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Patrimoines hospitaliers

À mi-chemin entre installation immersive et exposition d’archives, le projet témoigne de la disparition de l’hôpital Saint-Luc.

Par Valérie Martin

30 août 2016 à 17 h 08

Mis à jour le 31 août 2016 à 10 h 08

L’exposition Patrimoines de l’artiste et diplômé Yann Pocreau (B.A. histoire de l’art, 2005; M.A. arts visuels et médiatiques, 2008) inaugure la nouvelle saison 2016-2017 de la Galerie de l’UQAM. Conçu dans le cadre du programme de résidence d’été de la Galerie, le projet allie archives, artéfacts, objets, photographies de chantier, vidéo, installation immersive et œuvre lumineuse, avec comme point de départ le démantèlement de l’hôpital Saint-Luc, sur le site duquel est aménagé le nouveau complexe du CHUM.

«J’avais envie de mettre de l’avant à la fois notre attachement paradoxal à cet hôpital montréalais et la signification de sa disparition éventuelle pour la population, souligne Yann Pocreau. Saint-Luc est à la fois porteur d’histoires individuelles et collectives; l’hôpital a marqué notre existence selon l’expérience que l’on y a vécue: pour certains c’est l’endroit où ils sont nés; pour d’autres, le lieu où leur mère est décédée», exprime l’artiste. Yann Pocreau bénéficie, depuis deux ans, d’un accès privilégié au chantier du futur mégahôpital et travaille en étroite collaboration avec le personnel pour réaliser son projet.

Yann Pocreau

Parmi les œuvres phares de l’exposition: une installation lumineuse composée de 772 ampoules représentant le nombre de chambres disponibles pour les patients du nouveau CHUM, ainsi qu’une reconstitution d’une salle de l’hôpital Saint-Luc, le tout conçu à partir d’éléments récupérés ou prêtés par l’hôpital. «Je voulais que l’on puisse ressentir toute la charge symbolique de ces objets», explique Yann Pocreau.

Filmée en collaboration avec la cinéaste et artiste Anna Lupien (B.A. communication, 2005; M.A. sociologie, 2011), une vidéo sur Auriette Breton, infirmière-chef et doyenne des employés de Saint-Luc, sera aussi projetée. «J’avais envie de donner la parole au personnel de Saint-Luc, raconte l’artiste. Auriette Breton y travaille depuis 1961. C’est un personnage marquant: elle est une femme à la fois douce, autoritaire et disciplinée.»

Les visiteurs pourront également voir divers objets et artéfacts patrimoniaux, sélectionnés avec l’aide de Marie-Charlotte Franco, doctorante en muséologie. Pour le jour du vernissage (le 6 septembre), Yann Pocreau promet quelques surprises, dont cinq recettes réconforts concoctées par la chef Marguerite-Anne Barry du M Kitchen, qui s’occupe des repas chez Construction Santé Montréal, l’entrepreneur responsable de la construction du CHUM. Les plats rappelleront les menus d’antan.

Patrimoines est né d’un plus vaste projet étalé sur sept ans dans le cadre du programme d’intégration de l’art à l’architecture (1 %). Intitulé Œuvres processus, le corpus explore le contexte particulier et inusité du chantier hospitalier, tout en s’intéressant à son architecture et aux impacts d’une telle construction sur les usagers et les patients. «Cela prendra, au final, la forme d’un livre», précise Yann Pocreau, qui est aussi chargé de cours à l’École des arts visuels et médiatiques (EAVM). La publication sera lancée en version web uniquement en 2020, date coïncidant avec l’inauguration du mégahôpital. Seuls les premiers patients qui dormiront au nouveau CHUM recevront une copie papier de l’œuvre, assure l’artiste.

Depuis 2009, le programme de résidence de la Galerie de l’UQAM est offert tous les deux ans aux artistes en arts visuels. La formule permet aux créateurs de travailler dans les espaces inutilisés de la Galerie durant l’été et d’exposer le fruit de leur travail à l’ouverture de la programmation automnale. «C’est un soutien incroyable! On met à notre disposition une équipe professionnelle qui nous aide à réaliser chaque étape de notre projet», témoigne Yann Pocreau, qui est en terrain connu puisqu’il a déjà participé à trois expositions collectives de la Galerie de l’UQAM.

