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Bouleversements touristiques

La Chaire de tourisme Transat dévoile les 10 tendances qui marqueront le tourisme d’ici la fin de la décennie.

Par Pierre-Etienne Caza

25 janvier 2016 à 15 h 01

Mis à jour le 27 janvier 2016 à 15 h 01

Photo: iStock

La Chaire de tourisme Transat de l’École des sciences de la gestion (ESG UQAM), en collaboration avec Tourisme Montréal, a dévoilé le 20 janvier les 10 grandes tendances qui marqueront l’industrie du tourisme d’ici la fin de la décennie. Le tourisme expérientiel, sensoriel et immersif deviendra incontournable. L’éclatement des modèles traditionnels et l’omniprésence de la technologie influenceront plus que jamais la planification d’un voyage.

Paul Arseneault
Photo: Émilie Tournevache

Ces courants affecteront les décisions des consommateurs et les actions des intervenants touristiques sur le plan local, national et international. «L’accélération prévisible au cours des quatre prochaines années des tendances sera plus rapide que celle des dernières décennies. Il faudra désormais mieux comprendre l’évolution des voyageurs et de leurs aspirations profondes afin d’anticiper leurs besoins et attentes et y répondre adéquatement, quels que soient les outils ou technologies sous-jacentes pour y répondre», affirme Paul Arseneault, titulaire de la Chaire de tourisme Transat, directeur du Réseau de veille et professeur au Département d’études urbaines et touristiques. Ce dernier a présenté ces 10 grandes tendances dans le cadre du Gueuleton touristique de la Chaire de tourisme Transat, en compagnie de Pierre Bellerose, vice-président, relations publiques, accueil, recherche et développement du produit chez Tourisme Montréal.

Tourisme sensoriel

Le tourisme à l’aube de l’an 2020 sera expérientiel et sensoriel. «Ce type de tourisme existe déjà, souligne Paul Arseneault. À Stockholm, par exemple, il existe un parcours qui présente 40 lieux aux sonorités particulières. L’idée, c’est que le voyageur puisse se procurer cette trame musciale afin de pouvoir réactiver, à son retour, les sensations ressenties durant le voyage, comme on le fait avec les photos.»

Tourisme urbain

La vision bucolique qui associe automatiquement le tourisme à une île paradisiaque ou aux montagnes est fausse, estime le chercheur. «Bientôt, 70 % des habitants de la planète habiteront en milieu urbain et ces gens voyagent… dans d’autres villes. Voilà pourquoi le tourisme s’urbanise. On pense souvent aux touristes étrangers qui viennent ici et qui veulent de grands espaces. Il y en a, bien sûr, mais la majorité est à Montréal.»

Encore davantage de modèles disruptifs

Les modèles d’affaires à la Airbnb et UberX ne sont pas à la veille d’être mis hors-jeu, au contraire. «De nouveaux modèles d’affaires verront le jour et nous croyons même que ces tendances vont s’institutionnaliser», explique Paul Arseneault.

Hybridation des lieux et des fonctions

Les lieux d’hébergement, comme les hôtels, ne seront plus à vocation unique. «On assistera à de nouvelles propositions qui permettront de combler les moments creux de l’année, précise le professeur. Pourquoi ne pas transformer un étage complet en résidence d’artistes, par exemple, ou en incubateur d’entreprises ? Il n’en tient qu’à l’industrie de trouver des façons innovantes d’utiliser ses lieux.»

Nouvelles saturations et refus du tourisme

À partir des années 1960, l’essor du tourisme a incité les dirigeants et les acteurs du milieu à se doter de règles afin de baliser l’industrie. Puis, au tournant des années 1990, on a vu apparaître le tourisme durable. «La prochaine vague est la saturation de certains marchés et le refus, en quelque sorte, du tourisme, note Paul Arseneault. C’est notamment le cas à Barcelone, où la mairesse a affirmé que le nombre de touristes ne devait plus augmenter, car les nuisances sont désormais plus élevées que les bénéfices pour les habitants de la ville. D’autres lieux sont trop fréquentés, comme Venise ou le Machu Picchu. Les océans qui montent joueront également un rôle, car certains endroits n’existeront tout simplement plus à la fin du siècle.»

Innovation ouverte et cocréation

L’ancien modèle de l’industrie touristique était simple: un promoteur et un architecte planifiaient et réalisaient un projet, qui était ensuite rendu accessible au public. «Dorénavant, le client est impliqué au tout début du processus afin qu’il participe à la création des lieux. Son avis façonne la réalisation des nouveaux projets touristiques. C’est une nouvelle manière de gérer l’offre touristique en s’assurant une clientèle engagée», explique le chercheur.

De la mobilité à l’omniprésence

Avec tous les appareils mobiles en circulation, nous sommes déjà dans l’ère du tourisme de mobilité et cela ira en s’intensifiant. «La technologie permet de se projeter dans la destination, mais aussi d’être partout et nulle part à la fois, explique Paul Arseneault. L’industrie touristique devra ajuster son offre à la réalité virtuelle et augmentée. Il sera possible de multiplier les expériences touristiques sans même se déplacer. C’est un monde de possibilités, parfois effrayantes en un sens car les relations virtuelles ne sont pas l’équivalent d’une rencontre en chair et en os, mais les générations de gamers et d’adeptes de jeux vidéo qui socialisent en ligne ne le conçoivent pas ainsi. Ils contribueront à transformer l’expérience touristique.»

L’apogée de la personnalisation

Une compagnie aérienne teste présentement le «nec plus ultra» de la personnalisation touristique. À l’aide d’une application dans laquelle sont enregistrés des renseignements sur les voyageurs – y compris des photos –, les hôtesses de l’air sont en mesure d’aborder les gens assis dans l’avion par leur nom et savoir ce qu’ils ont consommé lors de leurs vols précédents. D’autres compagnies testent des algorithmes qui permettent de mesurer l’adéquation entre les recherches effectuées sur les appareils mobiles et ce que les gens ont réellement acheté ou visité comme lieux. «On n’a pas idée à quel point nos téléphones intelligents amassent des données sur notre vie quotidienne jusque dans ses moindres détails», souligne Paul Arseneault.

La quête permanente du mieux-être

L’industrie touristique s’inscrit depuis quelques années dans la quête du bien-être, qui vise un équilibre entre plaisirs gastronomiques avec menus santé, soins pour le corps, détente, etc. «On vous promet dorénavant de mieux dormir pour être plus reposé et en faire plus le lendemain! Ce n’est pas nécessairement quelque chose de positif en soi, mais le tourisme ne fait que répondre à une demande bien réelle. La performance s’est infiltrée partout et l’industrie touristique n’y fait pas exception.»

Tourisme immersif et quête d’authenticité

Enfin, le tourisme immersif et la quête d’authenticité seront incontournables. «Personne ne veut avoir l’air d’un touriste quand il voyage, note Paul Arseneault. Voilà pourquoi on développe des applications ou des services qui renforcent le sentiment de se fondre dans la faune locale, comme la chaîne Hilton qui ouvre certains établissements sans gym, préférant offrir à ses usagers des laisser-passer dans un gym local. Une entreprise teste présentement un collier qui traduit en temps réel les propos de votre interlocuteur, réduisant ainsi la barrière linguistique. C’est aussi le cas d’un opéra à Paris qui teste des lunettes avec sous-titres intégrés.»