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Lectures de décembre

Notre sélection mensuelle d’ouvrages publiés par des professeurs, chargés de cours, étudiants, employés, diplômés ou retraités de l’UQAM.

6 décembre 2016 à 11 h 12

Mis à jour le 12 juillet 2022 à 9 h 55

Série «Titres d’ici»

Comprendre les organisations humanitaires

L’importance grandissante du rôle des organisations internationales humanitaires (OIH) dans la protection des civils s’explique notamment par la croissance du nombre de catastrophes dans les dernières décennies et par les incidences des conflits sur les populations. À l’instar des entreprises privées, et ce, malgré leur vocation sociale, ces organisations sont en compétition entre elles pour accéder aux ressources. Face à ce phénomène, «il semble donc essentiel de comprendre leur fonctionnement et de faire émerger des débats susceptibles d’améliorer leur efficacité», écrit le professeur François Audet, du Département de management et technologie, dans Comprendre les organisations humanitaires. Développer les capacités ou faire survivre les organisations?, un ouvrage largement inspiré de sa thèse de doctorat. Directeur de l’Observatoire canadien sur les crises et l’aide humanitaires (OCCAH), François Audet a travaillé pendant 15 ans pour différentes organisations humanitaires aux quatre coins du monde. Basé sur l’étude de neuf organisations, le présent ouvrage s’intéresse en particulier aux processus décisionnels des dirigeants d’organisations humanitaires occidentales et au renforcement des capacités humanitaires locales. Un renforcement qui pourrait par ailleurs contribuer à réduire la dépendance envers une aide essentiellement étrangère, croit l’auteur. «L’objectif de l’aide étrangère n’est-il pas d’assurer l’autonomisation des institutions locales et l’émancipation des collectivités nationales?» Publié aux Presses de l’Université du Québec.

Les nouveaux démagogues

L’âge des démagogues, du doctorant en histoire Pierre-Luc Brisson, se compose d’une série d’entretiens avec l’ex-journaliste américain Chris Hedges, qui a été correspondant de guerre pour le New York Times pendant 15 ans et lauréat, en 2002, du prix Pulitzer. Désavoué par son propre journal pour avoir dénoncé l’invasion américaine en Irak en 2003, Chris Hedges mène depuis une carrière d’essayiste. Dans cet ouvrage, il explique l’ascension politique de Donald Trump, critiquant au passage les démocrates, qu’il juge responsables de la déréliction politique qui a fait perdre la tête à l’Amérique. Les entretiens, réalisés entre décembre 2015 et juin 2016, reflètent l’évolution de l’actualité nationale et internationale, marquée notamment par les attentats terroristes à Paris et à Bruxelles. «Cette actualité a servi de matériau à nos entretiens, sans nous empêcher d’aborder des questions plus larges, telles que la montée des populismes en Amérique comme en Europe et les phénomènes du nationalisme et du fondamentalisme religieux, auxquels s’abreuvent les nouveaux démagogues», écrit Pierre-Luc Brisson, collaborateur à l’émission Plus on est de fous, plus on lit!, sur les ondes de Radio-Canada. «Ces démagogues, dit Chris Hedges, «jouent la carte du racisme, exaltent les sentiments xénophobes, excitent le nationalisme le plus obtus et diabolisent ceux qui sont définis comme “les autres”». Paru chez Lux Éditeur.

Capitalisme cybernétique

«Il était temps qu’un capitaliste fasse une révolution.» C’est le slogan qui accompagne la mise en marché du premier ordinateur personnel par Apple, en 1984. Cette année-là, on assiste aussi aux premières déréglementations du secteur des télécommunications et de celui de la finance aux États-Unis. Ces événements préparent l’émergence de la «société globale de l’information», affirme le professeur de l’École des médias Maxime Ouellet dans La révolution culturelle du capital. Le capitalisme cybernétique dans la société globale de l’information. Si 1984 fait aussi référence au titre du roman dystopique de George Orwell, «l’euphorie entourant la démocratisation des ordinateurs personnels n’était pas encore entachée par les révélations sur la surveillance de masse que l’affaire Snowden a mise en lumière», souligne l’auteur. Selon lui, nous sommes entrés dans une nouvelle ère où la communication cybernétique s’érige en tant qu’instance suprême de régulation de la pratique sociale. Loin de la promesse d’une «nouvelle démocratie, égalitaire, participative et consensuelle», cette «révolution culturelle» nous entraîne plutôt, selon lui, vers un totalitarisme caractérisé par une dynamique de surveillance généralisée. «Dans le capitalisme globalisé et informatisé, le politique se mute ainsi en système cybernétique de gestion automatisée des problèmes sociaux», écrit Maxime Ouellet, pour qui cette évacuation du politique contribue à expliquer la résurgence des populismes d’extrême-droite et de la violence irrationnelle – voire du terrorisme – qui afflige nos sociétés. Publié chez Écosociété.

