«Au Québec, les universités utilisent généralement leur politique en matière de harcèlement psychologique pour traiter les situations relatives aux violences à caractère sexuel. Bien que l’UQAM ait une politique en matière de harcèlement sexuel, elle fera un pas en avant de plus et modifiera cette politique de façon qu’elle couvre les violences à caractère sexuel dans un spectre beaucoup plus large», souligne Maude Rousseau, directrice par intérim du Bureau d’intervention et de prévention en matière de harcèlement (BIPH).
Dans la foulée des agressions sexuelles commises récemment dans les résidences universitaires de l’Université Laval, la ministre de l’Enseignement supérieur, Hélène David, a annoncé que quatre journées de réflexion seront organisées, d’ici mars 2017, avec différents partenaires des milieux collégiaux et universitaires. L’objectif est de discuter des meilleures pratiques à mettre en place pour prévenir les violences à caractère sexuel sur les campus. La ministre a dit vouloir s’inspirer de lois promulguées notamment en Ontario et au Manitoba afin d’assurer la sécurité des étudiantes et étudiants à l’aide de balises communes à tous les établissements d’enseignement supérieur.
L’UQAM s’est dotée, pour sa part, de deux politiques institutionnelles: la Politique no 16 contre le harcèlement sexuel et la Politique no 42 contre le harcèlement psychologique. «Un comité institutionnel, chargé de réviser et de mettre à jour la Politique no 16, a recommandé à la direction de maintenir cette politique et de l’élargir afin qu’elle prenne en compte non seulement le harcèlement sexuel, mais aussi toutes les formes de violence sexuelle. Cette recommandation a été acceptée par la direction», note Maude Rousseau.
Le comité institutionnel sur la Politique 16 a pour rôle de recommander à l’Université les moyens appropriés de formation, d’information et de sensibilisation de la communauté universitaire contre le harcèlement sexuel et les mesures concrètes à prendre pour l’empêcher. Il doit aussi élaborer un plan de travail annuel et déposer un rapport annuel. Présidé par Maude Rousseau, il est présentement composé de 16 représentantes de l’Association des cadres de l’UQAM (ACUQAM), du Syndicat des employées et employés de soutien (SEUQAM), du Syndicat des chargées de cours et chargés de cours (SCCUQ), du Syndicat des professeures et professeurs (SPUQ), du Syndicat des étudiantes employées et des étudiants employés (SÉTUE), de l’Association des employés non syndiqués (AENSUQAM) et des étudiants.
Une vidéo virale sur le consentement sexuel
«Consent it’s simple as tea», une vidéo créée par Rachel Brian de Blue Seat Studios et Emmeline May de rockstardinosaurpirateprincess.com, et popularisée par l’un des plus importants corps policiers britanniques, traduite en 15 langues et visionnée plus de 75 millions de fois à travers le monde, a maintenant une voix française bien connue, celle de Bernard Derome, journaliste et président de l’Institut d’études internationales de Montréal (IEIM), rattaché à l’UQAM.
Le projet d’adaptation en français a vu le jour à l’initiative d’Hugo Cyr, doyen de la Faculté de science politique et de droit. Celui-ci a contacté les créatrices après avoir vu la vidéo, simple mais efficace, avec ses bonhommes allumettes, quelques mots écrits à l’écran et une voix expliquant le consentement sexuel. Le doyen a réussi à obtenir les droits de traduction pour la voix et ceux de diffusion. Bernard Derome a accepté de participer bénévolement au projet. Pour lui, le message est clair: «Avant de dire que ce n’est pas votre tasse de thé, ouvrez grand les oreilles!» L’enregistrement a eu lieu dans les locaux de l’École des médias de la Faculté de communication.
«La violence sexuelle est un problème complexe. Il faut l’attaquer avec une diversité de moyens, estime Hugo Cyr. Cette courte vidéo humoristique encapsule un enseignement simple. Espérons que le message finira par passer!»
La vidéo est en ligne sur le site d’UQAM.tv sous le titre: Consentement, pas si compliqué finalement.
Un milieu exempt de violence
La priorité est de compléter la révision de la Politique 16 et de la mettre en place le plus rapidement possible afin de se donner les meilleurs moyens d’intervenir dans les situations de violences à caractère sexuel et de les contrer, souligne la directrice du BIPH. «Le comité de la Politique 16 a déjà amorcé le travail de révision. L’exercice n’est toutefois pas achevé. La prochaine rencontre du comité aura lieu le 26 octobre et servira notamment à faire le point et à relancer les travaux. Rédiger une politique sur les violences à caractère sexuel n’est pas chose facile. Le comité doit aborder plusieurs questions complexes comme par exemple: le champ d’application, le délai de prescription, la confidentialité, etc. Puis, il faudra s’assurer que la Politique 16 et la Politique 42 s’arriment harmonieusement. Heureusement, ces comités sont formés de membres compétents et motivés.»
