Série «Titres d’ici»
Transmettre la mémoire des arts vivants
En 1983, le chorégraphe québécois Jean-Pierre Perreault crée Joe avec des étudiants en danse et en théâtre de l’UQAM. Cette pièce, l’un des chefs-d’œuvre de la danse contemporaine au Québec, est retravaillée l’année suivante avec une équipe de danseurs professionnels, puis est reprise en 1996 et en 2004. Quel statut doit-on donner à une œuvre chorégraphique ou performative réinterprétée 10 ou 20 ans plus tard par d’autres artistes? L’œuvre est-elle nouvelle ou réactualisée? Comment conserver et transmettre sa mémoire? Ces questions sont au centre de Recréer/Scripter, un ouvrage collectif publié sous la direction d’Anne Bénichou, professeure à l’École des arts visuels et médiatiques. Pratiques artistiques éphémères, engageant le corps, réalisées dans la perspective d’un rapport à un public, la performance et la danse contemporaine requièrent des modes de transmission procédant à la fois de l’archive et de la mémoire orale et corporelle. Selon Anne Bénichou, ce double registre, dont les termes sont trop souvent pensés en opposition, explique pourquoi l’art de la performance et les œuvres chorégraphiques ont échappé, jusqu’à récemment, aux institutions patrimoniales traditionnelles, qui privilégient des conceptions archivistiques, documentaires et matérielles de la transmission. Les auteurs réunis ici par la professeure explorent les pistes que des approches mémorielles de l’archive permettent d’ouvrir. Paru aux Presses du réel.
Travail invisible
C’est un combat aujourd’hui oublié, mais qui fut révolutionnaire en son temps: donner un salaire aux femmes à la maison. C’est d’ailleurs par «devoir de mémoire» que Louise Toupin (Ph.D. science politique, 94), chargée de cours au Département de science politique et cofondatrice des Éditions du remue-ménage, publie cet ouvrage. Le salaire au travail ménager. Chronique d’une lutte féministe internationale (1972-1977) raconte la lutte qui fut menée par des féministes de tous horizons et de nombreux pays afin d’obtenir la reconnaissance et la rémunération du travail domestique invisible accompli par les femmes au foyer. L’auteure rappelle que ce mouvement fut, dès le départ, accusé de piéger les femmes en les renvoyant à leurs fourneaux. Mais ce chapitre évanoui de l’histoire féministe est riche en enseignements concernant de nombreux enjeux actuels, dont le partage des tâches, la conciliation emploi-famille et la sexualité comme travail. Illustré de photos d’époque, d’affiches, de caricatures, d’extraits de journaux, de pages couvertures de livres et de brochures, l’ouvrage propose en épilogue deux entretiens avec les théoriciennes et pionnières du mouvement Mariarosa Dalla Costa, en Italie, et Silvia Federici, aux États-Unis. Publié aux Éditions du remue-ménage.
Pour une retraite décente
L’âge officiel de la retraite au Canada passera graduellement de 65 à 67 ans. Annoncée en 2012 par le gouvernement Harper, cette décision risque de faire mal aux personnes qui n’ont rien d’autre que les régimes de rentes gouvernementaux, à celles qui, souvent, ont exercé des métiers difficiles ou ingrats ou qui ont occupé des emplois précaires, sans bénéficier d’avantages sociaux. L’ouvrage collectif L’assaut contre les retraites, publié sous la direction de Normand Baillargeon, professeur au Département d’éducation et pédagogie, se penche sur ce dossier complexe en proposant un recul critique. Selon ses auteurs, sous prétexte d’assainissement des finances publiques et de choc démographique, les gouvernements allongent la durée des cotisations, exigent que l’on travaille plus longtemps pour percevoir des pensions réduites et proposent que les individus soient responsables d’épargner suffisamment pour financer leur retraite. Il existerait donc une volonté de faire éclater la solidarité intergénérationnelle pour instaurer une société conçue comme un ensemble d’individus économisant pour leur retraite et soumettant leur épargne aux aléas des marchés financiers. Cet ouvrage ne se contente pas, toutefois, de critiquer un projet qualifié de «néolibéral». Il présente des solutions qui se veulent crédibles, économiquement viables et socialement équitables, en vue d’établir un système de retraite démocratique et décent. Paru chez M éditeur.
