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De la comptabilité au showbiz

Lauréat 2015 du prix Reconnaissance de l’École des sciences de la gestion, Jacques Aubé dirige evenko en prenant des risques… payants!

Par Pierre-Etienne Caza

27 avril 2015 à 10 h 04

Mis à jour le 7 juin 2022 à 12 h 14

Jacques AubéPhoto: Nathalie St-Pierre

Sept diplômés de l’UQAM seront honorés à l’occasion du Gala Reconnaissance 2015 pour leur cheminement exemplaire et leur engagement. Ce texte est le quatrième d’une série de sept articles présentant les lauréats.

Il y a plusieurs façons d’atteindre la Ligue nationale de hockey (LNH) et Jacques Aubé a sans doute trouvé la plus originale! Le vice-président exécutif et chef d’exploitation d’evenko, le plus important diffuseur/producteur et promoteur indépendant au Canada, est en effet un ancien joueur des Éperviers de Verdun/Sorel, une équipe de la Ligue de hockey junior majeur du Québec. «On m’a échangé aux Castors de Sherbrooke, mais j’ai préféré poursuivre mes études, car je savais que je n’atteindrais sans doute pas la LNH», confie-t-il en riant.

Bon en mathématiques, Jacques Aubé s’inscrit en sciences comptables à l’UQAM, obtient son diplôme en 1983 et décroche un boulot la même année au sein de la firme Zittrer Siblin, qui fusionnera en 1989 avec Ernst & Young. «J’ai œuvré notamment du côté de l’insolvabilité et de la restructuration d’entreprises, se rappelle-t-il. Ce fut une excellente école.»

En 1992, un client de la firme lui fait une offre qu’il ne peut refuser et Jacques Aubé se retrouve vice-président, administration, chez Magil Laurentienne, une compagnie de gestion de tours à bureaux.

Parfaitement heureux, il ne cherche pas d’emploi lorsqu’il se retrouve, cinq ans plus tard, dans un 5 à 7 où il apprend que le directeur des finances du Canadien de Montréal quitte ses fonctions. Intrigué, il retourne à son bureau et appelle le soir même son ancien coach de hockey mineur, Aldo Giampaolo, alors vice-président aux opérations du Centre Molson. «Je pense qu’il a décroché le téléphone uniquement parce qu’il a vu “Magil” sur l’afficheur. Il croyait sans doute que c’était un suivi à propos du Centre Molson, qui avait été construit par Magil Construction et inauguré à peine un an plus tôt!»

L’ancien entraîneur s’informe de sa trajectoire professionnelle et lui conseille d’appeler le lendemain le chasseur de têtes responsable du dossier. Trois semaines plus tard, Jacques Aubé obtient le poste de directeur des finances de l’Aréna des Canadiens, qui englobe le club de hockey, le Centre Molson et la division spectacles.

Lorsque le Canadien passe aux mains de l’Américain George Gillett, en 2001, Aldo Giampaolo fonde Groupe Spectacles Gillett, l’entité en charge des spectacles au Centre Bell, qui sera rebaptisée evenko peu après la vente de l’équipe aux frères Molson, en 2009.

Après le départ d’Aldo Giampaolo pour le Cirque du Soleil, en 2004, Jacques Aubé se voit confier les rênes de la division spectacles par le président du Canadien de l’époque, Pierre Boivin. «J’ai hérité d’une équipe fantastique et, en 10 ans, nous sommes passés de 200 spectacles par année à plus de 1250 en variant l’offre entre la musique, le sport et l’humour», dit le patron d’evenko. L’entreprise ne se limite pas au Centre Bell. Elle créé les festivals Osheaga, Heavy MTL et îleSoniq au parc Jean-Drapeau – tous de beaux succès en matière d’événements culturels à Montréal –, et investit dans le développement et la promotion des artistes du Québec.

La gestion du risque

Jacques Aubé reconnaît avec humilité ne pas être un grand spécialiste de musique. «Je suis avant tout un bon gestionnaire qui a appris la gestion du risque, dit-il. C’est ce qui nous a permis de bâtir la réputation d’evenko.» L’entreprise, précise-t-il, a développé une approche différente des autres promoteurs nord-américains. «Nous n’attendons pas que le téléphone sonne. C’est nous qui sollicitons les artistes. Et pour nous assurer que les meilleures tournées s’arrêtent à Montréal, nous garantissons le cachet des artistes, ce que plusieurs autres villes ne font pas. À ma connaissance, il y a uniquement le Madison Square Garden de New York qui procède ainsi.»

Le Centre Bell demeure la pierre d’assise d’evenko. «C’est l’un des meilleurs arénas au monde et nous en sommes les gestionnaires exclusifs, note Jacques Aubé. C’est un merveilleux atout à partir duquel nous avons essaimé, en produisant ensuite de plus petits spectacles ailleurs – à la Place des Arts, au Métropolis, au National, au Théâtre Saint-Denis.» Evenko est également le gestionnaire exclusif du Théâtre Corona Virgin Mobile, rue Notre-Dame Ouest.

Osheaga célèbre ses 10 ans

Les projets dont il est le plus fier sont la création du festival Osheaga, qui fêtera son dixième anniversaire cet été (31 juillet, 1er et 2 août) au parc Jean-Drapeau, et la venue de U2 en juillet 2011, qui avait attiré plus de 160 000 spectateurs lors de deux soirées à l’Hippodrome de Montréal. «La façon dont ce projet a été mené, avec la construction d’un amphithéâtre temporaire, nous a permis d’établir notre réputation sur la scène internationale. Quant à Osheaga, c’est le genre d’événement qui stimule énormément l’activité touristique: 65 % des gens qui y assistent viennent de l’extérieur de la province. Lors de ce week-end, le taux d’occupation des hôtels est aussi élevé que lors du Grand Prix», souligne Jacques Aubé, qui a été nommé Personnalité touristique de l’année par Tourisme Montréal en 2011 et en 2014.

Les succès s’accumulent, mais personne ne se repose sur ses lauriers. «Nous souhaitons poursuivre le développement de nos festivals, continuer d’attirer de bons spectacles en ville et mettre en valeur les artistes d’ici, affirme Jacques Aubé. Et l’ouverture de la Place Bell, à Laval en 2016, nous tiendra aussi passablement occupés.» The show must go on !