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Libérer le dessin

Invité par le Centre Figura, le caricaturiste Plantu fait salle comble à la Cinémathèque.

Par Claude Gauvreau

21 janvier 2016 à 15 h 01

Mis à jour le 22 janvier 2016 à 10 h 01

Plantu commente l’une de ses caricatures devant plus d’une centaine de personnes à la Cinémathèque québécoise. Photo: Jean-François Hamelin

«À mon arrivée au Mexique, un collègue m’avait dit d’éviter trois sujets: le président de la République, l’armée et la Vierge de Guadalupe. C’est devenu mon agenda de travail!», raconte avec humour le dessinateur de presse d’origine cubaine Angel Boligan dans le documentaire Caricaturistes – Fantassins de la démocratie.

Ce film a été présenté après la conférence Libérez les crayons du caricaturiste français Jean Plantu, qui a attiré plus d’une centaine de personnes à la salle Claude-Jutra de la Cinémathèque québécoise, le 20 janvier. Animé par la doctorante en histoire de l’art Josée Desforges, l’événement était organisé par le groupe de recherche en sémiologie RADICAL. Dirigé par les professeurs Sylvano Santini et Bertrand Gervais, du Département d’études littéraires, le groupe est rattaché au Centre de recherche sur le texte et l’imaginaire Figura.

Caricaturiste au journal Le Monde depuis 1972, Jean Plantu préside le réseau international de dessinateurs de presse engagés Cartooning for Peace, qu’il a cofondé, il y a 10 ans, avec l’ancien Secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan.

«Les caricaturistes dans les journaux ne sont pas des éditorialistes, mais leurs dessins ont la couleur d’un éditorial», a expliqué Jean Plantu lors de sa conférence. Plaidant en faveur de la liberté d’expression, celui-ci a rappelé qu’une caricature est souvent un «cri spontané» pouvant contribuer à alimenter le débat sur les différentes formes d’injustice, d’intolérance et d’abus de pouvoir.

Le dessinateur de presse reconnaît que les caricaturistes peuvent parfois choquer, provoquer, voire déraper. «Il est toujours difficile de tracer la ligne rouge qu’il ne faut pas franchir. On doit tenir compte de la culture de nos lecteurs en versant le moins possible dans l’autocensure.»

Jean Plantu est souvent invité à visiter des écoles en France. «J’essaie d’expliquer le rôle et la nature du travail des dessinateurs de presse, notamment à l’ère d’Internet, ainsi que l’importance d’être à l’écoute de ce qui se passe ailleurs. On a beaucoup de choses à apprendre sur la manière dont les autres interprètent une caricature. Les regards des dessinateurs d’autres pays, par exemple, m’ont aidé à comprendre comment mon propre pays et ma propre culture étaient perçus à l’étranger.»

Fantassins de la démocratie 

Caricature de Plantu.
 

Réalisé en 2014 par Stéphanie Valloatto, le documentaire Caricaturistes – Fantassins de la démocratie produit aujourd’hui, un an après les attentats contre Charlie Hebdo, une résonnance toute particulière. Le film met en scène dans leur quotidien 12 caricaturistes à travers le monde – Russie, Chine, Mexique, Algérie, Tunisie, Israël, Palestine… –, dont Plantu lui-même. Il donne un aperçu du courage des dessinateurs qui défendent la démocratie, parfois au péril de leur vie, avec pour seule arme leur crayon. Tous les dessinateurs évoquent leurs démêlés avec le pouvoir et certains les menaces dont ils font sans arrêt l’objet. 

On entend aussi dans le film les propos de l’ambassadeur français François Zimeray, qui parle de la tentative répétée de certains pays aux Nations Unies, lors de l’affaire des caricatures de Mahomet, «d’inscrire le blasphème dans l’ordre juridique international». Kofi Annan, lui, déclare sur ce même sujet: «Il faut nous rendre à l’évidence qu’il existe parfois des tensions, voire des contradictions, entre des valeurs d’égale importance. Dans le cas présent, il s’agit de la liberté d’expression et du respect des croyances d’autrui.» En guise de réponse, Plantu réalisa une fameuse caricature faite de ces seuls mots, Je ne dois pas dessiner Mahomet, je ne dois pas dessiner Mahomet…, lesquels, en se répétant, dessinent la figure du Prophète!