur le trauma affilié à l’IUSSM. Durant sa carrière, André Marchand a publié une dizaine d’ouvrages et de chapitres de livres, des manuels de vulgarisation, notamment pour les thérapeutes, et près de 200 articles scientifiques. Il a aussi présenté quelque 400 communications dans des conférences nationales et internationales.
Triple diplômé (baccalauréat, maîtrise et doctorat) de l’UQAM, le professeur a encadré une cinquantaine d’étudiants aux cycles supérieurs, cherchant à maintenir un équilibre entre ses activités d’enseignement et de recherche. «Au début de ma carrière, je partageais mon temps entre la clinique, l’enseignement et la recherche, mentionne-t-il. J’étais passionné et je travaillais souvent 50 à 70 heures par semaine. Le fait d’avoir eu plusieurs étudiants motivés comme assistants de recherche m’a facilité la tâche.»
Évaluer et traiter les troubles anxieux
Quand André Marchand a commencé à s’intéresser aux troubles anxieux, dans les années 1980, les recherches au Québec étaient peu nombreuses. «On a progressivement mis en place des thérapies individuelles et de groupe, dont le taux de succès, aujourd’hui, est de 60 à 75 % pour le trouble panique et l’agoraphobie. Cela dit, on cherche toujours à améliorer l’efficacité des traitements et à évaluer leurs effets thérapeutiques à court, moyen et long terme.»
Bien que les troubles anxieux apparaissent à tout âge, ils surviennent souvent à l’adolescence. Certains touchent plus particulièrement les hommes ou les femmes. Ainsi, deux fois plus de femmes que d’hommes souffrent d’agoraphobie.
Le trouble d’anxiété généralisée et le trouble d’anxiété sociale sont les plus courants, affectant 10 à 12 % de la population. «Les gens affectés par ce type de troubles cherchent à éviter les situations anxiogènes et manifestent des inquiétudes excessives et mal contrôlées, note le chercheur. Les réactions de leur système nerveux parasympathique les amènent à avoir des crises de panique. Aujourd’hui, les recherches s’orientent de plus en plus vers un traitement transdiagnostic, soit un traitement global pouvant s’appliquer à un ensemble de troubles anxieux.»
Stress post-traumatique
André Marchand est aussi un spécialiste de l’état de stress post-traumatique (ESPT), dont le taux de prévalence est de l’ordre de 8 %. Il se manifeste chez les personnes qui ont vécu ou ont été témoins d’une expérience ou d’un événement anormalement troublant: agression physique ou sexuelle, vol à main armée, violence conjugale, accident de la route, accident de travail, etc.
«Sans le vouloir, les gens ont tendance à revivre constamment l’événement traumatique – souvenirs répétitifs, cauchemars, sentiment de détresse affective –, à éviter des éléments – pensées, gens, activités ou endroits – associés à l’événement, à éprouver des difficultés à dormir», observe le professeur. Celui-ci a participé à une recherche sur les risques pour les policiers de développer un ESPT. «Les policiers vivent davantage d’événements traumatisants, en quantité et en intensité, que la moyenne des gens, dit André Marchand. Pourtant, la prévalence de l’ESPT chez eux n’est pas plus grande que dans la population en général. Ils sont préparés à faire face à ce type d’événement et sont suivis de près dans les jours et les semaines qui suivent.»
Parmi les personnes ayant vécu un événement traumatisant, certaines développeront un ESPT, d’autres non, poursuit le professeur. «Tout dépend de leur perception subjective. Seulement 10 à 15 % des individus éprouveront un ESPT.»
Approche cognitivo-comportementale
Pour évaluer et traiter les troubles anxieux et l’ESPT, André Marchand privilégie la thérapie cognitivo-comportementale, laquelle est centrée sur la modification de pensées et de comportements problématiques. «L’approche consiste à amener les personnes à reconstituer le récit des événements qu’elles ont vécu, afin de les restructurer, et à décortiquer leurs émotions. Dans le cas de l’ESPT, on donne des stratégies pour que les individus apprennent à se détendre et on les amène, très graduellement, à s’exposer à l’endroit ou à l’activité associé à ce qu’ils ont vécu. Il est aussi important de traiter simultanément d’autres troubles concomitants, comme la dépression ou la perte de sommeil. Vers la fin de la thérapie, on examine avec la personne les moyens de prévenir les rechutes. Il est possible d’en guérir, même si on reste plus ou moins vulnérable.»
Depuis les années 2000, le chercheur s’intéresse aux nouvelles technologies dans le traitement des troubles anxieux, comme la visioconférence et la réalité virtuelle. «Les spécialistes des troubles anxieux étant peu nombreux et concentrés dans les centres urbains, la psychothérapie à distance permet de rejoindre les gens vivant en région, dit-il. On s’est rendu compte qu’elle était aussi efficace que l’approche traditionnelle en tête-à-tête, à la grande surprise des thérapeutes. Les patients se sentent moins intimidés et ont tendance à se confier davantage.»
Le chercheur-clinicien prévoit prendre sa retraite en septembre prochain. D’ici là, il entend poursuivre une recherche au Centre d’étude sur le trauma sur l’évaluation des coûts reliés aux effets thérapeutiques et aux bénéfices pour le patient. «Le fait d’avoir pu obtenir plusieurs subventions de recherche, un processus long, ardu et stressant, est ce qui m’a procuré le plus de satisfaction au cours de ma carrière», conclut André Marchand.