
Lancé le 23 juin dernier dans le quartier montréalais Ahuntsic-Cartierville, le projet IDENT-Cité vise à sensibiliser la population à l’importance des arbres et de la biodiversité en milieu urbain. Il a été développé par des chercheurs de la Chaire de recherche CRSNG/Hydro-Québec sur le contrôle de la croissance des arbres en collaboration avec l’arrondissement. L’objectif général du projet est d’amener les Montréalais à mieux comprendre l’importance de la diversité des aménagements pour la santé des écosystèmes urbains et les effets bénéfiques des arbres en ville, notamment sur la santé humaine.
«À ma connaissance, c’est un premier partenariat entre les domaines scientifique, académique et municipal et un premier projet du genre en milieu urbain», explique Alain Paquette, chercheur à la Chaire et principal instigateur du projet en collaboration avec son directeur, le professeur Christian Messier, du Département des sciences biologiques.

Situé au parc Stanley, le projet IDENT-Cité s’inscrit dans le cadre du parcours Gouin, un projet de piétonisation temporaire de l’avenue Park-Stanley. Il prend la forme d’une installation en double spirale qui se compose de 48 arbres, des conifères et des feuillus, provenant de 27 espèces différentes, dont la plupart sont méconnues du grand public et peu plantées dans l’arrondissement. On y trouve plusieurs espèces exotiques et quelques indigènes. Disposées de façon à présenter un «gradient de biodiversité», les espèces sont de plus en plus diversifiées à mesure que les promeneurs se déplacent vers le centre de la spirale, pour redevenir de plus en plus semblables sur la deuxième moitié du parcours.
«Plus une forêt est diversifiée, plus elle sera résiliente face à des stress comme les tempêtes violentes, les infestations d’insectes exotiques, la chaleur, la sécheresse et la pollution», souligne Alain Paquette.
Un lieu d’éducation en environnement
Dans le cadre de ce projet, l’arrondissement Ahuntsic-Cartierville s’engage à verser 23 000 dollars pendant cinq ans à l’UQAM. L’argent sera distribué sous forme de bourses d’études à des étudiants des trois cycles de l’Université dans le but de produire du matériel pédagogique afin d’animer le site. «Nous voulons ainsi créer un véritable lieu d’éducation en environnement destiné à la population urbaine et mieux faire connaître les recherches scientifiques dans le domaine», dit Alain Paquette, qui est aussi professeur associé au Centre d’étude de la forêt, dont plusieurs chercheurs collaborent au projet IDENT-Cité. Le projet de recherche permettra également aux chercheurs de tester des hypothèses liées aux stress urbains.
Le dispositif IDENT
Instauré par le réseau de chercheurs International Diversity Experiment Network with Trees (IDENT), mis en place et coordonné par les membres de la Chaire, le premier dispositif IDENT a vu le jour en 2008 à Sainte-Anne-de-Bellevue. Six autres dispositifs de recherche ont depuis été installés au Québec (Auclair), en Ontario (Sault-Sainte-Marie), au Minnesota (à Cloquet et dans un important centre de recherche international en biodiversité situé à Cedar Creek), ainsi qu’en Sardaigne et en Allemagne (Fribourg).
«Ces dispositifs, qui regroupent différentes espèces sur un territoire donné et dont l’objectif est de mesurer les effets de la biodiversité sur différentes fonctions des écosystèmes, comme la productivité et la résilience, sont implantés dans des centres de recherche universitaire en forêt ou en campagne et ne sont pas nécessairement accessibles au grand public ni conçus dans cette optique», souligne Alain Paquette. Ces derniers sont par ailleurs beaucoup plus gros que celui de l’arrondissement Ahuntsic. «Le projet IDENT de Sainte-Anne-de-Bellevue est doté de 15 000 arbres, il est immense et très dense; bref, impossible d’y faire des visites de groupe!, précise le chercheur. Le dernier-né des projets IDENT est plus accessible: il montre ce qui se fait comme recherche scientifique dans le domaine, et ce, en milieu urbain, soit plus proche de la population.»
