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Le grand dégel

D’ici 2100, la fonte des calottes glaciaires fera monter le niveau des mers d’au moins 60 centimètres au-dessus du niveau actuel.

Par Marie-Claude Bourdon

27 avril 2015 à 14 h 04

Mis à jour le 27 avril 2015 à 17 h 04

Le professeur Michel Lamothe au-dessus du glacier Tweedsmuir, à la frontière du Yukon et de la Colombie-Britannique.

De larges portions des calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique fondent à vitesse grand V. Et tout indique que ce phénomène, que les scientifiques observent déjà,  va continuer à s’accélérer. Conséquence directe: le niveau des mers augmente. Vers 2100, le niveau global moyen devrait être de 60 centimètres au moins plus élevé qu’actuellement. Peut-être plus. «Il y aura des conséquences qui pourraient être catastrophiques sur la stabilité et l’occupation des zones côtières à travers le monde», affirme Michel Lamothe, professeur au Département des Sciences de la Terre et de l’atmosphère et spécialiste de l’histoire des grandes glaciations.

Michel Lamothe a été invité à prononcer l’une des deux conférences publiques organisées dans le cadre du Congrès de l’American Geophysical Union (AGU), qui se tiendra à Montréal du 3 au 7 mai prochains. L’événement, tenu conjointement avec l’Association géologique du Canada, est l’un des plus importants du genre en Amérique du Nord. Des milliers de délégués sont attendus.

Toutes les régions côtières du monde n’évoluent pas de la même façon. «Certaines, comme Venise, ont tendance à s’enfoncer peu importe le niveau moyen de la mer, alors que d’autres se relèvent», précise Michel Lamothe. Comment prévoir les effets sur chaque littoral d’une augmentation générale du niveau de la mer? «L’amplitude régionale et les impacts locaux de cette hausse appréhendée peuvent être plus justement évalués par l’examen du passé géologique», explique le chercheur, un spécialiste de la datation par luminescence, directeur du Laboratoire de luminescence Lux. «Il faut savoir que ce n’est pas la première fois que le niveau marin augmente à cause de la fonte des glaciers.»

En fait, rappelle Michel Lamothe, pendant 80 % du dernier million d’années, la Terre a été plus ou moins enfouie sous la glace. «Il y a 25 000 ans, dit-il, trois kilomètres de glace recouvraient Montréal.» Tous les 100 000 ans ou à peu près, la Terre connaît ce que l’on appelle une période interglaciaire: les glaciers fondent.

«Nous sommes à la fin de l’une de ces périodes, précise Michel Lamothe. Comme lors des dernières périodes interglaciaires, il ne reste aujourd’hui que les calottes glaciaires de l’Antarctique et du Groenland, plus quelques glaciers dans les hautes montagnes.» Pendant ces périodes de fonte des glaces, le niveau de la mer monte. «Au cours de la dernière période interglaciaire, il y a 125 000 ans, le niveau de la mer avait augmenté d’au moins six mètres par rapport à aujourd’hui», mentionne le professeur. La hausse prévue cette fois-ci sera plus modeste. Mais elle pourrait dépasser 60 centimètres et même atteindre un mètre.

Les périodes interglaciaires durent en général 10 000 à 20 000 ans, après quoi les glaces recouvrent de nouveau la Terre. «Même si nous sommes en train de la retarder à cause du réchauffement climatique, il devrait y avoir une autre glaciation, observe le chercheur. Mais nous ne serons plus là.»

L’observation de l’architecture sédimentaire permet de reconstituer les effets que les hausses passées du niveau de la mer ont eus sur chaque région côtière. «Ces informations peuvent ensuite être utilisées pour mieux orienter les mesures d’adaptation que devront adopter les communautés locales», dit Michel Lamothe.

Le chercheur, qui a lui-même travaillé sur les côtes du Maroc, du Pérou, de l’Italie et de Hong Kong, présentera lors de sa conférence un tour d’horizon des littoraux du monde et de leur histoire géologique. S’il variera d’une région à l’autre, l’effet de la fonte des glaces se fera sentir à l’échelle du globe. «Une augmentation de un mètre, c’est énorme, dit Michel Lamothe, autant pour les régions pauvres, comme le Bengladesh, que pour les riches, comme la Virginie ou le New Jersey. Mon message, c’est que la société doit se préparer à un changement majeur dans la configuration de l’océan et des continents. Il faut en être conscient et agir en conséquence.»

La conférence de Michel Lamothe, ouverte au grand public, est intitulée: «Fonte des calottes glaciaires et relèvement du niveau de la mer: les archives géologiques, du Québec à l’Australie». Elle sera présentée au Palais des congrès, à 15 h, le dimanche 3 mai.