Le crépuscule de la chevalerie?

À la fin du Moyen Âge, face à l’action combinée de l’État, de l’expérience de la guerre moderne et du déclin de la noblesse, on assiste à ce qu’il est convenu d’appeler le «crépuscule de la chevalerie». «La diffusion des armes à feu individuelles ainsi que l’essor des infanteries et des cavaleries légères auraient sonné le glas d’une chevalerie incapable de s’adapter aux armes et aux tactiques de la guerre moderne», écrit le professeur du Département d’histoire Benjamin Deruelle dans De papier, de fer et de sang. Chevaliers et chevalerie à l’épreuve de la modernité (ca 1460 – ca 1620). Mais tout n’est pas si simple. L’opposition entre «guerre chevaleresque» et «guerre moderne» repose sur des études désormais contestées, affirme l’auteur. Au 16e siècle, l’idéal chevaleresque continue d’imprégner l’aristocratie, qui organise des tournois lors de tous les grands événements politiques, et la littérature chevaleresque est en plein essor. À la lumière de ces considérations, Benjamin Deruelle propose une relecture de la chevalerie au tournant du Moyen Âge et de la période moderne. Son livre revisite ainsi les figures multiples du chevalier au moment même où ce mythe fondateur de l’imaginaire occidental «est reforgé dans le papier, le fer et le sang de la guerre». Paru aux Publications de la Sorbonne.

Faire avec… les matières résiduelles

Le Centre d’artistes en art actuel des Îles-de-la-Madeleine AdMare a invité, en 2012, la commissaire indépendante Véronique Leblanc, diplômée et chargée de cours au Département d’histoire de l’art, à mettre en place un projet d’exposition qui permettrait de réfléchir à de nouvelles manières de penser la gestion des matières résiduelles. La municipalité des Îles-de-la-Madeleine se distingue, en effet, par ses initiatives de réduction de la quantité des matières destinées à l’enfouissement. Intitulé Faire avec, le projet, qui allie résidence d’artistes, exposition et livre d’art, a réuni 10 artistes avec pour objectif de produire et de disséminer dans l’espace public des œuvres in situ – sculptures, photos, œuvres performatives et sonores. Avec le vent, de Jean-Pierre Gauthier, une installation sonore dans une saline située sur le site historique de La Grave à Havre-Aubert, amplifie, transforme et diffuse les sons du vent. Le Soutien-côte, de Marianne Papillon, consiste en une installation monumentale sur la falaise du Parc de Gros-Cap, réalisée à partir d’un millier de soutiens-gorge récoltés auprès de femmes du Québec. Le livre présente les créations réalisées dans le cadre du projet ainsi que des textes de réflexion de Véronique Leblanc et de Gentiane Bélanger, doctorante en histoire de l’art. Paru aux éditions AdMare.

Une quête du silence

L’action d’Autour d’Éva, le dernier roman de Louis Hamelin (M.A. études littéraires, 1992), se déroule en Abitibi. La quête de cette histoire en est une de paix, de silence, sur fond de tensions entre développeurs et écologistes. Après avoir vécu 10 ans à Montréal, Éva, personnage central du roman, revient s’installer dans sa ville natale, Maldoror, plus précisément dans le chalet de son père, au bord du lac Kaganoma. Son projet ? Ne faire absolument rien pendant un an. Elle veut habiter seule avec son chien, marcher dans le bois, réfléchir, mener une vie un peu contemplative. Une sorte de ressourcement radical. Cependant, son plan ne fonctionnera pas comme elle l’entendait. Elle décide de s’engager dans un mouvement de protestation lancé par des riverains du Kaganoma, qui se mobilisent pour protéger leur trésor face à des promoteurs locaux. Avec humour et ironie, l’auteur, professeur invité au Département d’études littéraires et chroniqueur au quotidien Le Devoir, croque ses personnages avec l’œil du moraliste, mais sans jamais les juger, opposant la sauvagerie de la nature à la dérisoire sauvagerie des hommes. «Je ne suis pas dans une vision manichéenne des choses – les héros contre les vilains –, a déclaré Louis Hamelin à propos de son roman. On est dans l’humain et l’humain, c’est la contradiction». Paru chez Boréal.