Dans le documentaire Super Size Me (2004), Morgan Spurlock se nourrit exclusivement chez McDonald’s pendant un mois à raison de trois repas par jour. Résultat: il prend 11 kilogrammes et développe des problèmes de foie. «Je trouvais l’idée intéressante, mais j’aurais aimé qu’il fasse de l’exercice pour contrebalancer les effets de ce régime», se rappelle Antony Karelis, professeur au Département des sciences de l’activité physique. En collaboration avec son collègue Christian Duval, le chercheur a mené au cours de la dernière année une étude semblable, en demandant toutefois aux participants de se soumettre à un programme d’activité physique. «L’entraînement par intervalles à haute intensité permet de protéger en grande partie les individus contre la malbouffe», démontrent les deux chercheurs, qui ont publié récemment les résultats de leurs travaux dans Nutrients.
Antony Karelis et Christian Duval ont recruté 15 sujets masculins en bonne forme physique, âgés entre 18 et 30 ans. Ils ont soumis ces derniers à un régime de McDonald’s pendant 14 jours consécutifs à raison de trois repas par jour. «Les participants pouvaient également manger des collations tant que celles-ci provenaient de chez McDonald’s», souligne Antony Karelis.
En parallèle, les sujets ont dû se prêter à une séance quotidienne d’activité physique par intervalles à haute intensité sur tapis roulant – 15 fois 60 secondes de sprint suivies de 60 secondes de repos. «C’était un entraînement très exigeant, reconnaît Christian Duval. Les participants étaient au maximum de leur fréquence cardiaque et de leur fréquence respiratoire.»
«En moyenne, les participants ont même vu leur profil s’améliorer quant à leur taux de glucose, leur pourcentage de gras, leur inflammation et leur santé cardiorespiratoire.»
Antony Karelis
Professeur au Département des sciences de l’activité physique
Les résultats permettent d’apprécier les effets protecteurs de l’activité physique. «Nous avons mesuré avant et après l’étude la santé cardiorespiratoire, la composition corporelle, la pression artérielle et un échantillon sanguin (glucose, insuline, cholestérol et inflammation) chez chaque sujet, explique Antony Karelis. En majorité, leurs profils métaboliques n’ont pas été altérés. En moyenne, les participants ont même vu leur profil s’améliorer quant à leur taux de glucose, leur pourcentage de gras, leur inflammation et leur santé cardiorespiratoire. Un seul marqueur s’est détérioré : le bon cholestérol.»
Aucun des participants n’a éprouvé de malaises particuliers durant le régime de malbouffe, assure Antony Karelis. «Les membres du comité d’éthique étaient vraiment inquiets pour nos sujets lorsqu’ils ont approuvé l’étude, se rappelle-t-il en riant, mais tout s’est bien déroulé.»
Pas juste une question de calories
Les chercheurs ont démontré que leurs sujets, grâce au programme d’entraînement, dépensaient quotidiennement environ le même nombre de calories que ce qu’ils ingéraient. Mais attention aux raccourcis: l’équilibre quotidien entre apport calorique et dépense énergétique n’est pas nécessairement un signe de bonne santé, précisent les chercheurs. «La clé de notre étude, c’est d’avoir démontré que l’exercice physique entraîne des modifications physiologiques bénéfiques qui compensent les effets de la malbouffe, explique Christian Duval. En faisant de l’exercice régulièrement, le métabolisme de base change. Quelqu’un qui est actif sur une base régulière brûle de l’énergie à ne rien faire – même assis sur un fauteuil ! – et c’est cette énergie qui est payante. Voilà pourquoi nous croyons que l’activité physique a beaucoup plus d’impact sur la physiologie d’une personne que la nutrition.»
«Quelqu’un qui est actif sur une base régulière brûle de l’énergie à ne rien faire – même assis sur un fauteuil ! – et c’est cette énergie qui est payante.»
Christian Duval
Professeur au Département des sciences de l’activité physique
Les chercheurs se gardent bien, toutefois, d’affirmer que la consommation de malbouffe est sans conséquence, surtout pour ceux qui ne font pas d’activité physique. «Notre objectif est de mettre les choses en perspective: si quelqu’un mange au McDo une fois par semaine tout en étant physiquement actif – on parle d’activité à moyenne ou haute intensité –, il n’a pas à s’en faire pour sa santé», note Christian Duval. Dans notre société nord-américaine où la malbouffe est omniprésente et où les gens consomment énormément d’aliments transformés, il s’agit là d’une bonne nouvelle. «Environ 11 % des calories ingérées quotidiennement par les Américains provient de la malbouffe, souligne Antony Karelis. Est-ce que les gens sont suffisamment actifs pour contrebalancer les effets néfastes de leur régime alimentaire? C’est la question…»
L’ennemi no 1: le sucre
«L’industrie agroalimentaire a remplacé le gras par le sucre, même dans les aliments qui ne devraient pas en contenir, comme les légumes en conserve! Or, nous savons désormais que le sucre est bien plus dommageable pour la santé que le gras, souligne Christian Duval. Notre étude démontre que l’exercice peut aider à stabiliser le taux de glucose.»
Un type d’entraînement bénéfique
L’étude met en valeur l’entraînement par intervalles à haute intensité, lequel a gagné en popularité au cours des dernières années. «Il a été démontré que cette méthode apporte plus de bénéfices que l’entraînement en continu, explique Christian Duval. Elle permet de maintenir le corps dans un état où il doit toujours travailler davantage pour s’adapter et suivre le rythme. C’est dans ces conditions que le métabolisme se modifie de manière positive.»
L’entraînement par intervalles permet en outre des variations à l’infini, poursuit le professeur. «On peut, par exemple, diminuer le temps de repos, augmenter le temps et/ou l’intensité de l’intervalle, ou diminuer l’intensité du temps de repos.»
Certaines études démontrent que 10 minutes d’entraînement par intervalles à haute intensité sont suffisantes pour avoir un effet positif sur le corps. «La santé cardiorespiratoire – un grand prédicteur des maladies cardiovasculaires et du diabète, entre autres – s’améliore davantage lorsqu’on se plie à ce type d’entraînement, souligne Antony Karelis. Cela dit, l’exercice en continu n’est pas mauvais en soi. C’est juste qu’il existe une forme d’exercice qui est meilleure pour le corps.»
Comme l’entraînement par intervalles est plus exigeant et que chaque personne est différente, il faut s’assurer d’être accompagné par un spécialiste en kinésiologie avant de se lancer dans l’aventure, prévient Christian Duval. «Il faut éviter les blessures musculo-squelettiques. Autrement, on se décourage et on en vient à conclure que ce type d’entraînement n’est pas fait pour soi. Il suffit pourtant d’avoir un programme adapté à sa condition physique.»
D’autres pistes à explorer
Les deux chercheurs souhaitent maintenant vérifier si l’entraînement par intervalles à haute intensité est aussi bénéfique chez les femmes et les personnes âgées soumises au même type de régime alimentaire. Ils aimeraient aussi déterminer quel est le minimum d’activité physique nécessaire pour annuler les effets de la malbouffe. À suivre…