Avoir un portrait juste
L’hiver dernier, une enquête dirigée par la professeure du Département de sexologie Manon Bergeron – Sexualité, sécurité et interactions en milieu universitaire (ESSIMU) – a été menée auprès de quelque 9 000 répondants dans six universités québécoises, dont l’UQAM. L’enquête visait à dresser pour la première fois un portrait des violences sexuelles en milieu universitaire Les résultats préliminaires, dévoilés au congrès de l’Acfas en mai dernier, ont révélé que plus du tiers des personnes travaillant ou étudiant à l’université y avaient déjà subi du harcèlement ou une agression sexuelle; que les victimes étaient des femmes dans la majorité des cas (des étudiantes de premier cycle pour la plupart); et que 85 % d’entre elles n’avaient jamais porté plainte ou même signalé la chose à leur université.
«On ne peut pas se fier au faible nombre de plaintes officielles déposées dans les universités pour mesurer l’ampleur du problème, observe Maude Rousseau. Les victimes de violences sexuelles ont généralement tendance à se confier à des proches et ne souhaitent pas nécessairement entreprendre une démarche de dénonciation formelle. Des représentantes d’associations étudiantes m’on dit que des personnes venaient les voir pour leur raconter qu’elles avaient été victimes de harcèlement ou de violence. Si ces confidences, dans le respect de la confidentialité, ne sont pas comptabilisées, il demeure difficile d’obtenir un portrait de la situation qui soit juste. Ultimement, cela peut conduire à croire que le problème est marginal et, conséquemment, nuire au développement de services à l’intention des survivantes.»
Certaines universités ont mis sur pied un centre d’aide pour les victimes d’agression sexuelle. «C’est une avenue intéressante à explorer, reconnaît Maude Rousseau. Le comité de la Politique 16 va dans ce sens et recommande la présence d’une ressource spécialisée dédiée aux victimes d’agression sexuelle au sein de l’Université. Cette proposition est soutenue par plusieurs groupes de femmes au sein de l’UQAM et est aussi défendue par le Syndicat des étudiants-employés de l’UQAM (SÉTUE). Ce ne sont pas toutes les victimes qui désirent déposer une plainte. Parfois, elles ne désirent qu’être entendues et soutenues. Parfois, elles ont besoin d’être accompagnées dans un processus de plainte. Une ressource spécialisée dans les agressions sexuelles pourrait offrir ces services.»
Les personnes ayant été témoins d’actes de harcèlement ou d’agression sexuelle ou ayant reçu des confidences à cet égard ont aussi besoin d’un soutien particulier. «Elles ne savent pas toujours comment intervenir de manière adéquate, note la directrice du BIPH. Notre bureau a l’intention d’offrir des ateliers de formation pour aider ces personnes, comme le font l’Université McGill et l’Université Bishop’s.»
Poursuivre la campagne Sans oui, c’est non!
En mars dernier, l’UQAM s’est jointe au mouvement des universités québécoises pour la mise en œuvre de la campagne Sans oui, c’est non!, dont l’objectif est de prévenir le harcèlement sexuel et les agressions sexuelles au sein de la communauté universitaire. La campagne provinciale ─ qui réunit 16 établissements universitaires et 18 associations étudiantes ─ vise à sensibiliser les employés et les étudiants des universités à l’importance du consentement et aux signes qui y sont associés, à outiller les personnes à réagir adéquatement lorsqu’elles sont témoins de violence sexuelle et à mieux faire connaître les ressources pour les victimes.
Des activités ont déjà été mises sur pied et un atelier de sensibilisation, organisé par le BIPH et les Services à la vie étudiante, a lieu le 26 octobre. «Nous travaillons à mettre en place un comité intersectoriel ayant pour objectif de regrouper le plus grand nombre de représentants de la communauté universitaire afin de réfléchir à la façon de déployer la campagne sur le campus», indique Maude Rousseau. Les syndicats, l’Institut de recherches et d’études féministes (IREF), le doyen de la Faculté de science politique et de droit, Hugo Cyr, ont manifesté leur intérêt à siéger au comité. Josée Fortin, des Services à la vie étudiante, se charge de faire le pont avec les associations étudiantes et divers groupes étudiants sur le campus. Un calendrier d’activités sera bientôt élaboré.»
Activités d’intégration
La semaine dernière, la ministre Hélène David a déclaré que le gouvernement du Québec, de concert avec les universités et les associations étudiantes, imposerait des balises nationales aux activités d’intégration tenues en début d’année scolaire. Les étudiants fêtards qui n’auront pas compris le message pourraient s’exposer à de lourdes sanctions.
«Les Services à la vie étudiante ont travaillé avec les associations étudiantes pour offrir à leurs membres des ateliers de sensibilisation sur les possibilités de dérapage lors de telles activités, lesquelles se transforment parfois en séances d’humiliation, dit la directrice du BIPH. Ces ateliers se poursuivront. Par ailleurs, notre bureau sera davantage présent sur le terrain afin de renforcer les liens avec les associations étudiantes.»