Série «Sur le terrain»
Des diplômés de l’UQAM qui ont fait leurs preuves répondent à 10 questions sur leur univers professionnel.
Lauréat 2009 du prix Reconnaissance de la Faculté de science politique et de droit, l’avocat Jean-Pierre Ménard (LL.B., 1978) est reconnu comme le défenseur des usagers du système de santé. Depuis 1985, il dirige le cabinet Ménard, Martin Avocats, qui se spécialise exclusivement en droit de la santé. Celui-ci s’occupe de plus de la moitié des poursuites intentées en responsabilité médicale et hospitalière devant les tribunaux québécois. Il favorise l’accessibilité, la qualité et la sécurité des soins et offre une défense aux clientèles vulnérables: personnes âgées, handicapées et psychiatrisées.
Jean-Pierre Ménard s’est fait connaître pour avoir défendu des causes à portée sociale, dont plusieurs recours collectifs (hôpital Saint-Charles-Borromée, hôpital Rivière des Prairies, enfants autistes, etc.). Il a aussi présidé le comité de juristes experts désigné par le gouvernement du Québec pour étudier la mise en œuvre des recommandations de la Commission de l’Assemblée nationale du Québec sur la question de mourir dans la dignité. Il a reçu, en 2009, la distinction d’avocat émérite par le Barreau du Québec.
Quelle est la plus grande qualité pour être heureux dans votre domaine?
Être passionné par son métier. Percevoir ce que l’on fait comme étant juste et utile est aussi très important. Quand des clients – des jeunes, des personnes âgées, des personnes handicapées – me disent qu’elles apprécient mon travail, cela me touche particulièrement.
Votre plus grande réussite?
Le cabinet où je travaille, qui réunit 20 avocats possédant tous une maîtrise en droit de la santé, a donné le sentiment à plusieurs citoyens qu’ils pouvaient compter sur son aide pour protéger leurs droits. Je suis aussi très fier du Guide des droits des usagers du système de santé, un site web très fréquenté que nous avons mis 15 ans à bâtir et qui regroupe un millier de pages d’information. Enfin, nous avons réussi récemment à forcer le gouvernement fédéral à intervenir pour faire cesser la pratique des frais accessoires en santé au Québec – lesquels s’élèvent à des dizaines de millions de dollars – au grand dam du ministre Gaétan Barrette (N.D.L.R.: Ces frais vont à l’encontre de la Loi canadienne sur la santé, qui garantit le droit d’accès à des soins médicaux sans égard à la capacité de payer du patient N.D.L.R).
Un faux pas qui vous a servi de leçon?
J’en ai commis plus d’un au cours de ma carrière. Dans certains dossiers, j’ai eu parfois le sentiment de ne pas avoir écouté suffisamment mes clients. Le danger qui nous guette dans ce métier, c’est de se trouver bon, voire infaillible. Il faut avoir l’humilité de reconnaître ses erreurs. Je suis un avocat en litiges et j’ai plaidé des centaines de causes. J’en ai gagné et j’en ai perdu. En général, j’ai toujours plus appris de celles que j’ai perdues.
Un bon coup d’un compétiteur que vous auriez aimé faire?
Notre cabinet, qui traite 50 à 60 % des poursuites en santé au Québec, n’a pas vraiment de compétiteur. Par contre, nous avons des adversaires. Ce qu’ils m’ont appris, surtout au début de ma carrière, c’est l’importance de bien préparer ses dossiers. Dans le type de causes que je plaide, c’est la clé du succès.
La dernière tendance dans votre secteur?
Le désengagement de l’État constitue la tendance lourde. Cela a un impact considérable sur les droits des usagers, lesquels ont de plus en plus de difficultés à bénéficier de services de qualité. Chaque jour, nous recevons 15 à 20 appels de nouveaux clients. J’observe aussi une volonté croissante de la part des citoyens de se réapproprier le pouvoir de contrôler leur vie et leur santé. On l’a bien vu dans le dossier des soins de fin de vie.
Et ce qui est définitivement dépassé?
Les citoyens ont de moins en moins confiance dans le système de santé et dans sa capacité de répondre à leurs besoins. Et les messages envoyés par le gouvernement à cet égard ne sont pas rassurants. Ce qui est aussi dépassé, c’est le processus de traitement des litiges, beaucoup trop long et coûteux pour les citoyens.
Sur la scène nationale ou internationale, qui est le «gourou» de l’heure?
Les dernières modes m’influencent peu. Les gens qui m’impressionnent et que je respecte le plus sont ceux qui font avancer la justice sociale, les droits des citoyens et la protection des plus vulnérables. Je pense, notamment, à l’avocat qui a défendu Omar Khadr. Je pense aussi aux nombreux avocats – à des médecins également – qui défendent des causes et des principes sans chercher leur profit personnel.
Nommez une étoile montante qui vous inspire
J’ai le plus grand respect pour les jeunes juristes qui ont fondé la clinique Juripop et Avocats sans frontières parce qu’ils défendent l’accessibilité à la justice. Quand j’enseigne à des étudiants de la maîtrise à l’Université de Montréal et à l’Université de Sherbrooke, je leur dis toujours que je suis privilégié d’exercer un métier qui, selon les choix que l’on fait, peut générer une plus grande justice.
Quel est le livre qu’il faut lire en ce moment?
Je suis féru d’histoire et de géopolitique. En ce moment, je lis un numéro spécial d’une revue consacré à la guerre de sécession aux États-Unis. La connaissance de l’histoire nous aide à comprendre des phénomènes, comme ceux du racisme, de la pauvreté et du sexisme, à réfléchir sur le devenir de la société et à agir pour l’influencer.
Les deux principaux conseils que vous donneriez à un jeune qui commence sa carrière?
Savoir ce que l’on aime faire et viser haut dans la défense du bien commun. On n’est jamais trop ambitieux quand il s’agit d’améliorer le fonctionnement de la société.