
Connaissez-vous la stimulation transcrânienne à courant continu (STCC)? «Cette méthode emballe une partie de la communauté scientifique, tandis que certains chercheurs s’inquiètent grandement de son utilisation par des citoyens lambda», souligne Gaëlle Dumel. La doctorante en psychologie et sa collègue Nathalie Voarino, candidate à la maîtrise en bioéthique à l’Université de Montréal, invitent le public à un atelier gratuit et interactif intitulé «Un cerveau branché!», le 9 mai prochain, de 11 h à 12 h, au local SU-1380, dans le cadre du festival panquébécois 24 heures de science. Les deux chercheuses présenteront le fonctionnement de la STCC, ses effets sur le cerveau, ses applications et les enjeux éthiques qui en découlent.
La STCC n’a rien à voir avec les traitements aux électrochocs prodigués jadis dans les hôpitaux psychiatriques. «Il s’agit d’un faible courant continu entre deux électrodes placées sur la tête du patient, explique Gaëlle Dumel. Cela permet de stimuler l’activité neuronale d’une zone choisie du cerveau.»
La thèse de la jeune chercheuse, effectuée à l’Hôpital du Sacré-Cœur sous la codirection du professeur Dave Saint-Amour, du Centre de recherche en neurosciences (NeuroQAM), et de Louis De Beaumont, de l’UQTR, porte sur les effets d’un programme de stimulation transcrânienne sur le fonctionnement du cerveau d’individus vieillissants (50 à 70 ans) présentant des antécédents de traumatisme crâniocérébral léger. «Nous tentons de développer un traitement pour contrer les effets indésirables des commotions cérébrales», précise la doctorante.
Les participants à son étude sont soumis pendant cinq jours consécutifs à une séance de 20 minutes de STCC. L’intensité de la stimulation se situe entre un et deux milliampères. «La STCC est appliquée sur le cortex moteur et le participant effectue une tâche motrice en même temps, explique Gaëlle Dumel. Nous mesurons la progression en comparant les résultats aux tests de motricité effectués avant et après le processus – le jour précédant, le jour suivant et trois mois après le traitement. Jusqu’à maintenant, les résultats sont très prometteurs.»
Commotions cérébrales, dépression, Alzheimer, trouble du déficit de l’attention et Parkinson sont dans la mire des chercheurs à travers le monde. «C’est encore très expérimental, précise Gaëlle Dumel. Il faut poursuivre les recherches afin de valider les effets à long terme avec de plus gros échantillons.»
Des pratiques dangereuses
Pendant que la communauté scientifique poursuit ses travaux, des gens en bonne santé se bricolent eux-mêmes une machine de STCC – il existe un tutoriel sur YouTube! – afin d’augmenter leurs facultés intellectuelles. On prête en effet à la STCC des vertus sur l’acuité de la mémoire et de l’attention, entre autres. «Nous le déconseillons fortement!» s’exclame Nathalie Voarino, qui s’intéresse aux enjeux éthiques liés au développement des usages de la STCC chez les personnes en bonne santé. «C’est de l’électricité envoyée au cerveau, rappelle-t-elle. L’intensité, la durée et la fréquence peuvent avoir des conséquences importantes sur la santé. Il est de loin préférable que ce genre de manipulation ait lieu dans le cadre d’un protocole de recherche rigoureux.»
Le retour de l’électricité
Les deux collègues, devenues de bonnes amies, ont préparé leur atelier de vulgarisation scientifique afin d’informer le public des avantages, des inconvénients et des risques liés à la STCC. «Nous voulons lancer le débat dans la sphère publique, car la population doit connaître les enjeux qui y sont liés», soulignent-elles.
Lors de l’atelier, les chercheuses se pencheront sur l’utilisation de la STCC à travers l’histoire. «Dans la Rome antique, des médecins utilisaient les décharges électriques produites par les poissons comme la torpille pour soigner les maux de tête. On mettait le poisson directement sur la tête des patients et on attendait qu’il se décharge de son électricité», souligne Gaëlle Dumel.
On retrouve également des traces de l’utilisation de la stimulation transcrânienne au 18e siècle, notamment pour traiter des troubles psychiatriques. «Le traitement des troubles cognitifs est récent, fait remarquer Nathalie Voarino, qui effectue ses recherches sous la direction de Bryn Williams-Jones. Durant le dernier demi-siècle, on s’est désintéressé de la STCC à cause des abus liés aux électrochocs et du développement fulgurant de la pharmacologie. Les recherches en chimie ont accaparé la majeure partie du financement. Mais depuis une dizaine d’années, la STCC revient en force.»
Une démonstration avec un mannequin aura lieu lors de l’atelier, avec présentation schématique de l’action du courant continu sur le cerveau. Les différents usages, bons et mauvais, seront passés en revue, tout comme les effets secondaires connus – maux de tête, sensation de brûlure et de picotement lorsque l’on actionne le courant – et potentiels. La séance se terminera par une discussion sur les enjeux éthiques de la STCC. On s’interrogera entre autres sur la recherche de la performance à tout prix dans nos sociétés contemporaines, qui ouvre la porte à une utilisation dangereuse de ce type de technologie.
Entre les vertus de la recherche sur la STCC, qui pourrait aboutir à des traitements potentiels, et les risques de dérive d’un usage personnel visant la neuro-amélioration, il y a une zone grise que l’on commence à peine à identifier. «C’est ce qui rend nos travaux respectifs si intéressants», concluent en riant les deux chercheuses.
Les effets de la lumière dans un étang de Montréal
Les étangs urbains semblent bien calmes en surface, mais ils renferment un écosystème très riche et surprenant! Dans la cadre de 24 heures de science, des étudiants en écologie aquatique du Groupe de recherche interuniversitaire en limnologie et en environnement aquatique (GRIL) feront découvrir au public les secrets de l’étang du parc La Fontaine. Au programme: explication de l’importance de la lumière dans les lacs, démonstration de méthodes de récolte des organismes, séance de microscopie d’algues, de zooplancton et d’insectes aquatiques de nos rivières et discussion. L’activité, gratuite, a lieu le 9 mai, de 10 h à 16 h, près de l’Espace La Fontaine, beau temps, mauvais temps!