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Favoriser l’accès à la justice

Des chercheuses de l’UQAM collaborent au projet ADAJ afin de remettre le citoyen au cœur du système juridique.

Par Claude Gauvreau

5 octobre 2016 à 9 h 10

Mis à jour le 9 juin 2022 à 9 h 29

Un nouveau projet de recherche, Accès au droit et à la justice (ADAJ), le plus important du genre au Canada, a vu le jour récemment. Ce projet a été mis sur pied par un consortium regroupant 42 chercheurs, dont 7 de l’UQAM, provenant de 9 universités et 44 partenaires du monde de la justice. Le professeur Pierre Noreau, de la Faculté de droit de l’Université de Montréal, est le directeur scientifique du projet.

Les travaux du consortium se déploieront dans 20 chantiers de recherche, chacun comportant différents projets-pilotes, et se poursuivront sur une période de six ans. Les chantiers aborderont des problèmes auxquels la justice et les citoyens sont confrontés aujourd’hui: la multiplication des citoyens qui se représentent seuls devant les tribunaux, l’incompréhension du langage juridique, le développement des pratiques de médiation et de conciliation, la compensation du justiciable par recours collectif, la méfiance du citoyen vis-à-vis des praticiens de la justice. Chaque chantier mettra à contribution l’expertise des chercheurs universitaires et les connaissances des acteurs du système de justice.

L’objectif central est de remettre le citoyen au cœur du système juridique. «Trop de citoyens n’ont pas accès au système de justice et quand c’est le cas, le processus est long, coûteux et difficile», souligne la professeure du Département des sciences juridiques Emmanuelle Bernheim, qui est membre du comité scientifique du projet ADAJ. «Un autre objectif, poursuit-elle, consiste à changer la culture juridique et judiciaire, laquelle est peu axée sur l’utilisation de données issues de la recherche. Ces dernières peuvent servir d’indications sur la voie à prendre pour améliorer l’accès au système judiciaire.»

Bénéficiant d’une subvention de 2,5 millions de dollars du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, le projet ADAJ a également reçu 1,4 millions de dollars de différents partenaires.

Seul devant la justice

Emmanuelle Bernheim est responsable du chantier de recherche  L’autoreprésentation et le plaideur citoyen. Le nombre de citoyens appelés à se représenter seuls devant les tribunaux, en matière civile ou criminelle, sans même avoir eu accès à des conseils juridiques, s’est multiplié ces dernières années. «Accéder au système judiciaire, cela coûte cher, note la chercheuse. Près de 90% des plaideurs citoyens déclarent ne pas avoir les moyens de payer pour les services d’un avocat. Par ailleurs, le système d’aide juridique n’est pas accessible à tout le monde et n’offre pas une couverture complète.»

Le risque lié à l’autoreprésentation doit être assumé par le plaideur citoyen lui-même, poursuit Emmanuelle Bernheim. «Aller en cour constitue déjà, en soi, une expérience difficile. Si en plus on est seul, on se sent moins bien préparé à affronter le protocole judiciaire, lequel peut être très compliqué. En 2015, les personnes qui se sont présentées sans avocat devant le Tribunal administratif du Québec ont perdu leur cause dans plus de 75 % des dossiers. Les juges sont obligés d’apporter une certaine assistance au citoyen sans avocat, tout en se gardant de favoriser l’autre partie. Souvent, ils ne savent pas jusqu’où ils peuvent aller.»

En collaboration avec une clinique juridique communautaire, la professeure et son équipe visent à établir dans le district de Montréal un projet-pilote de soutien et de suivi des citoyens plaideurs. «Les cliniques juridiques communautaires étant sous-financées, elles disposent de peu de ressources et peinent à offrir des services continus, observe Emmanuelle Bernheim Les citoyens peuvent y obtenir des conseils, mais ils sont par la suite laissés à eux-mêmes. Nous aimerions suivre ces personnes dans leurs recherches juridiques et les accompagner, notamment quand elles doivent aller au Palais de justice. Il semble qu’un accompagnement individuel en cour soit plus efficace que le fait de donner de l’information juridique dans le cadre d’une brève consultation dans un bureau.»

Des documents arides

La professeure Florence Millerand, du Département de communication sociale et publique, est associée pour sa part au chantier de recherche Le plumitif accessible. Le plumitif est un document contenant des informations juridiques à caractère public, relatif  à une instance civile ou criminelle, qui permet aux citoyens d’avoir accès au suivi de leur dossier. «L’information disponible est souvent aride et fragmentaire, souligne la chercheuse. Aujourd’hui, les plumitifs sont essentiellement consultés par des professionnels du droit, par des personnes travaillant à l’administration de la justice ou faisant de la vérification d’antécédents judiciaires. Or, dans un contexte où le nombre de parties non représentées ne cesse d’augmenter et alors que celles-ci doivent consulter un plumitif, il faut se préoccuper de la compréhension qu’elles ont des informations disponibles.» L’objectif du chantier est de concevoir une plateforme qui favorisera l’accès aux plumitifs et facilitera leur compréhension et leur lisibilité.

Outre Emmanuelle Bernheim et Florence Millerand, cinq autres professeures de l’UQAM collaborent au projet: Dominique Bernier (Chantier L’autoreprésentation et le plaideur citoyen), Dalia Gesualdi-Fecteau (Chantier Mesure de l’accès à la justice) et Martine Lachance, du Département des sciences juridiques, ainsi que Sandrine Prom Tep (Chantier Le plumitif accessible), du Département de marketing de l’ESG UQAM, et Maryse Potvin (Chantier Éducation juridique en milieu scolaire), du Département d’éducation et formation spécialisées.