Plusieurs événements autour des thèmes du patrimoine et de l’architecture seront au programme durant l’exposition, dont une table ronde, un forum étudiant ainsi que deux visites commentées de l’exposition en compagnie de Yann Pocreau (le 14 septembre, à 17 h 30, et le 7 octobre, à 12 h 45).

Activités gratuites à la Galerie de l’UQAM dans le cadre de l’exposition Patrimoines

Table ronde Arts actuels et soins de santé : un espace partagé
Lundi 12 septembre 2016, de 13 h 30 à 17 h
Cette table ronde permettra au public de discuter avec un panel d’experts de l’impact des lieux physiques sur le bien-être des patients; de l’hôpital non pas uniquement comme lieu de soins, mais également comme vaste structure de recherche; des nouveaux champs de réflexion touchant la ville, la vulnérabilité de certains groupes et l’art; et de l’importance du CHUM dans le contexte d’un quartier au profil social complexe comme Ville-Marie. Avec Azad Chichmanian, architecte associé chez NEUF architect(e)s; Tamar Tembeck, attachée de recherche et développement à l’Université McGill, le Dr. Réjean Thomas, fondateur et président-directeur général de la Clinique médicale l’Actuel; Mona Trudel, professeure à l’École des arts visuels et médiatiques et titulaire de la Chaire de recherche pour le développement de pratiques innovantes en art, culture et mieux-être; Yann Pocreau, artiste, et Marie-Charlotte Franco, doctorante en muséologie.

Forum étudiant Muséologie, hôpitaux et patrimoines
Vendredi 7 octobre 2016, de 14 h à 16 h
Le projet Musée-école en collaboration avec le CHUM a permis à plus de 100 étudiants du séminaire Collections et conservation de la maîtrise en muséologie de réfléchir aux questions patrimoniales à l’Hôpital Saint-Luc, à l’Hôtel-Dieu et à l’Hôpital Notre-Dame. L’événement sera l’occasion de revenir sur leur expérience et celle des employés du CHUM et de discuter des enjeux auxquels ils ont eu à faire face sur le terrain.

Pour plus d’information: https://galerie.uqam.ca/fr/activites-publiques/lart-observe.html

Away from Keyboard

La Galerie de l’UQAM présente également Away from Keyboard, de l’artiste Lieven Meyer, finissant à la maîtrise en arts visuels et médiatiques, une installation vidéo explorant les nouvelles configurations de l’esthétique classique tout en questionnant notre rapport aux idéaux, entre la matérialité de la sculpture et l’évanescence des identités développées en ligne.

Lieven Meyer, «Away From Keyboard», 2016, image tirée de l’installation vidéo.

Lieven Meyer tente avec ce projet artistique de détecter l’apparition d’un néoclassicisme 2.0 dans l’esthétique de réseaux sociaux comme Second Life, où des corps idéalisés évoluent dans des architectures bigarrées. Au sein de la plateforme Second Life, l’expression Away from Keyboard (AfK) marque l’absence de l’utilisateur du clavier alors qu’il demeure incarné dans le monde virtuel à l’aide de son avatar. L’exposition cherche ainsi à explorer ce phénomène entre présence et absence, entre condition matérielle et immatérielle. Pour ce projet, l’artiste a conçu une sculpture de bronze basée sur la figuration du corps médiatisé de son avatar. Quatre projections vidéo documentent, selon divers angles, les étapes de création de cette sculpture, posant une tension entre la production matérielle et sa réalité numérique.

Né en 1980 à Berlin Est, Lieven Meyer a vécu au sein d’une société en profonde transformation, basée sur la fusion de deux mondes idéologiquement opposés. Cette influence se reflète dans sa pratique de déconstruction et de reconstitution de la sculpture classique, passant par sa confrontation à différents contextes politiques et performatifs, comme les lieux de la production artistique ainsi que le monde virtuel des médias sociaux. C’est à Berlin Est qu’il a d’abord pratiqué le dessin et la peinture en tant qu’autodidacte pendant plusieurs années, avant d’entamer ses études à l’Académie des Arts de Kiel, en Allemagne du Nord. Après l’obtention de son baccalauréat, en 2013, grâce à une bourse du DAAD (Office allemand d’échanges universitaires) et à une bourse attribuée par l’UQAM aux étudiants étrangers, il a pu poursuivre sa formation à la maîtrise à Montréal.

Les vernissages de Patrimoines et d’Away from Keyboard auront lieu le mardi 6 septembre, à 17 h 30. Les expositions se terminent le 8 octobre prochain.