Le défi pacifique
La fabrique de la paix. Acteurs, processus, mémoires rassemble les actes du colloque international qui s’est tenu à l’Université Paul-Valéry de Montpellier, en France, en octobre 2013, en partenariat avec la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques. Plusieurs questions étaient posées lors de ce colloque. Est-il possible d’identifier un schéma ou des similitudes dans les façons de parvenir à la paix? À l’inverse, les échecs des processus de paix ont-ils des causes communes? Peut-on imposer la paix? Les participants signent des textes qui se penchent sur la Gaule, la Rome et la Grèce antiques ainsi que l’empire perse. Plus près de nous, ils abordent des enjeux liés à la paix avant et après la Seconde Guerre mondiale. Ils reviennent également sur la guerre du Vietnam, sur le Kosovo, l’Égypte, le Liban et le défi de la paix au 21e siècle alors que les Américains sont engagés dans une «longue guerre» contre le terrorisme. L’ouvrage est dirigé par Antoine Coppolani et Jean-François Thomas, de l’Université Paul-Valéry de Montpellier, et Charles-Philippe David, professeur au Département de science politique et titulaire de la Chaire Raoul-Dandurand. Publié aux Presses de l’Université Laval.
La greffe et l’imaginaire
Avec L’imaginaire de la greffe. Le même et l’autre dans la peau, le philosophe Philippe St-Germain, chargé de cours au Département de sciences des religions, s’intéresse au sujet de la greffe par l’entremise d’œuvres cinématographiques et littéraires marquantes comme le Frankenstein de Mary Shelley, les films de David Cronenberg ou L’île du docteur Moreau de H. G. Wells. Il recense dans ce troisième essai les multiples formes possibles de la greffe, dont la figure du monstre. «Telle qu’elle est montrée dans la culture, la greffe donne parfois naissance à des êtres qui ne se conforment pas aux critères traditionnels de beauté et de normalité; qui plus est, ceux qui pratiquent les greffes sont considérés eux-mêmes comme des monstres», écrit l’auteur dans l’ouvrage qu’il dédie par ailleurs à sa mère, malade du cancer, qui a dû subir une greffe importante afin d’augmenter ses chances de survie. Si elle affecte directement le corps, la greffe touche également le greffé dans sa vie intime et psychologique, et soulève un grand nombre de questions identitaires: le greffé peut en effet avoir l’impression d’être deux, de ne plus être ce qu’il était, etc. À l’époque du post-humain, où la médecine procède à des greffes de manière routinière, cette réflexion invite à s’interroger sur ce que nous sommes et sur les effets du déplacement des frontières qui nous définissent. Publié aux éditions Liber.
Réflexions autour de l’austérité
L’austérité est un projet global mené par les élites économiques qui vise à rasseoir leur pouvoir partout en Amérique et en Europe, leur permettant d’avoir les «deux mains sur le volant» comme elles ne les ont pas eues depuis la grande crise de 1929 et la construction de l’État-Providence, souligne le professeur du Département de sociologie Éric Pineault, qui signe deux textes dans le recueil intitulé L’austérité au temps de l’abondance. Cet ouvrage présente une sélection d’articles parus dans deux numéros de la revue Liberté consacrés à l’austérité (hiver 2015) et aux classes sociales (hiver 2014). Outre le professeur Pineault, on y retrouve entre autres des textes du chargé de cours Alain Deneault, de la doctorante Julia Posca et du candidat à la maîtrise Gabriel Nadeau-Dubois, tous affiliés au Département de sociologie. Les auteurs ne se contentent pas de vilipender les politiques d’austérité du gouvernement québécois. Ils invitent à la réflexion afin de renouveler le discours contestataire, souvent cantonné à la «défense des acquis» et au statu quo. «Le renouvellement des mouvements sociaux, en premier lieu celui du mouvement syndical et des groupes écologistes, qui se sont, chacun à leur manière, emmurés dans la gestion technocratique de problèmes sectoriels, est à espérer», écrit Gabriel Nadeau-Dubois. Publié chez Liberté en poche.