Choisir des arbres
Il existe près de 300 espèces d’arbres à Montréal. Or, le frêne, l’érable de Norvège et l’érable argenté constituent à eux seuls environ 80 % des espèces plantées! «Ces espèces ont été plantées à une certaine époque pour remplacer les ormes décimés par la maladie, explique Alain Paquette. Mais le frêne et l’érable de Norvège, connus jusqu’alors comme des champions de la tolérance et de l’acceptabilité, sont aujourd’hui sources de problèmes. La première espèce est touchée par un parasite mortel – l’agrile du frêne – et la deuxième est une espèce envahissante limitant la croissance des autres arbres.» Quant à l’érable argenté, un arbre gigantesque et majestueux, il ne pose pas forcément de problème, hormis le fait qu’il peut détruire certaines infrastructures! «C’est lui qui soulève les trottoirs avec ses racines», fait remarquer le chercheur.
Choisir des arbres dans une ville comme Montréal n’est pas une tâche facile. Les espèces doivent être résistantes au climat de la ville et tolérantes aux conditions urbaines. La population doit aussi les accepter. «Certains arbres produisent des fruits qui peuvent endommager les voitures ou qui doivent être ramassés; d’autres sont victimes de pucerons ou perdent leurs feuilles, illustre Alain Paquette. Le mot d’ordre, c’est la diversité, oui, mais pas à n’importe quel prix: on ne plante pas n’importe quoi, n’importe où. Un marronnier qui perd ses fruits ne pose pas un problème dans un parc, mais sur la rue, c’est une autre histoire…»
Dans le cadre du projet IDENT-Cité, Alain Paquette et son équipe ont opté pour différentes espèces, dont plusieurs sont exotiques, mais cultivées au Canada depuis longtemps afin d’éviter tout risque de propagation de maladies, d’insectes ravageurs et de champignons. «La population préférera toujours les espèces indigènes. Cependant elles ne tolèrent pas très bien les conditions urbaines, soulève Alain Paquette. Si nous voulons des arbres en ville, il va falloir planter des arbres exotiques. Les gens vont devoir accepter ces nouvelles espèces et il existe des moyens pour éviter qu’elles causent des dommages.»
Comme le projet se déroule en ville, dans un espace plus limité qu’une véritable forêt, les espèces choisies sont pour la plupart des arbres à faible et à moyen développement. «Ce sont des arbres appropriés pour les nouvelles habitations urbaines possédant moins de terrain, suggère Alain Paquette. En présentant des espèces méconnues du public, nous voulons, par le fait même, présenter différentes options aux citoyens qui souhaitent planter des arbres sur leurs terrains.»
Le millionième arbre
Le lancement d’IDENT-Cité a été l’occasion de souligner le millionième arbre planté pour la science par l’organisme international TreeDivNet, un vaste réseau de chercheurs internationaux (incluant ceux provenant du réseau IDENT) menant des projets de dispositifs de recherche en biodiversité sur les arbres. «Si on regroupe tous les projets de TreeDivNet, incluant les huit projets IDENT, on arrive à près d’un million d’arbres plantés», dit Alain Paquette. Le millionième arbre, un jeune pin blanc du Japon au joli nom latin Pinus parviflora, ressemble à un bonsaï et fait partie des 48 arbres du dispositif urbain IDENT-Cité. «C’est le premier arbre de son espèce introduit à Montréal, précise Alain Paquette. On en trouve probablement au Jardin botanique, mais pas dans les parcs et espaces publics de la ville.»
Balades scientifiques
Le Cœur des sciences organise les 14, 16 et 19 juillet prochains des balades scientifiques afin de découvrir le projet de l’arrondissement Ahuntsic-Cartierville. Intitulées «Ces arbres qui nous font du bien», les excursions urbaines seront animées par Sophie Carpentier, candidate à la maîtrise en biologie à l’UQAM, qui s’intéresse tout particulièrement à l’effet des aménagements forestiers sur les services écologiques rendus par les forêts québécoises.